Dieu : un prestidigitateur ou un accompagnateur ?

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Comme le démontre l’achalandage à l’exposition Hergé à Québec, présentée au Musée de la civilisation jusqu’au 22 octobre, la bande dessinée suscite un intérêt intense. La production contemporaine va bien au-delà du divertissement pour les enfants et des sujets d’actualité ou journalistiques sont autant abordés que des œuvres de fiction. Je pense à deux auteurs de chez nous parmi les plus connus, Michel Rabagliati (la série Paul) et Guy Delisle (dont S’enfuir, le récit d’un otage) qui justement l’illustrent parfaitement.

Au fil des siècle les grands récits bibliques ont été la source d’inspiration d’innombrables sculptures, gravures, tableaux, vitraux, ces derniers rendant particulièrement bien l’idée que, sous cet angle, plusieurs récits de la Bible, tiendraient davantage de la BD que d’un texte littéraire suivi.

Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits.

Tel est tout particulièrement le cas, me semble-t-il, du livre de l’Exode où les évènements sont illustrés de détails merveilleux, d’utilisation d’artéfacts magiques dont la canne ou le bâton et de scènes fantastiques où le prodige vient confirmer la sainteté et la puissance de l’Éternel qui a conclu une alliance avec son peuple choisi. À une époque pré-littéraire l’image vaut mille mots comme dit l’adage. On trace le dessin d’une situation dans son ensemble, on met en relief des éléments clés et on laisse le soin aux gens assemblés de coloriés le tout aux teintes de leur sensibilité personnelle, de leurs expériences de vie. Le propre aussi de telles présentations imagées c’est que très souvent elles acquièrent une dimension universelle, comme un langage commun à propos de la condition humaine, dont la symbolique devient compréhensible dans l’expérience des hommes et des femmes de générations et d’époques différentes.

L’extrait de ce matin met en scène un récit complet, en seulement 7 versets, du mécontentement populaire à l’égard du dirigeant qui risque de tourner au lynchage. Le peuple eut soif et murmura contre Moïse : Pourquoi donc, nous as-tu fait monter d’Égypte ? Les bulletins d’information nous donnent chaque semaine beaucoup d’exemples de situations semblables n’est-ce pas? Et les demandes de nourriture, de liberté, de partage équitable et de justice sont loin d’être des caprices. Bien sûr les gouvernants sont des humains et trop souvent « leurs » intérêts ne sont pas ceux de la population qu’ils déclarent servir, et ils rabrouent par la répression et la violence les requêtes légitimes du peuple.

Dans le cas de notre histoire, c’est le bien-fondé même de la libération de l’esclavage qui est remis en cause, et Moïse est à bout de ressource. Pourquoi me querellez-vous ? Pourquoi mettez-vous le SEIGNEUR à l’épreuve? Ce projet c’est celui de Dieu et non le sien, rien n’est préfabriqué, formaté à l’avance. Tout se vit dans l’instant. SEIGNEUR Que dois-je faire pour ce peuple ? Et la suite des choses ferait rêver plus d’un chef d’état. Le bâton dont tu as frappé le Fleuve, prends-le en main et va. Je vais me tenir devant toi, là, sur le rocher – en Horeb. Tu frapperas le rocher, il en sortira de l’eau, et le peuple boira.

Dieu : un prestidigitateur ou un accompagnateur ? Pendant des siècles les interprètes des textes bibliques ont mis l’attention sur le prodige de faire jaillir l’eau du rocher, et la puissance incroyable de Dieu, ce qui est la lecture immédiate. À plusieurs reprises dans l’Exode cette branche cassée, bois œuvré en bâton, acquière une efficacité étonnante : soutien, outil, arme, signe de ralliement. C’est l’instrument qui canalise l’énergie divine pour vaincre des obstacles immédiats et faire débloquer des situations. Mais la canne ou le bâton ‘magique’ n’a en fait qu’une finalité ultime : faire ressentir que le SEIGNEUR est bel et bien au milieu de nous.

Dieu n’est pas d’abord un prestidigitateur, même s’il est le Créateur. La vie de foi n’est pas sans épreuves ni querelles qui génèrent parfois le doute et l’hostilité au point de se demander : Le Seigneur est-il vraiment là?  Tel le peuple de l’alliance conduit par Moïse nous avançons vers une destinée encore floue et, chemin faisant, il nous incombe de fabriquer les outils pour actualiser l’intention divine. Le bâton c’est l’élément de la nature utilisé et confectionné par le ‘génie’ de l’art et du savoir faire des humains. C’est l’utilisation saine et respectueuse de la nature pour le bienfait des vivants et de toute la création.

Mais là où Dieu se révèle le mieux, ici, au milieu de nous, c’est par Jésus, le Christ. Nous passons alors du bâton magique ou du sceptre de commandement au bois d’une croix, confection abjecte de l’industrie humaine qui devient paradoxalement l’étendard de la solidarité divine avec l’humanité au milieu de toutes les vicissitudes de la vie : Lui qui est de condition divine s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur, s’est abaissé, à la mort sur une croix. Christ est le nouveau Moïse et, simultanément, par son amour engagé jusqu’au don de sa vie sur le bois de la croix, le bâton sacré qui accomplit le prodige du salut et ouvre à la Vie en plénitude de la résurrection. Quiconque se confie en lui accomplit ce passage. Il est et demeure notre accompagnateur. Même si je marche dans un ravin d’ombre et de mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi ; ton bâton, ton appui, voilà qui me rassure.


Ainsi, mes bien-aimés, avec crainte et tremblement
[c.-à-d. dans la conscience de notre fragilité et la confiance de la miséricorde divine] mettez en œuvre votre salut, car c’est Dieu qui fait en vous et le vouloir et le faire selon son dessein bienveillant. Dieu nous accorde la créativité requise pour accomplir notre marche, il est là avec nous, et nous avons son bâton bien en main, la croix pour tous nos chemins. Amen.

Par Denis Fortin, pasteur

St-Pierre / 17e de Pentecôte « A » 1er octobre 2017 Dimanche de communion mondiale

 

LECTURES BIBLIQUES

Psaume 23

Exode 17,1-7

Philippiens 2,1-13

2 commentaires

  1. Ninon Ricard says: · ·Répondre

    « Dieu accompagnateur…… » sur ma route d’un langage commun à vivre….dans toute ma fragilité, donc vulnérable et disponible…

    Dieu, le dernier amour romantique !

    Merci pour vos réflexions

    • Denis Fortin, pasteur says: · ·Répondre

      Merci pour votre commentaire. Ce sentiment d’être accompagné émane de l’expérience subtile d’un rapport « affectif » à la Présence sacrée, qui souvent semble émerger de manière perceptible aux moments charnières, critiques, de notre existence. Le pôle magnétique de l’approche romantique (https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Romantisme) du monde pourrait en effet être considéré comme l’échange amoureux entre Dieu et l’être humain. L’amour est l’accomplissement de tout. Bonne marche!

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