Noël d’après Luc, Matthieu et Jean

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Église Unie Pinguet

Culte avec Sainte Cène de Noël 2014

LECTURES BIBLIQUES (TOB)

Luc 2, 1-7

Or, en ce temps-là, parut un décret de César Auguste pour faire recenser le monde entier. 2Ce premier recensement eut lieu à l’époque où Quirinius était gouverneur de Syrie. 3Tous allaient se faire recenser, chacun dans sa propre ville ; 4Joseph aussi monta de la ville de Nazareth en Galilée à la ville de David qui s’appelle Bethléem en Judée, parce qu’il était de la famille et de la descendance de David, 5pour se faire recenser avec Marie son épouse, qui était enceinte.
6Or, pendant qu’ils étaient là, le jour où elle devait accoucher arriva ; 7elle accoucha de son fils premier-né, l’emmaillota et le déposa dans une mangeoire, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans la salle d’hôtes.

Matthieu 2, 1-2

Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son astre à l’Orient et nous sommes venus lui rendre hommage. » 

Jean 1, 14

Et le Verbe s’est fait chair
et il a habité parmi nous
et nous avons vu sa gloire,
cette gloire que, Fils unique plein de grâce et de vérité, il tient du Père.

PRÉDICATION

Pour avoir une vision d’ensemble de l’authentique esprit de Noël, il faut relire au complet les deux premiers chapitres des évangiles de Matthieu et de Luc que la tradition a appelés « évangiles de l’enfance », de même que le « prologue » de l’évangile de Jean, c’est-à-dire les dix-huit versets par lesquels débute son premier chapitre. Il faut le faire pour comprendre le sens donné par les évangélistes à l’entrée de Jésus en ce monde, comme on lit les récits de la Passion et des apparitions qui l’ont suivie pour comprendre le sens donné par les évangélistes à sa sortie de ce monde.

J’ai choisi pour aujourd’hui dans chacun des trois évangiles qui parlent de l’entrée de Jésus en ce monde – Marc, lui, n’en parle pas – un bref passage qui nous met dans l’ambiance de ce jour de Noël. Mais ma réflexion portera sur l’ensemble de la signification que les évangélistes attribuent aux débuts de la vie de Jésus.

Il faut d’abord se rappeler que les trois évangélistes écrivent après-coup, c’est-à-dire soit après avoir vu, entendu et accompagné eux-mêmes Jésus dans son histoire de vie, soit après avoir reçu le témoignage de ceux et celles qui l’avaient vu à l’œuvre, avaient écouté son enseignement et l’avaient accompagné sur les routes de Palestine. À la suite des apparitions dont ils avaient été directement témoins, ou dont ils avaient entendu parler par ces témoins, ils partageaient la conviction de sa vie en Dieu au-delà de la mort et de l’effusion sur eux de l’Esprit Saint qui l’avait lui-même animé.

Les évangélistes nous donnent à comprendre que la naissance de Jésus, qui avait pu passer inaperçue pour la plus grande partie de l’humanité de l’époque, ou être vue comme une naissance comme les autres par des gens qui en avaient eu connaissance, avait été, en réalité, un événement extraordinaire. Elle avait été extraordinaire pas seulement au sens où toute naissance l’est pour les parents, même si elle peut paraître ordinaire aux yeux des autres. Elle l’avait été, encore et surtout, en tant qu’irruption exceptionnelle du divin dans l’histoire humaine. La tradition qualifiera plus tard ce moment de la naissance de Jésus de « plénitude des temps » et encore aujourd’hui, partout dans le monde, la manière la plus courante de faire le décompte des années part de l’année présumée de la naissance de Jésus. Nous allons bientôt entrer dans la deux mille quinzième année de cette naissance.

Quand dans un récit de l’Orient ancien où vivent les évangélistes, on raconte qu’un personnage est né d’une vierge, on veut signifier par là que son origine est divine. On peut penser que c’est bien ce qu’exprime la naissance virginale de Jésus, et non pas une qualité spirituelle particulière attribuée à l’abstinence sexuelle, comme on l’a compris dans certains courants du christianisme. L’important ne concerne pas l’anatomie de l’hymen de Marie, mais plutôt l’affirmation que la venue au monde de Jésus est une œuvre de Dieu qui a travaillé en Marie par son Esprit. C’est ce que Joseph est inspiré de comprendre dans l’épisode du songe ( Mt 1, 18-25), lui qui aurait été justifié par la loi de sa religion de dénoncer Marie, pour qu’elle soit lapidée.

