Jésus serait-il sexiste, raciste et suprémaciste ?

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

Je suis consternée, désemparée, choquée, atterrée, dégoûtée… En fait, il n’y a pas assez de mots pour décrire mon désarroi devant ce que j’entends, voit et lit à la radio, à la télévision et sur ma tablette cette semaine… au sujet de ce qui s’est passé à Charlottesville, en Espagne, en Finlande… et même dans la région de Tyr et de Sidon. Non, je ne peux lire cet extrait de l’évangile de Matthieu qu’à la lueur de ce qui est projeté par ces écrans cathodiques, petits et grands. À la lumière des nouvelles, on dirait que Jésus a plutôt l’air sexiste, raciste, et même un peu suprémaciste sur les bords.

Dimanche dernier, dans sa prédication sur le récit de Pierre qui marche sur l’eau, Paul-André a dit : « Quelque chose nous attache à [Jésus] qui peut rester fort même quand nos vies sont dans la tempête. Il vient vers nous pour que nous venions vers lui. » Ça, c’était la semaine dernière… il y a à peine quelques versets plus tôt dans l’évangile de Matthieu. Et c’était Pierre : un homme, son chum, un juif « de souche » comme lui. Ce matin, c’est une autre histoire. Matthieu prend la peine de nous dire que Jésus se retire vers la région de Tyr et de Sidon et qu’une femme… mais pas n’importe laquelle… une Cananéenne…vient vers lui. Elle est l’une des descendantes des populations qui ont été tassées par les ancêtres de Jésus venus prendre possession et exploiter les richesses de ces terres ruisselantes de lait et de miel. Et quand elle vient vers Jésus… le supplie d’aider sa fille… il ne lui répond même pas un mot ! Vous rendez-vous compte ? Il l’ignore ! Et puis… quand les disciples lui demandent de la renvoyer, Jésus répond enfin mais en ces termes : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues d’Israël »… comme si sa mission était de redorer le blason de sa nation, son peuple, comme si sa mission était de restaurer la maison d’Israël à son ancienne gloire. Pour imité un slogan beaucoup entendu ces derniers mois, on pourrait dire : Make Israël great again. Et quand la femme persiste, il va jusqu’à l’insulter : « Il n’est pas bon de prendre le pain des enfants pour le jeter aux petits chiens ».

Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits.


On pourrait s’attendre à ce type de remarque dans la bouche d’un militant en faveur de la ségrégation des races et des sexes mais dans la bouche de Jésus ? Ne vient-il pas de dire que c’est ce qui sort de la bouche qui rend un homme impur ? Pourquoi Matthieu tient-il à ce qu’on voie Jésus sous un mauvais jour ?
Pourquoi cette hostilité à l’égard de cette étrangère quand, dès le début de son évangile, Matthieu prend la peine d’inclure 4 femmes, dont Rahab et Ruth – donc des non-juives – dans la généalogie de Jésus (Mt 1,1-15) ? Et par le récit des mages venus d’orient (Mt 2, 1-12), Matthieu ne laisse-t-il pas entendre que Jésus est bel et bien la lumière de toutes les nations ?

Selon certains commentaires, Matthieu veut démontrer comment Jésus teste la foi de la Cananéenne et notre foi à nous aussi. (Il testerait notre foi par des insultes ? Vraiment ?! Pas sûre moi !) D’autres avancent que, après plusieurs histoires miraculeuses mettant en lumière la divinité de Jésus, nous voici, aujourd’hui, devant un récit qui démontre sa profonde humanité : Jésus aussi pouvait être bête des fois… pour ensuite se repentir, bien évidemment… mais il pouvait sauter une coche… aller trop loin… comme tous les humains. Le fait que ce soit une femme qui le remet à sa place n’est pas pour déplaire aux féministes.

Peut-être que c’est ça. Peut-être… mais je crois qu’en plus de révéler aux disciples quelque chose sur la vraie nature de Jésus, Matthieu veut aussi nous révéler quelque chose sur nous-mêmes : sur notre humanité à nous. Derrière qui allons-nous nous ranger ? Derrière les scribes et les pharisiens qui doivent sûrement approuver ce type de comportement chez un gars « de souche » comme eux. Où derrière cette femme, cette étrangère, qui refuse le statut quo, qui refuse de croire en un Dieu dont la générosité et la miséricorde seraient restreintes par nos frontières et nos catégories humaines. « Justement, les petits chiens mangent des miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. »

Je me plais à penser que cette Cananéenne a inspiré Paul, l’ancien pharisien, qui lui aussi persiste et signe : dans la maison de Dieu, chacun-e a sa place et c’est la vie pour toutes et tous. La volonté de Dieu, c’est la réconciliation du monde et le passage de la mort à la vie. Par sa grâce, Dieu rassemblera ses fidèles dans une seule et même famille, mettant enfin un terme à toute forme d’hostilité et de violence entre les gens « de souche » et les « nouveaux arrivants ».

Pour revenir à Matthieu, il me semble que l’évangéliste cherche à nous provoquer, à nous faire sortir d’un état de stupéfaction qui nous anesthésie, une torpeur qui nous paralyse… parfois jusqu’à banaliser la pire des atrocités. Matthieu veut nous provoquer. Nous avons raison de nous indigner devant les propos et les gestes haineux, sexistes, racistes, suprémacistes. Et Matthieu veut nous encourager à les confronter avec toute la foi et tout le courage de cette Cananéenne. Ignorée, insultée, elle répond du tac au tac, mais sans violence, sans contre-attaque. Elle ne s’écrase pas, mais elle s’abaisse et en ce faisant, elle élève tous les « petits-chiens » dont elle devient la défenseure.

Cette semaine, encore une fois, j’ai trouvé que Barak Obama avait l’étoffe d’un vrai leader digne de ce nom. Dimanche dernier, suite aux événements de Charlottesville, l’ancien président s’est servi du réseau social Twitter pour prendre position dans la tempête médiatique. Citant Nelson Mandela, il a écrit : « Personne ne nait en haïssant une autre personne à cause de la couleur de sa peau, ou de ses origines, ou de sa religion » Dans un article de La Presse mercredi on peut lire : « Barack Obama ne s’est pas autrement exprimé sur le sujet que par cette citation du grand résistant à l’apartheid illustrée d’une photo du 44e président des États-Unis souriant à quatre enfants, dont une petite fille noire et un bébé tout blond, qui le regardent d’une fenêtre. »

Tout est dit. Il se fait le défenseur de tous les petits chiens… sans attaquer ou insulter qui que ce soit, sans banaliser la violence et la haine et surtout, surtout, en exprimant sa foi en l’humanité, notre humanité à nous toutes et tous et son espérance pour la réconciliation du monde.

Ce tweet est le plus liké de toute l’histoire de ce réseau social avec 3,1 million de mentions « j’aime » et 1,3 millions de retweets. De toute évidence, nombre de nos frères et sœurs partagent cette même espérance. Dieu soit loué.


Que notre foi en Dieu – dont la générosité et la miséricorde ne connaissent pas de limites – nous donne la force et le courage des petits chiens… Que notre foi nous donne d’oser prendre position contre toute forme de sexisme, de racisme, et de suprémacisme… pour la gloire de Dieu et la réconciliation du monde. Et que nous entendions Jésus nous dire : Femme… homme… ta foi est grande ! Qu’il t’arrive comme tu le veux ! Ainsi soit-il. Amen.

Par Darla Sloan

Le 20 août 2017 – 11 Pentecôte A17 – Église Unie St-Pierre et Pinguet

 

LECTURES BIBLIQUES

Romains 11, 13-24

Matthieu 15, 1-11 & 21-28

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