Persévérer sur le chemin de l’utopie

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

C’est par votre persévérance que vous gagnerez la vie.1

Cette semaine, nous avons basculé d’un coup dans l’hiver. On pourrait dire que de semblable manière les lectures de ce dimanche nous projettent sans préavis dans la thématique du temps de l’Avent. D’ailleurs, pour certaines Églises chrétiennes, cette période d’approfondissement méditatif qui aboutit à la célébration de la Nativité s’échelonne plutôt sur six semaines au lieu des quatre que nous connaissons. Pour elles, l’Avent débute aujourd’hui.

Les textes bibliques que nous avons entendus vont, si on peut dire, d’un extrême à l’autre. D’abord, la lecture du prophète Ésaïe est en fait la bonne nouvelle, l’Évangile du jour, en nous décrivant en termes à la foi concrets et poétiques l’aboutissement ultime de l’histoire humaine dans l’utopie, ce non-lieu idéalisé, la montagne sainte de Dieu : des cieux nouveaux et une terre nouvelle […] un enthousiasme et une exultation perpétuels […] Désormais, on n’entendra plus retentir ni pleurs, ni cris […], ils n’enfanteront plus pour l’hécatombe, […] Il ne se fera ni mal ni destruction sur toute ma montagne sainte, dit le SEIGNEUR.2

Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits.

Puis, l’extrait de l’évangile de Luc qui nous ramène on pourrait dire violemment dans les bouleversements actuels des sociétés et de la nature : Quand vous entendrez parler de guerres et de soulèvements, ne soyez pas effrayés. Car il faut que cela arrive d’abord, mais ce ne sera pas aussitôt la fin. On se dressera nation contre nation et royaume contre royaume. Il y aura de grands tremblements de terre et en divers endroits des pestes et des famines, des faits terrifiants venant du ciel et de grands signes.3

Quel contraste entre ces deux descriptions. Bien des gens se sentent justifiés de réfuter la valeur de l’expérience spirituelle à l’écoute de tels propos, à tout le moins la pertinence de s’associer à un quelconque regroupement religieux chrétien qui semble ici proposer de futurs châteaux en Espagne pour faire avaler l’amertume et la détresse du temps présent. Ce cynisme sarcastique est de bon aloi autour de nous en prétendant démasquer ainsi la fuite dans un monde imaginaire des gens religieux, ce qui ne changerait rien au tragique de la condition humaine et planétaire. Qui de nous n’a pas été ébranlé, un peu – beaucoup, par de semblables critiques parfois formulées par des proches. Sommes-nous, suis-je un naïf, un cave, un peureux qui fuit la réalité? Vous serez livrés même par vos pères et mères, par vos frères, vos parents et vos amis [..] Vous serez haïs de tous à cause de mon nom.4 Les promesses du règne de Dieu ne sont-elles que des fabulations pour changer le mal de place comme on dit?

Et si on changeait la perspective? Ces visions ne seraient-elles pas plutôt, dans une formulation symbolique donc universellement compréhensible à travers le passage du temps, des objectifs vers lesquels nous devons tendre dans nos rapports entre humains et avec la nature pour que le projet de l’univers se déploie dans la direction du dessein sacré, celui de Dieu ? Les turbulences sociales et les perturbations dans la nature ne sont-elles pas l’aboutissement de comportements outranciers dans nos sociétés, générateurs de violences multiples et récurrentes, déstabilisant tant le tissu social que l’ordre naturel? Cette semaine, les journaux qualifiaient de « dégâts apocalyptiques » les inondations de Venise et de sa célèbre cathédrale! Ce que vous contemplez, des jours vont venir où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit.5 Chez nous, Dominic Champagne dressait l’état des lieux avec de semblables accents un an après le Pacte citoyen. Il y aura de grands tremblements de terre et en divers endroits des pestes et des famines, des faits terrifiants venant du ciel et de grands signes.6

Nos temples s’effritent incontestablement, et nos seuls efforts sont incapables de garantir l’équilibre, la prospérité et la pérennité de nos sociétés à travers la planète. N’entendons-nous pas ici les échos du monologue de Jésus sur le mouvement de l’histoire? Les croyants demeurent au sein d’un ordre du monde devenu habituel voire normal, un signe de contradiction qui invite à désirer autre chose, à voir plus grand, infiniment plus grand. Les persécutions pour faire taire ce message sont en elles-mêmes un aveu d’échec de ce désordre si familier qu’on le confond avec la nature du monde.

Frères et sœurs, trouvons dans les propos de Jésus une détermination renouvelée à nous engager avec passion pour l’amour et la justice là où nous sommes. Bien sûr nous ne ferons jamais l’unanimité, possiblement serons-nous ridiculisés, peut-être même mis à l’écart. Mais cela vous donnera une occasion de témoignage […] je vous donnerai un langage et une sagesse qu’on ne pourra contrarier ni contredire […] vous serez haïs à cause de mon nom, mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu.7 Le monde a besoin de notre espérance têtue et de notre engagement compatissant. C’est par votre persévérance que vous gagnerez la vie.8 Amen.

Église Unie Saint-Pierre / 23e dimanche de Pentecôte « C » – 17 novembre 2019

LECTURES BIBLIQUES

Ésaïe 12, 1-6

Ésaïe 65, 17-25

Luc 21, 5-19

1 Luc 21, 19

2 Ésaïe 65, 17a. 18a. 19b. 23b. 25c

3 Luc 21, 9-11

4 Luc 21, 16-17

5 Luc 21, 6

6 Luc 21, 11

7 Luc 21, 13. 15. 17-18

8 Luc 21, 19

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