Comme pour prévenir qu’on donne à la naissance virginale de Jésus le sens d’un refus de la sexualité, d’une obsession de la pureté physique, comme on l’a connue dans la religion d’ici, la généalogie que l’évangéliste Matthieu attribue à Jésus (Mt 1,1-6) comprend des noms de femmes, Thamar, Rahab, « la femme d’Urie » et Ruth, qui, elles, ont vécu leur sexualité suivant les moeurs de leur époque. Bien que certains de leurs comportements puissent paraître répréhensibles aux yeux d’une morale stricte, l’Ancien Testament les présente comme des personnes par qui Dieu a agi dans son peuple. L’évangile de Matthieu affirme ainsi, dans la lignée où il situe Jésus, que celui-ci est venu assumer l’héritage de l’humanité, dans tout ce qu’il comporte, pour le réconcilier avec le projet que Dieu veut pour elle. Cette généalogie que Matthieu place ainsi au début de son évangile fait écho à la parole de Jésus, qu’il rapporte plus loin, à propos des « prostituées » qui ont cru dans « le chemin de justice » annoncé par Jean le Baptiste et qui « précèdent dans le Royaume de Dieu » (Mt 21, 31-32) ceux qui se pensent purs et ainsi exemptés de se convertir.

Selon l’évangéliste Luc, cette voie de la conversion, de la réconciliation de l’humanité avec sa vocation divine, est celle qui a été annoncée par les prophètes qui ont proclamé l’option de Dieu pour la justice sociale. Pour Luc, la femme qui porte Jésus dans son ventre n’est pas l’adolescente dévote, naïve et « fleur bleue » que la suite d’un certain christianisme va enfermer dans des statues en plâtre aux couleurs de pastel. Dans sa visite à Élisabeth, elle affirme que sa compréhension du projet de Dieu pour l’humanité, ce que son fils appellera plus tard « le Royaume de Dieu », est celui des grands prophètes de sa religion juive. Elle affirme que la bonté de Dieu « s’étend de génération en génération sur ceux qui le craignent, Il est intervenu de toute la force de son bras; il a dispersé les hommes à la pensée orgueilleuse; il a jeté les puissants à bas de leurs trônes et il a élevé les humbles; les affamés, il les a comblés de biens et les riches, il les a renvoyés les mains vides. » (Lc 1, 50-53). Jésus aura donc de qui tenir dans son adhésion au courant prophétique du judaïsme!

D’ailleurs, l’évangéliste met en valeur que cet accueil par Jésus de l’humanité ordinaire, celle dans laquelle se trouvent des humbles et des pauvres, a marqué le moment de sa naissance. Des bergers, des gens qui vivaient dans la nature et ne pouvaient donc pas satisfaire à toutes les exigences de leur religion, des marginaux en quelque sorte, sont les premiers, après Marie et Joseph, à voir Jésus. La naissance de Jésus se passe apparemment entre gens ordinaires, mais son caractère extraordinaire est en même temps exprimé par l’intervention des anges que l’évangéliste place dans le récit.

Avec l’épisode de la visite des « mages  venus d’Orient », Matthieu exprime que la venue au monde de Jésus concerne aussi les élites savantes qui sont disposées à se laisser guider vers elle. Le même épisode indique aussi que cette venue concerne toute l’humanité et qu’elle n’est pas seulement destinée au peuple juif. Le caractère divin de cette intention est manifesté par le symbole de l’astre qui les guide. Dans le même récit, l’intérêt fourbe que porte à cette visite le roi Hérode, grand dictateur local et ami de l’empire de l’époque, place à l’origine de la vie de Jésus, avant même que son message de libération ne soit annoncé, la répulsion et la violence avec laquelle les exploiteurs de ce monde refuseront la « bonne nouvelle » dont Jésus sera le porte-parole. Le « massacre des innocents » par Hérode préfigure la violence de toutes les répressions à venir et la « fuite en Égypte » de Joseph et Marie, avec bébé Jésus, anticipe la condition de réfugiés que partageront avec eux beaucoup de ceux et celles qui voudront pour eux-mêmes et leur peuple la paix et la justice, par quoi se manifeste le Règne de Dieu contre celui des oppresseurs.

Ce que les évangiles de Matthieu et de Luc nous disent de manière concrète et imagée en racontant une histoire, le prologue de l’évangile de Jean nous l’exprime de manière théorique, dans un discours théologique. « Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire, cette gloire que , Fils unique plein de grâce et de vérité, il tient du Père . » (Jn 1, 14). Le « Verbe », c’est la « Parole » que Dieu nous adresse dans la personne de Jésus. C’est l’entrée et la présence continue en ce monde de cette Parole en personne que nous célébrons en ce jour de Noël, avec tout ce qu’elle implique et que nous avons évoqué dans notre rappel du message des évangiles dits « de l’enfance ». C’est encore ce que nous rendrons présent dans quelques instants, sous les signes concrets du pain et du vin, ensemble symboles de Jésus-Christ vivant avec nous, hier, aujourd’hui et demain. Joyeux Noël! Joyeux Anniversaire de la Nativité de Jésus, avec tout ce qu’elle apporte de sens et d’espérance dans nos vies et dans celles de toute l’humanité!

Amen.

Par Gérald Doré, pasteur desservant

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