La Pentecôte ou quand Dieu insuffle en nous son inspiration

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Gérald DoréÊtes-vous des lecteurs de journaux qui parcourez les petites annonces? Si c’est le cas, sans doute êtes-vous déjà tombé sur une petite annonce qui disait à peu près ceci : « Remerciements au Saint-Esprit pour faveur obtenue ». Si vous avez les mêmes antécédents que moi, vous avez peut-être aussi entendu un prédicateur déplorer que le Saint-Esprit soit une « personne » de la Sainte Trinité à qui on ne prête pas suffisamment d’attention. Ce sont là deux manières de penser et de parler qui ne nous aident pas à comprendre de quoi nous parle la Bible, Ancien et Nouveau Testament, quand elle évoque l’Esprit du Seigneur, l’Esprit Saint ou l’Esprit tout court. L’Esprit Saint ou Saint-Esprit n’est pas un « saint » parmi d’autres auprès de qui on intercède pour obtenir de Dieu une faveur. Il n’est pas non plus une « personne » à la manière de nous, à qui aurait été assigné un rôle secondaire dans la « Sainte-Trinité ».

Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits.

Le mot Esprit est la traduction en français du mot hébreu ruah et du mot grec pneuma, tous les deux voulant dire vent, souffle. Le souffle qui entre en nous quand nous respirons pour vivre, c’est, au sens littéral du terme, l’inspiration. Au figuré, c’est le souffle intérieur qui anime l’écriture du poète ou l’action de la personne qui s’engage dans la société. Dans la Bible, le mot Esprit appliqué au Seigneur est une manière de parler de Dieu lui-même, en tant qu’il insuffle en nous son influence pour le bien, en tant qu’il nous inspire de discerner librement, parmi les multiples choix de conduite qui se présentent à nous, ceux qui correspondent à son projet pour nous, à ce que Jésus, et l’Ancien Testament avant lui, appellent sa « volonté ». La Pentecôte que nous commémorons aujourd’hui rappelle un temps fort de cette inspiration divine, parmi les disciples en train de fonder l’Église. « Ils furent tous remplis d’Esprit Saint… », nous raconte le livre des Actes des apôtres (2, 4). Cette manifestation de Dieu en tant que source d’inspiration fut particulièrement solennelle et joua, nous le savons, un rôle fondateur dans l’Église naissante, mais elle était loin d’être une nouveauté.

L’Ancien Testament en parle en lien avec la vocation et le ministère des prophètes Ésaïe, Ézéchiel, Joël, Aggée et Zacharie. Quelques dizaines d’années avant Jésus, un livre de la communauté juive de langue grecque donne à cette inspiration divine, à l’œuvre dans la conscience humaine, le nom de « Sagesse ». Dans notre première lecture, nous en avons lu ce verset dans lequel l’auteur s’adresse à Dieu : « Et ta volonté, qui donc l’aurait connue, si tu n’avais donné toi-même la Sagesse et envoyé d’en haut ton saint Esprit? » (Sg 9, 17). Quand dans les débuts de l’Église, l’apôtre Pierre parle de l’inspiration divine qui a lancé le ministère de Jésus, il emploie les mots que Jésus s’était appliqué à lui-même (Lc 4, 18-21), en citant le prophète Ésaïe (61,1) qui les avait prononcés quelques siècles auparavant : « …Dieu lui a conféré l’onction d’Esprit Saint… » (Ac 10, 38).

La Pentecôte chrétienne est, après le temps des prophètes, le livre de la Sagesse et les débuts du ministère de Jésus, un autre des temps forts où Dieu s’est ouvertement manifesté en tant qu’inspiration dans la conscience de personnes ou de collectivités humaines à l’œuvre dans le monde. Comme cette manifestation a coïncidé avec l’origine de l’Église universelle, les Églises particulières qui se proclament en continuité avec cette origine ont tendance à se voir, elles et leurs membres en règle, comme les seules à bénéficier de cette inspiration de l’Esprit Saint. En réalité, comme l’affirme une phrase énigmatique dans l’entretien de Jésus avec Nicodème, « Le vent souffle où il veut, et tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit. » (Jn 3, 8).

