Les clefs du Royaume

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Mon enfance a coïncidé avec le début de la télévision en Amérique du Nord. Le nombre de films disponibles étant alors très limité on repassait souvent des ‘succès’ du cinéma des années 1930 et 40. Les navets n’étaient pas meilleurs pour autant mais on ne se lassait pas de voir les films bien faits. En lisant le texte de l’évangile de ce matin, je me suis souvenu d’un film remarquable produit par le cinéaste américain aujourd’hui renommé, Joseph L. Mankiewicz. Le titre ? Les clefs du Royaume [ou dans la version original The Keys of the Kingdom] de A. J. Cronin. On y présentait la vie d’un « vieux prêtre écossais, le père Francis Chisholm, au caractère peu conventionnel et en proie aux critiques, qui se rappelle son enfance tourmentée avec la mort de ses parents, sa vocation soudaine, ses efforts pour vivre et partager son appel à l’amour et à la tolérance, de l’Écosse à l’Extrême-Orient. Le roman évoque les soixante dernières années du prêtre qui fut missionnaire en Chine et qui traversa guerres, famines et épidémies. » (Wikipédia)

Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits.


Ces clefs du Royaume et leur utilisation par l’apôtre Pierre et ses successeurs, ont constitué depuis la Réforme protestante une pierre d’achoppement (sans jeu de mots intentionnel) dans la compréhension du ministère de l’Église et des ‘pouvoirs’ disponibles dans les mains de ceux qui y assument des responsabilités. Le drapeau du Vatican, bien visible aussi dans mon enfance au Québec, arbore avec la tiare papale deux clés croisées, l’une signifiant le pouvoir spirituel, l’autre le pouvoir du monde. Nous le savons, l’Église primitive est devenue peu à peu chrétienté et elle s’est alors développée sur les fondations de l’Empire romain pour, par la suite, consolider son institution et s’identifier au système féodal du Moyen-Âge, puis à celui des seigneuries et de la noblesse, des réalités sociopolitiques qui semblaient faire honneur et donner toute la mesure à ce pouvoir de lier sur la terre comme au cieux. Avec les débordements que l’on reconnaît maintenant avec le recul des siècles, et que l’on regrette amèrement…

Il ne s’agit pas ici de polémique mais plutôt de tenter de suivre la recommandation de Paul aux chrétiens de Rome : Ne vous conformez pas au monde présent, mais soyez transformés par le renouvellement de votre intelligence, pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bien, ce qui lui est agréable, ce qui est parfait. La confession de Pierre ce n’est pas la chair et le sang qui ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. C’est avec comme toile de fond cette relation au Dieu de la grâce et de la miséricorde qu’il nous faut entendre les paroles de Jésus sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et la Puissance de la mort n’aura pas de force contre elle. Je te donnerai les clés du Royaume des cieux. Il ne s’agit pas d’abord de contrôle et d’exclusion mais bien d’ouverture et d’intégration par l’annonce de l’Évangile de grâce dont la nouvelle communauté des disciples, l’Église, est porteuse « pour la gloire de Dieu et le salut du monde ». Et Paul nous fait connaître l’attitude pour utiliser ces clefs dans l’Esprit du Christ : n’ayez pas de prétentions au-delà de ce qui est raisonnable, soyez assez raisonnables pour n’être pas prétentieux, chacun selon la mesure de foi que Dieu lui a donnée en partage. Christ est venu pour servir et non pour être servi : celles et ceux qui le suivent doivent faire de même. Au nom de la miséricorde de Dieu, sommes conviés à nous offrir nous-mêmes en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu : ce sera là notre culte spirituel. C’est dans l’humilité et la bienveillance qu’on utilise les clés du royaume.

C’est d’ailleurs ce que le roman de 1941 nous propose comme interprétation du verset titre, faisant preuve d’une intuition évangélique plus juste que bien des discours institutionnels de l’époque. Dans la version cinématographique, le père Chisholm, interprété avec une belle sensibilité par le remarquable comédien Gregory Peck, incarne littéralement cette rencontre d’emblée bienveillante à l’égard de l’autre qui est la clé : dans la perspective du Royaume, dans l’autre rencontré authentiquement c’est Dieu même qui se laisse entrevoir. Pour citer à nouveau Paul aux Romains, ainsi, à plusieurs, nous sommes un seul corps en Christ, étant tous membres les uns des autres, chacun pour sa part.

En ce 21e siècle, les chrétiens de toutes les Églises privilégient une interprétation biblique œcuménique, ouverte et justement fondée sur l’accueil de l’autre et la tolérance. Voilà ce qui peut nous dégager des ornières et des erreurs du passé, nous enrichir et faire de nous des hommes et des femmes portés et porteurs de l’amour divin rédempteur. Tout ce qui ouvre, décloisonne, dégage, délie, libère, est clé d’accès au règne de l’intériorité et de l’authenticité. Puissent nos actes et nos attitudes proclamer par leur bienveillance ce qui étreint nos cœurs avec reconnaissance : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. Amen.

Par Denis Fortin, pasteur

Église Unie Saint-Pierre 12e de Pentecôte « A » – 27 août 2017

 

LECTURES BIBLIQUES

Psaume 138

Romains 12,1-8

Matthieu 16,13-20

 

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