Le protestantisme

Le protestantisme étant d’abord une pensée religieuse qui nourrit sa réflexion par les Écritures, il va de soi que le fait de déclarer ouvertement sa foi ne saurait se limiter à des formules imposées ou à des clichés. Il n’est donc pas surprenant de retrouver, dans les cinq siècles de tradition protestante, une multitude de confessions de foi toutes différentes. Confesser sa foi, pour un protestant, devient alors le produit d’une réflexions rigoureuse et l’affirmation de sa liberté responsable.
Dans la mesure où la confession de foi devient un choix libre et responsable, il arrive fréquemment qu’on soit tenté de taxer d’hérétiques certaines de ces confessions ou certains de leurs passages. À cet égard, il convient de rappeler que, d’une part, le mot « hérésie » vient du mot grec « αιρεςις, hairesis », signifiant « choix » et, d’autre part, que c’est par les « hérésies » de Luther, Zwingli et Calvin qu’est née la Réforme, que c’est donc par d’autres « hérésies » que cette Réforme peut se poursuivre, car la mission des églises réformées est justement d’être toujours en réforme, en questionnement, en train de poursuivre des démarches de choix responsables.

QU’EST-CE QUE LE PROTESTANTISME ?
(Référence : Claudette Marquet, Le protestantisme, Seghers, 1977)

Depuis près de 500 ans le protestantisme s’est affirmé comme pensée religieuse originale sous des formes diversifiées. Dans ce cadre, « pro-tester » signifie tout simplement « témoigner pour, en faveur de » sa foi fondée sur les Écritures et l’interprétation rationnelle qu’on peut en tirer à la lumière de l’Esprit Saint. Qu’il suffise donc de rappeler que le protestantisme est une confession chrétienne qui, depuis le 31 octobre 1517 (date de l’affichage des 95 thèses de Luther à Wittenberg), dit toujours:
Oui à Dieu, mais non au pape et à l’Église romaine.
Oui à la foi, mais non aux « œuvres ».
Oui à l’Écriture, mais non à la tradition ecclésiale.
Oui à la grâce, mais non à l’autorité doctrinal absolue.
Oui à l’Église, mais toujours appelée à se réformer.
Oui à la liberté d’expression, mais non à la distorsion des textes.

Donc, ce qui fonde la foi protestante, c’est Jésus Christ et son Évangile, non Luther, Calvin ou Zwingli. Bien sûr, ces grands réformateurs ont permis aux chrétiens du XVIe siècle de retrouver la vérité première du message évangélique devenue prisonnier d’une Église devenue infidèle au sens fondamental du message du Christ. Sur ce plan, la lecture que fit Luther de l’Épître de Paul aux Romains est devenue la référence et le modèle de lecture réformé des textes bibliques. C’est aussi ce type de lecture qui permis d’établir que Jésus Christ n’avait institué que deux sacrements (le baptême et la Sainte Cène) : c’est pourquoi le protestantisme ne célèbre que deux sacrements. Le but premier des Réformateurs n’a jamais été de créer une nouvelle Église ou de fonder une nouvelle religion. Ils voulaient tout simplement amener l’Église chrétienne à se « réformer » pour retrouver une fidélité rigoureuse à l’Évangile. Ce qui caractérise d’ailleurs l’activité religieuse du protestant et sa façon de célébrer son culte à Dieu, c’est son soucis de lire attentivement et d’interpréter rationnellement les textes bibliques car ils nourrissent sa foi.

En plus de Luther, Calvin et Zwingli, les théologiens qui ont le plus contribué à l’expansion de la réforme sont, d’abord, John Knox (1505-1572) qui a implanté la Réforme en Écosse en fondant l’Église presbytérienne après avoir passé plusieurs années près de Calvin à Genève. Le nom « presbytérien » fait référence au mode d’organisation de chaque paroisse fondé sur un conseil d’« Anciens » (presbuteroi en grec). Ensuite, deux siècles plus tard, John Wesley (1703-1791) Fonda le méthodisme. Fils d’un pasteur anglican il devint lui même pasteur anglican. Cependant, le 24 mai 1738, écoutant la lecture de la préface que Luther avais rédigée à l’Épître aux Romain de Paul, Wesley eu la « révélation » du salut par la foi et non par les œuvres. Il commença donc à prêcher cette vérité fondamental de la Réforme dans les églises anglicanes, mais on lui refusa rapidement l’accès à ces églises pour ses prédications Il continua à prêcher, en plein air, attirant des foules considérable. Il insistait sur l’importance de la piété personnelle, de la conversion et l’assurance du salut reçu par la foi. Le nom de « méthodisme » vient de la pratique — qu’il a lancé — d’exercices spirituels effectués selon une méthode précise à l’intérieur de réunions de piété. Il voulait aussi former des laïcs capables de prêcher et, finalement, créa une Église séparée de l’Église anglicane.