À une certaine époque, j’étais entouré de personnes engagées pour la justice sociale, qui se dépensaient sans compter, qui sacrifiaient leur temps de loisir et la petite vie tranquille à laquelle elles auraient pu aspirer, qui occupaient des emplois dans des organismes communautaires, alors qu’elles auraient pu se qualifier pour des emplois mieux rémunérés dans des établissements publics ou des entreprises privées. Je me posais des questions sur ce qui les poussait à faire ce genre de choix de vie altruiste, alors que moi aussi j’étais engagé, mais à partir d’une confortable position universitaire. Quelques-unes de ces personnes étaient animées par des convictions inspirées de l’Évangile, mais les autres? J’ai cherché la réponse à mes questions dans un livre intitulé Qu’est-ce qui fait courir les militants?1 Je ne l’y ai pas trouvée. L’auteur retournait la question dans tous les sens, mais n’y répondait pas vraiment.

Une vingtaine d’années plus tard, je suis tombé sur un petit livre qui rendait compte d’une enquête menée par un écrivain auprès de survivants et survivantes de la guerre de 1939-1945 qui avaient la caractéristique commune d’avoir sauvé des personnes identifiées comme juives et menacées par l’extermination nazie. Il avait voulu savoir ce qui les avait motivés à agir ainsi au risque de leur vie. S’il s’attendait à des réponses précises, il a eu de quoi être surpris. Comme pris au dépourvu par la question, la plupart des gens répondaient que cela allait de soi, qu’ils ne voyaient pas comment ils auraient pu faire autrement, alors que pourtant la majorité avait fait autrement en fermant les yeux sur le sort de la population juive de leur pays ou, pire, en la dénonçant. Comme pour résumer le sens de ces réponses, l’auteur a intitulé son livre La force du bien,1 avec en sous-titre ces deux phrases : « Le Bien existe. Les pires systèmes totalitaires ne le détruiront jamais. »

Pour nous, croyants et croyantes, cette inspiration au bien contre toutes les forces du mal, en nous et autour de nous, nous l’appelons Esprit Saint, Dieu en tant qu’ « il travaille en nous et parmi nous par son Esprit ». Et le « nous » dont il est question ici, Dieu ne le limite pas aux membres de telle ou telle Église, mais à toute l’humanité à travers laquelle il continue à créer ce qui est bon et bien à travers le chaos des épreuves, des égoïsmes et des injustices. Il y aurait beaucoup à dire sur toutes ces personnes d’ici et d’ailleurs, dont plusieurs parmi nous, engagées dans la défense des droits humains, la justice sociale, l’écologie, la coopération, l’entraide, l’écoute active et la solidarité.

La grâce d’élection qui nous est particulière, en tant que croyants et croyantes, est de reconnaître que cet Esprit, en plus de nous inspirer pour le bien, est celui qui nous fait nous adresser à Dieu en lui criant « Abba, Père », suivant les mots de l’apôtre Paul que nous venons de lire. « Cet Esprit lui-même, ajoute-t-il, atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. » (Rm 8, 15-16). C’est de cet Esprit dont parlait Jésus à ses disciples, dans notre passage d’Évangile. « …l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, leur disait-il, vous enseignera toutes choses et vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit. » (Jn 14, 26). C’est cette partie du travail de l’Esprit que nous sommes appelés à vivre ensemble, en Église, en laissant agir en nous son inspiration pour discerner ce à quoi nous convie l’Évangile de Jésus-Christ, dans les circonstances particulières de nos vies d’aujourd’hui.

« Les pensées des mortels sont hésitantes, précaires nos réflexions », nous dit avec justesse le livre de la Sagesse, en ajoutant toutefois à l’adresse de Dieu: « Et ta volonté, qui donc l’aurait connue, si tu n’avais donné toi-même la Sagesse et envoyé d’en haut ton saint Esprit? » (Sg 9, 14 et 17). « N’éteignez pas l’Esprit, nous dit l’apôtre Paul, dans sa lettre à la communauté de Thessalonique, ne méprisez pas les paroles des prophètes; examinez tout avec discernement : retenez ce qui est bon; tenez-vous à l’écart de toute espèce de mal. » (1 Th 5, 19-22). Amen.

Par Gérald Doré, pasteur bénévole associé

Église Unie Saint-Pierre et Pinguet

Culte du dimanche de Pentecôte 15 mai 2016

1 Yvon Bourdet. Qu’est-ce qui fait courir les militants? Analyse sociologique des motivations et des comportements. Paris, Stock, 1976.

2 Marek Halter. La force du bien. Paris, Robert Laffont, coll. Pocket, 1995.

LECTURES BIBLIQUES (TOB)

Sagesse 9, 13-18

Romains 8, 14-17

Jean 14, 22-26

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