Éloge de la créativité

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

L’Évangile n’est pas un livre de recettes… du style… sans trop penser, on a juste à suivre des instructions étape par étape et on réussit à coup sûr. L’Évangile est plus un casse-tête… Parfois on se casse la tête en essayant de découvrir la Bonne Nouvelle pour nous.  Et je pense que Jésus l’a voulu ainsi. Je pense que Jésus veut nous faire réfléchir. Il veut nous faire prendre conscience de qui nous sommes et ce que nous vivons. Il veut nous faire prendre position, nous situer comme disciples dans le monde dans lequel nous vivons.

Alors, que pensez-vous en entendant la parabole de ce matin. À qui ou à quoi pensez-vous ? C’est une Bonne Nouvelle pour qui cette histoire ?

Pour moi, cette parabole me fait penser à plusieurs détenus que j’ai connus quand j’étais aumônier au pénitencier de Donnacona. Certains avaient beaucoup de talent. Il y avait des artistes qui dessinaient avec précision le portrait des gardiens et de l’administrateurs de l’établissement pour en faire des caricatures dignes des grands journaux ! Évidemment, il ne fallait pas en rire ouvertement pour les encourager… mais quand même ! Il y avait du talent là-dedans! Il y avait des chimistes, capables de frelater de l’alcool à partir de n’importe quoi. Il y avait des artisans qui avaient le don de faire des armes d’un petit rien…. et de grands stratèges qui concevaient avec compétence et habileté des plans à longue échéance afin d’exercer un certain contrôle sur le milieu. Combien de fois, nous les aumôniers, on se disait : « Si ces gars mettaient toute leur créativité et leur savoir-faire au service du bien commun, ils pourraient changer le monde ! » Ces détenus faisaient preuve de plus de créativité pour tirer leur épingle du jeu que bien des gens qui vivent en toute liberté et qui se croient impuissants pour changer quoi que ce soit dans le monde autour d’eux. Nous qui, comparativement à tant de monde sur la planète, disposons de tant de biens et qui sommes libres d’en disposer comme nous le voulons, quel usage en faisons-nous?

J’ai du mal à imaginer Jésus faire l’éloge d’un gérant trompeur… mais… à bien y penser… je me demande de qui il s’agit au juste ? En tant que gérante, administratrice des biens qui m’ont été confiés, est-ce que j’agis toujours de façon désintéressée, juste et équitable, pour le bien de tous ?

C’est quand même ça, l’appel de Dieu à l’ensemble de la communauté chrétienne : « Mettez-vous, chacun selon le don qu’il a reçu, au service les uns des autres, comme de bons administrateurs de la grâce de Dieu, variée en ses effets. » (1 Pierre 4, 10) Nous sommes toutes et tous appelés à être de bons administrateurs… le mot grec utilisé ici dans la lettre de Pierre est le même qu’on trouve dans l’Évangile de ce matin. Alors la question se pose : qui agit toujours en bon administrateur ? Que celui ou celle qui est sans péché jette la première pierre (Jean 8, 7). Toutes et tous ont péché. Personne n’atteint toujours la cible dans la saine… et sainte… gestion des biens que Dieu nous confie.

Même pas les Pharisiens, ces religieux qu’on croirait… et qui se croient… justes, parfaitement alignés sur la volonté de Dieu. Luc nous dit que « les Pharisiens, qui aimaient l’argent, écoutaient tout cela, et ils ricanaient à son sujet. » (Luc 16, 14). Ceux qui devaient avant tout aimer Dieu avaient, eux aussi, le cœur partagé.

Dieu soit loué, « l’amour couvre une multitude de péchés » (1 Pierre 4, 8) L’amour de Dieu a été répandu en nos cœurs, par l’Esprit Saint (Romains 5, 5). Le premier et le plus grand des dons que Dieu nous confie, c’est l’amour. Et cet amour fait en sorte que même les plus grands pécheurs sont capables de poser des gestes empreints d’amour. Comme aumônier, j’ai connu des hommes qui avaient commis des gestes répréhensibles et qui aimaient tendrement et profondément leurs conjointes et leurs enfants. Aucune vie n’est réductible ni à son pire, ni à son meilleur coup. Si je n’y croyais pas, je n’aurais jamais pu travailler dans ce milieu-là.

Regardons à nouveaux, le gérant trompeur dans l’Évangile de ce matin. Non, sa motivation n’était pas désintéressée mais son comportement a quand même eu comme effet de réduire le fardeau de la dette de ses prochains. « Combien dois-tu à mon maître ? » La racine du mot grec traduit par le verbe « devoir » ici est utilisé dans le Notre Père selon Matthieu. La Nouvelle Bible Segond le rend explicit : remets-nous nos dettes, comme nous aussi nous l’avons fait pour nos débiteurs » (Matthieu 6, 12). À bien y penser… ne pourrait-on dire que réduire la dette de quelqu’un, c’est agir selon le cœur de Dieu. Même un gérant trompeur qui a des motivations un peu… pas mal… douteuses… peut agir selon la volonté de Dieu.

Voilà une Bonne Nouvelle ! À bien y penser, en tant gérants, administratrices des biens que Dieu nous confie, personne n’agit toujours agir de façon désintéressée, juste et équitable, pour le bien de tous. Comme le gérant dans l’Évangile de ce matin ou le fils prodigue dans la parabole qui précède immédiatement celle que nous venons d’entendre, il arrive à tout le monde dilapider les biens de notre maître, de notre Père qui est aux cieux. Mais notre maitre est nul autre que le Créateur du ciel et de la terre. Et nous sommes faits à son image : nous avons toutes et tous en nous toute la créativité et l’ingéniosité qu’il nous faut pour refaire le monde dans lequel nous vivons. Par la grâce de Dieu, prenons-en conscience… et agissons en conséquence. Par la grâce de Dieu, rien ne sera plus pareil. Dieu soit loué pour sa créativité ! Amen.

 

LECTURES BIBLIQUES

1 Pierre 4, 7-10

Luc 16, 1-14

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