Il est bon pour vous que je parte

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2 statues« Pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel? » (Actes 1 11)

Si l’on en croit les Écritures, il y aurait eu, après la mort de Jésus, un temps privilégié où ses disciples auraient appris à ne plus « chercher le Vivant parmi les morts » (Luc 24 5). Je pense que comme les trois disciples témoins de la Transfiguration de Jésus (Luc 9,28-36), les Onze auraient sûrement aimé bâtir des tentes pour que se prolonge ce temps privilégié, mais si déroutant. Mais Jésus avait dit : « Il est bon pour vous que je parte » (Jean 16 7). Il leur fallait passer à une autre étape. La scène que nous désignons par un terme assez équivoque qui ne se trouve pas dans la Bible, l’Ascension, marque pour eux, mais aussi pour nous, le passage à une étape absolument essentielle sur le plan spirituel.

Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits.

Au terme d’un temps symboliquement compté comme quarante jours, les disciples de Jésus entrent dans l’expérience de son absence. Désormais, ils ne mangeront plus avec lui, mais ils partageront entre eux le pain et le vin en mémoire de lui. Désormais, ils le verront plus, mais ils vont croire « comme s’ils voyaient l’invisible » (Hébreux 11 27). Désormais, ils ne l’entendront plus et ne parleront plus avec lui, mais ils prieront dans son silence.

Ce qui commence, c’est ce qui est notre condition spirituelle à tous. Si on croit Luc, l’auteur des Actes des apôtres, la dernière parole de Jésus a été : Vous serez mes témoins (Actes 1 8). L’Ascension, c’est le début du temps de la foi et du temps du témoignage. La foi des chrétiens ne peut reposer sur rien d’autre qu’un témoignage, comme Jean l’exprime admirablement dans le prologue de sa lettre que nous avons réentendu tout à l’heure : « Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu, ce que nous avons touché, nous vous l’annonçons pour que vous aussi, vous soyez en communion avec nous » (1 Jean 1 1-4).

Car qu’est-ce qui nous rassemble ici, si ce n’est une quête spirituelle qui emprunte la voie chrétienne? Et qu’est-ce que s’engager et marcher sur la voie chrétienne, si ce n’est mettre nos pas dans les pas de ceux et celles qui, depuis 2000 ans, trouvent en Jésus le chemin par lequel Dieu vient vers nous et nous allons vers lui?

Que faisons-nous, quand nous croyons? Nous nous avançons avec confiance sur un chemin que d’autres ont parcouru avant nous, et nous faisons confiance en leur parole; car ils nous disent qu’ils ont  fait l’expérience que le Christ est pour eux « la voie, la vérité et la vie » (Jean 14 6) et qu’ils ont vu leur vie et l’histoire humaine s’éclairer et trouver un sens ultime.

Cette parole en qui nous mettons notre confiance, nous l’avons reçue de nos parents, de nos pasteurs, et de ceux et celles qui ont écrit des livres qui nous ont rejoints et fait du bien. Ultimement, et surtout, cette parole en laquelle nous mettons notre confiance,  c’est la parole que nous trouvons quand nous ouvrons la Bible et la lisons avec ouverture à partir de notre désir le plus pur.

Cependant, ce n’est pas d’un livre que nous sommes les disciples. Le livre n’est, lui aussi, qu’un témoin. La Bible est le témoin de l’expérience spirituelle millénaire d’Israël, celle d’un Dieu sauveur qui se manifeste déjà dans les promesses faites à Abraham et dans la libération de l’esclavage en Égypte. La Bible est le témoin de l’expérience incomparable et si déstabilisante que firent les Douze et leurs compagnes et compagnons d’un Dieu qui parle et agit par un homme de Nazareth, fils de Marie et de son mari charpentier de village.

C’est bien ce qu’écrit Jean, dans l’épilogue de son évangile : « Jésus a opéré sous les yeux de ses disciples bien d’autres signes qui ne sont pas rapportés dans ce livre. Ceux-ci l’ont été pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour que, en croyant, vous ayez la vie en son nom » (20 30-31).

C’est bien aussi notre condition croyante que décrit Pierre quand il parle de « la révélation de Jésus Christ, lui que vous aimez sans l’avoir vu, en qui vous croyez sans le voir encore » (1 Pierre 1 8). C’est bien de notre propre expérience spirituelle que parle le texte que nous avons entendu tout à l’heure, tiré de ce qui est probablement l’écrit le plus tardif du Nouveau Testament : « Vous avez raison de fixer votre regard sur la parole des prophètes, qui est la solidité même et brille comme une lampe dans un lieu obscur jusqu’à ce que luise le jour et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs » (2 Pierre 1 19).

Alors, qu’est-ce que l’Ascension? C’est l’instauration du temps de la foi au témoignage non seulement de l’Écriture, mais, à travers elle, de ceux et celles qui l’ont écrite « afin que notre joie soit parfaite » (1 Jean 1 4).

J’aime bien que cette année, la fête des mères et la fête de l’Ascension coïncident. La foi telle que nous cherchons à la vivre, c’est la manière que nous avons, comme femme et homme du XXIe siècle, de vivre notre vie spirituelle de façon adulte. Quand j’étais enfant, écrit Paul aux chrétiens de Corinthe, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant. Adulte, j’ai tout désactivé de l’enfance (1 Corinthiens 13 11).

Or, on ne saurait vivre en adulte tant que, sur le plan psychologique, le cordon ombilical n’a pas été coupé. N’est-ce pas pour que nous puissions vivre cela que Jésus dit à ses disciples : « Il est votre avantage que je parte, je vous dis la vérité, car si je ne pars pas, le Défenseur ne viendra pas à vous, tandis que si je pars, je vous l’enverrai. » (Jean 16 7)

J’aime voir Jésus, et Dieu à travers lui, sous les traits de ce que le psychanalyste états-unien Winnicott a appelé « la mère suffisamment bonne », celle qui, durant l’adolescence et au seuil de l’âge adulte, laisse partir le jeune homme ou la jeune fille faire sa vie hors de son influence immédiate. Elle a elle-même coupé le cordon, elle ne couve pas son enfant, elle ne le retient pas, elle sait même le pousser hors du nid.

C’est dur de vivre dans la foi, nous le savons tous, tout comme c’est dur de vivre en adulte. Parfois, et quel que soit notre âge, nous aimerions mieux redevenir enfants, avec des parents qui nous protègent et trouvent les solutions à nos problèmes. Dans l’Ascension, Dieu, comme une mère bienveillante, nous fait confiance et nous dit : « Allez! Pourquoi restez-vous là à regarder le ciel? Tournez la page! Retournez dans la ville. Vous y recevrez l’Esprit, qui sera en vous ma nouvelle présence. Vous êtes grands à présent. Allez dans la vraie vie, vous êtes capables, et soyez mes témoins. »

Par Paul-André Giguère

 

LECTURES BIBLIQUES

1 Jean 1 1-4

2 Pierre 1 10-19

Actes 1 1-14

 

Paul-André plus petit

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