Qui aurait cru ?

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« Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur. » (Marc 16, 8) Je comprends donc ! Elles viennent de voir une apparition… de se faire dire que celui qu’elles avaient vu crucifié était ressuscité ! Voyons donc ! Non seulement ça a dû être assez freakant comme expérience… mais qui les aurait cru sur parole ? Personne !  À l’époque, les femmes n’étaient pas crédibles. Le témoignage d’une femme n’était pas recevable lors d’un procès par exemple. Qui les aurait cru ? Personne !

On en a la preuve dans les versets qui suivent. Jésus apparait à Marie de Magdala. Ici il n’y plus question d’un messager. Le jeune homme vêtu d’une robe blanche qui les attendait au tombeau dans l’épisode de dimanche dernier, vous vous souvenez de lui ? Non, ce matin, c’est Jésus lui-même qui apparait à Marie de Magdala. Et là, elle n’a pas la langue dans sa poche. Elle s’en va l’annoncer aux disciples. Et qui la croit ? Personne. Bon… disons qu’on avait peut-être des préjugés à l’égard de celle qui avait été sous l’emprise de sept démons. Peut-être qu’on doutait un peu… beaucoup de son équilibre. Peut-être que ce n’était que des hallucinations. Néanmoins, tous les Évangélistes s’entendent pour dire que Marie de Magdala était l’une des premières personnes à faire l’expérience de la résurrection. Pourquoi Jésus aurait-il choisi des témoins si peu crédibles ?

Mais à vrai dire, qui aurait été un témoin crédible dans les circonstances ? Personne ! Jésus apparait à deux disciples sur la route… ceux-ci reviennent raconter leur expérience. Qui les croit ? Personne ! Alors Jésus se manifeste aux onze. Je présume qu’ils ont fini par croire. Selon Marc, Jésus leur fait des reproches. Que Jésus soit déçu ou frustré ou exaspéré, ça se comprend, non ? Mais fidèle à lui-même… fidèle comme il est… il ne leur tourne pas le dos en disant, « Rien à faire… on laisse tomber. » Il les envoie proclamer la Bonne Nouvelle à toutes les créatures. De cette gang incrédule, le Christ fait des apôtres, sans qui personne ne serait ici aujourd’hui.

Deux choses me frappent dans toute cette histoire : 1. le témoignage verbal des disciples ne suffit pas pour amener d’autres à croire en Jésus et 2. Le Ressuscité se manifeste quand il veut, comme il veut, à qui il veut… croyant ou pas. Prenons l’apôtre Paul, par exemple. Paul persécutait l’Église. Sa conversion n’est pas venue par un argumentaire implacable offert par un disciple… mais par la grâce de Dieu lors d’une rencontre personnelle avec le Christ sur le chemin de Damas (Actes 9). Paul n’est ni le premier, ni le dernier à vivre une véritable conversion. L’auteur Éric-Emmanuel Schmitt raconte sa conversion dans ses livres La nuit de feu et Le Défi de Jérusalem.

À bien y penser, n’avons-nous pas toutes et tous vécu une expérience de conversion ? Il ne s’agit peut-être pas d’une expérience aussi renversante de celle de Paul mais n’est-il pas vrai qu’à un moment donné, les récits bibliques ont cessé d’être de belles histoires… un peu comme les contes de fée qu’on raconte aux enfants. Par la grâce de Dieu, à un moment donné, ces récits sont devenus Parole de vérité et de vie. Qu’est-ce qui vous à amener à croire ce qu’on vous racontait au sujet de Jésus ? Moi, j’ai eu ma première expérience de conversion assez jeune, à 4 ou 5 ans en chantant dans une chorale d’enfants. Nous chantions « Jesus loves me » et à un moment donné, ce n’était plus des paroles que j’avais apprises par cœur. J’y ai cru… je le ressentais dans mes tripes. Arrivée dans la vingtaine, je n’avais pas ressenti cet amour depuis des années, sans doute parce que j’étais habitée par toutes sortes de démons qui me disaient que Dieu me checkait…me jugeait. Puis un jour, ici au sous-sol de ce temple, ce sentiment d’amour inconditionnel m’a enveloppée à nouveau. Aujourd’hui, je le sais, Jesus loves me. Je le sais… et pas uniquement parce que la Bible ou quelqu’un d’autre me le dit. Je le sais… dans mes tripes.  Et vous, pouvez-vous identifier un moment où ce qu’on vous disait sur Jésus a fait sens pour vous ? Quelle bonne nouvelle ! Trop bonne pour qu’on le garde pour nous ! Jésus est vivant et il nous précède. Quand on le sait, on ne peut qu’en témoigner, comme Marie de Magdala l’a fait. Comme d’autres disciples l’ont fait… même si personne ne nous croit !

