Dieu, ce jardinier !

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

Je ne sais pas pour vous autres, mais ce sont de véritables flashbacks de l’Évangile qui nous sont présentés depuis les deux dernières semaines. En ce 5e dimanche de temps de Pâques, nous sommes en train d’effectuer une relecture de notre expérience du ministère de Jésus. C’est pour dire que la parabole de la vigne peut dès lors nous apparaître alors sous un nouvel angle… Notre frère, s’étant révélé comme Christ à travers sa résurrection, se présente ici comme une terre à laquelle nous, les sarments, nous rattachons.

Chaque sarment s’enracine dans la vigne, chacun de nous fait corps avec Jésus… Mais, à bien y penser, qu’est-ce que ça veut dire ? Être le sarment de la vigne signifie-t-il disparaître en elle ? Cela veut-il dire qu’il faut nous dépouiller de tout ce qu’on est ? Malheureusement, c’est peut-être la triste expérience que certains d’entre nous ont déjà eue. En pensant bien faire, on nous a exigé le silence pour nous fondre dans le moule. « Ta culture, ta langue, oublie ça. Tes préférences, tes opinions importent peu… Pourquoi t’es pas à l’image du p’tit Jésus. Blanc, cisgenre, hétéro, mâle parfait, blond aux yeux bleus. » Ça ne donne pas vraiment envie de faire partie de la vigne, n’est-ce pas ? C’est sans compter qu’on n’a pas tout à fait la même compréhension de Jésus… Mais ça, je sais que je prêche déjà à des « convertis » qui savent qu’avec Jésus, on sort des sentiers de la majorité.

Se détruire n’est pas ce à quoi Jésus nous appelle à travers cette parabole aux accents d’horticulture. Au contraire, la vigne aux milliards sarments rime avec amour et fraternité. Nous croissons tels que Dieu l’a désiré dans son amour pour nous… bien que celui-ci doive parfois intervenir pour éviter que ça devienne le « bordel » ! On se connaît soi-même, n’est-ce pas ? On connaît nos errances, nos défis et nos coups de gueule.

Cela dit, attardons-nous aujourd’hui à l’action de Dieu, voulez-vous bien ? Dieu, dans les termes de Jésus lui-même, se fait pour nous jardinier. Et comme tout bon jardinier, il a pour tâche d’émonder les sarments que nous sommes. Qui a déjà pratiqué l’agriculture ou l’horticulture sait que l’émondage est utile, si ce n’est pour dire nécessaire à la bonne croissance des plants. On peut penser aux feuilles blessées ou encore aux fleurs qui, bien qu’elles soient jolies, parasitent une bonne part d’énergie qui serait autrement consacrée au développement du plant.

Émonder rime donc avec soigner. Et soigner, c’est parfois prendre des décisions embêtantes pour le bien de soi et des autres. Nous en sommes bien conscients, nous, qui sommes des êtres qui reposent sur les choix que nous faisons, ainsi que les conséquences qui en découlent.

J’aimerais établir un autre parallèle, question de nous aider à mieux nous représenter le travail de Dieu qui émonde ses plants. Peut-être que certains d’entre vous connaissent la pratique des brûlages culturels. Radio-Canada a publié tout récemment un reportage fort intéressant sur cette pratique-là. On peut y lire que cette pratique – où on allume un feu sur un hectare strictement délimité – fait partie de la spiritualité de plusieurs cultures, dont celles des autochtones. Une aînée nous rappelle comment le brûlage – qui est à juste titre une sorte d’émondage – permettrait la régénération des terres et, plus particulièrement, de la forêt. Ça peut nous paraître étrange sur le coup, de brûler en se disant que c’est pour aider à repousser. Toutefois, quand on y pense bien, il faut avouer que certains plants ont besoin d’espace neuf et d’un terreau sec. Quel meilleur exemple que les bons petits plants de bleuets qui, près de la terre sèche, poussent dans des conditions arides ! Retirer des tiges fanées, brûler l’excédant qui alourdie stimulerait la repousse.

Émondée par le feu, la vie jaillirait encore plus forte qu’auparavant.

Si c’est le cas des plantes et des forêts, j’ose croire que nous, croyants et croyantes, pouvons aussi retirer du bien de cet émondage. Peut-être le ressentons-nous : nous aussi nous avons besoin d’être émondés par le feu de l’Esprit pour mieux retrouver notre équilibre. Outre la vie que nous célébrons, les deuils que portons dans notre cœur, nos journées sont – grâce soit rendue à Dieu – remplies d’occasions de croissance.

Un meilleur emploi se présente, nous invitant à quitter l’ancien. Un déménagement nous fait passer à une nouvelle étape. Un voyage nous fait découvrir de nouvelles terres. Une remise en question, de nouvelles perspectives. Avoir des enfants, tient, c’est tout un émondage, ça aussi ! Par ces évènements-là tout de même éprouvants, Dieu nous travaille pour mieux nous permettre de croître et porter du fruit, mais aussi laisser les autres sarments pousser à leur rythme et à leur manière.

Dans cette optique, on peut supposer que la vigne à laquelle nous sommes rattachés constitue aussi un espace relationnel, voire même communautaire. Ce qui résulte de la culture de la vigne nous le laisse entendre. Par exemple, les fruits que nous portons ne sont-ils pas destinés à tous et toutes ? Les plants ne sont-ils pas attachés les uns aux autres par ces tiges se côtoyant pour mieux se solidifier ? Dans un autre ordre d’idée, que serait la collectivité sans ses individus ? Que serait une forêt sans la présence de plusieurs arbres, une vigne sans ses sarments ? Un exemple encore plus probant serait la naissance de l’Église : après être mort crucifié, Dieu révéla sa présence éternelle à Marie de Magdala, aux disciples qui firent tous ensemble communauté.

Par sa parabole, Jésus nous rappelle que le feu de l’Esprit nous fait revivre de son amour brûlant. Il n’est pas question ici de dissoudre notre identité ou de périr au nom de l’unité. Au contraire, la parabole nous invite aujourd’hui à nous reconnaître comme unis aux autres. Unis parce que nous appartenons à Jésus, et ce, dans ce que nous sommes comme individus qui partagent une même adhérence, un même amour.

Frères et sœurs, c’est vrai que nous portons souvent des fardeaux qui parasitent notre énergie. Des déceptions, des deuils, des rancunes… Et pourtant, en tant que sarments qui tendent vers la mort, nous sommes invités à nous tourner vers la vie et à porter les fruits de la résurrection. Dès lors, par la grâce de Dieu, la plante asséchée se relève sous la pluie, l’arbre coupé développe de petits rameaux, là même où se trouve sa blessure.

Ainsi, comme sarments d’une vigne, comme Église portant sa propre diversité et ses points de rupture, Dieu nous invite à nous laisser soigner, mais aussi à prendre soin des uns et des autres. Malgré nos blessures, la terre parfois inondée ou asséchée, les défis en Église, rattachons-nous donc à cet amour qui caractérise tant Dieu.

Restons unis à Jésus, lui qui donna sa vie pour devenir cet espace où nous pouvons croître tous ensemble en lui et par lui.

Grâce soit rendue à Dieu,

Amen

LECTURES BIBLIQUES

Romains 8, 35-39

Jean 15, 1-8

Psaumes 22, 24-32

1 Jean 4, 7-17

 

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