(À noter que l’anglicanisme ne peut être considéré comme une confession protestante au sens stricte. Elle n’est pas en effet le résultat d’une réforme de l’Église romaine, mais plutôt d’une rupture avec Rome décidé par Henri VIII (1491-1547) pour des raisons « d’État », créant alors une sorte d’Église catholique nationale. Aujourd’hui la doctrine anglicane se trouve à la frontière entre la doctrine romaine et la doctrine protestante.)

Enfin, il convient de souligner la fondation du premier mouvement à se séparer de l’Église anglicane à laquelle il reprochait son union et sa dépendance vis-à-vis de l’État : ce sont les congrégationalistes. Il revendiquaient l’autonomie absolue de la paroisse (congregation en anglais), refusant donc tout autorité supra paroissiale. Ce sont les congrégationalistes (aussi appelés Puritains) menés par John Robinson qui, en 1620, émigrèrent en Amérique sur le Mayflower dans le but de fonder un pays à l’image de leur foi.

D’autres confessions protestantes apparurent du XVIIe (les Baptistes) au XXe siècle (les Pentecôtistes), ainsi que d’autres dénominations qui, par leurs origines, se rattachent au courant protestant sans être des Églises au sens théologique (elles n’administrent pas les sacrements), mais souvent reconnues comme telles par l’État civil : les Mennonites, les Quakers, les Frères Moraves, l’Armée du Salut

La route de la foi chrétienne est large !

 

ORIGINE DU MOT « PROTESTANT »
(Référence : André Gounelle, Protestantisme, Publisud 1992, page 25 et 26

On a parlé pour la première fois de « protestants » au cours d’une diète (assemblée politique) qui se tint à Spire en 1529. Trois ans auparavant, Charles Quint avait accordé, à titre provisoire, aux princes allemands qui le désiraient le droit d’opter pour la Réforme luthérienne. En 1529, l’Empereur fait annoncer qu’il annule cette concession, et que tout le monde doit se rallier à Rome. Cette décision se heurte au refus et à la protestation solennelle des princes favorables à Luther qui adoptent la déclaration suivante:
Nous protestons devant Dieu, notre unique créateur, conservateur, rédempteur et sauveur, et qui, un jour sera notre juge, ainsi que devant tout les hommes et toutes les créatures, que nous ne consentons ni n’adhérons d’aucune manière pour nous et pour les nôtres au décret proposé dans toutes les choses qui sont contraintes à Dieu à sa sainte parole, à notre bonne conscience, au salut de nos âmes et au dernier décret de Spire.
On appela « princes protestants » ceux qui avaient signé ce texte, A partir de là, on a qualifié de « protestants » ceux qui se réclament des Réformes luthériennes

Dans la langue du seizième siècle, « protester » ne désigne pas d’abord une attitude d’opposition et de refus. Au début de la déclaration de Spire, le verbe signifie attester, proclamer, affirmer publiquement (comme dans l’expression « protester de sa bonne foi »). Néanmoins, on doit souligner que les princes expriment leur contestation et leur rejet d’un décret impérial. Leur texte constitue donc une protestation aussi bien au sens positif du mot au seizième siècle qu’au sens négatif qu’il a pris aujourd’hui.
La déclaration de 1529 apparaît significative à plusieurs égards. De nature foncièrement religieuse, elle se réfère à Dieu, à sa parole et elle se préoccupe du salut. Elle a également un aspect éthique; elle parle de ne rien faire contre sa conscience. Elle revêt un caractère politique évident; elle s’oppose à un acte de l’Empereur, et affirme implicitement les limites de l’autorité du souverain; par là, elle contient en germe le principe de la liberté de conscience, même si les signataires ne le voient pas (puisqu’ils imposent à leurs sujets de suivre leur choix). Enfin, elle ne vient pas de théologiens ou d’ecclésiastiques, mais de princes qui sont des séculiers ou des laïcs. Ces quatre dimensions religieuse, éthique, politique et laïque, joueront un rôle important dans l’identité protestante.

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