Ce n’est pas toujours évident témoigner. Selon Marc, le tout premier Évangile, en partant, les femmes n’ont rien dit à personne. Et nous aussi, nous trouvons ça difficile témoigner, n’est-ce pas ? Beaucoup de personnes croyantes se demandent comment témoigner de leur foi dans notre société sécularisée. Qui va nous croire ? Les gens vont peut-être nous prendre pour des fous ou des déséquilibrés. Je me souviens d’un ami qui m’a dit quand je lui ai annoncé que j’allais à l’Église le dimanche : « Tu ne crois pas à ça, toi ? » Je lui ai répondu que oui et pris quelques minutes pour échanger avec lui au sujet de ma foi bourgeonnante. Il m’a écouté… mais il n’est pas devenu croyant pour autant. En fait, après 23 ans comme pasteure, je peux affirmer sans l’ombre d’un doute que mes prédications n’ont converti personne.  Le témoignage n’est pas tout.

Revenons à Paul. Même s’il a été un vrai « success story » en ce sens qu’il a fondé plusieurs Églises… même son témoignage ne suffisait pas. Si dans sa première lettre aux Corinthiens (écrite quelques décennies avant l’Évangile de Marc), Paul prend le temps de raconter comment le Christ est apparu à des centaines de personnes avant lui, c’est justement parce que, malgré tous les témoignages, il y en avait à Corinth qui remettaient en question la résurrection.

Ce ne sont pas les témoignages qui conduisent des gens à la foi. Paul le dit lui-même : « ce que je suis, je le dois à la grâce de Dieu et sa grâce à mon égard n’a pas été vaine. »

La question se pose. Pourquoi témoigner d’abord ? Dans mon expérience, le témoignage des autres vient valider mon expérience. Non, je n’hallucine pas. Je ne suis pas folle ou déséquilibrée… du moins pas psychologiquement. D’autres ont vécu des expériences semblables.  Et témoigner affermit ma foi. Quand je me rappelle et que je raconte ce que le Seigneur fait dans ma vie, il vient au secours de mon incrédulité (Marc 9, 24).  Nous croyons. Mais toutes et tous nous sommes incrédules par moments, n’est-ce pas ?

Voilà pourquoi j’aime la version courte de l’Évangile de Marc, celle qui se termine par un grand silence. Ça laisse de la place pour nos témoignages. Ça laisse de la place au Ressuscité qui, par la grâce de Dieu, se manifeste quand il veut, sous la forme qu’il veut, à qui il veut – mêmes aux témoins les moins crédibles. Il fait de nous toutes et tous des apôtres, femmes et hommes envoyés pour proclamer l’Évangile à toutes les créatures… même à celles qui ne comprennent pas un mot de ce que nous osons dire. Frères et sœurs, croyez-le ou non, cette grâce de Dieu envers nous n’est pas vaine. Un jour, en entendant notre histoire, d’autres diront peut-être : « Qui l’aurait cru ? » Amen.

LECTURES BIBLIQUES

1 Corinthiens 15, 1-11

Marc 16, 8-15

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