De l’enfermement dans la peur à la liberté dans l’amour

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

La tradition chrétienne nous laisse avec une image de Marie comme une jeune femme docile, soumise, un modèle de l’acceptation de ce que la vie nous apporte. Cette image de Marie tient en grande partie à une seule phrase dans la Bible : « Que tout se passe pour moi comme tu me l’as dit ! » (Luc 1, 37). Mais avant d’arriver à cette acceptation, Marie passe par toute une gamme d’émotions… notamment, l’angoisse et la peur. C’est par la grâce que Dieu lui accorde que Marie ne reste pas prise de peur, qu’elle s’ouvre à la vie, don de Dieu. L’ange Gabriel entre chez elle. Juste ça, ce serait déjà assez freakant, merci ! Le messager lui dit : « Réjouis-toi, le Seigneur t’accorde une grande faveur. Dieu est avec toi ! » Et Luc nous dit que Marie est troublée. Je comprends donc ! J’aurais fait une crise de panique drette-là.

Oui, oui, c’est le début de l’Évangile… la bonne nouvelle… mais même les bonnes nouvelles… celles qui annoncent un nouveau départ, une grande aventure… sont anxiogènes !  Finir ses études, commencer un nouvel emploi, prendre sa retraite, entamer une nouvelle relation, mettre au monde un enfant, déménager, réinventer l’Église, tout changement – même désiré, même préparé d’avance – est une source de stress et peut provoquer toutes sortes de troubles. Donc, il ne faut pas s’étonner que les imprévus nous ébranlent profondément. Et là, je ne parle pas uniquement des catastrophes les plus dévastatrices. Toute perturbation du cours normal des choses nous bouscule et nous entraîne dans un processus de deuil. Pour accueillir du neuf, il faut faire le deuil de ce que l’on doit laisser aller. Et la peur, le doute et parfois le déni sont souvent nos compagnes sur la route de l’acceptation. (« N’aie pas peur », dit Gabriel. « Mais comment est-ce possible ? », demande Marie.)

Nous ne saurons jamais comment Marie imaginait sa vie avec Joseph, mais si elle rêvait d’une vie « normale » avec leur trollée d’enfants rassemblée autour d’eux lors de toutes les grandes fêtes pour le restant de leurs jours, c’est certain que l’arrivée de Gabriel signifiait, entre autres, que Marie aurait des deuils à faire. Et nous, nous savons déjà quel deuil l’attend. Mais n’allons pas trop vite. Restons présents auprès de Marie alors que Gabriel entre chez elle. L’ange lui dit : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu vas être enceinte, tu enfanteras un fils et tu lui donneras le nom de Jésus. » (Luc 1, 30-31)

Il est presque impossible pour nous de ne pas entendre l’écho de ce verset du livre d’Ésaïe : « Voici que la jeune femme est enceinte et enfante un fils et elle lui donnera le nom d’Emmanuel. » (Ésaïe 7, 14). Ce verset est tellement lié au récit de Noël qu’on oublie… ou qu’on ignore… que ce signe de la faveur de Dieu a été donné à Akhaz, roi de Juda, des siècles avant la naissance de Jésus dans une situation de crise internationale (Ésaïe 7, 1-17).

Les royaumes d’Israël et de Syrie, menacés par l’Assyrie, s’allient et veulent forcer le royaume de Juda à se joindre à eux afin de mener ensemble une campagne militaire contre l’Assyrie. Quand Akhaz refuse d’entrer dans cette coalition, les autres entreprennent le siège de Jérusalem et se proposent de détrôner Akhaz et de mettre à sa place un roi favorable à leur cause. En apprenant la nouvelle, le roi et son peuple sont profondément ébranlés (Ésaïe 7,2). C’est dans ce contexte qu’Ésaïe est envoyé comme messager auprès d’Akhaz. En gros, Ésaïe lui dit : « Garde ton calme, n’aie pas peur. Ne te laisse pas intimider par ces dirigeants dont les jours sont comptés. Leurs manigances et leurs stratagèmes n’ont rien à voir avec Dieu. Vous ne tiendrez ferme qu’en vous tenant au Seigneur. » (Ésaïe 7, 1-9). Ésaïe n’annonce pas que tout ira bien pour Akhaz. La foi n’est pas une voie de contournement qui permet au peuple de Dieu d’éviter tout malheur, tout revers de fortune. La foi ouvre un chemin à travers les épreuves, un chemin qui mène vers la vie toujours nouvelle et éternelle. Pour le royaume de Juda, il y aura une déportation… mais aussi un retour. La naissance de l’Emmanuel est le signe que l’amour de Dieu demeure de génération en génération. Dieu aime tellement ce monde qu’il a créé ! Il n’abandonnera pas son peuple dans ses erreurs, ses peurs, ses angoisses ou son manque d’imagination et de foi. L’histoire d’amour entre le Seigneur et son peuple ne s’arrêtera pas à la génération d’Akhaz : « Voici que la jeune femme est enceinte et enfante un fils et elle lui donnera le nom d’Emmanuel. » Dieu est avec nous de génération en génération. C’est dans les générations à suivre que la suite de l’histoire s’écrira.

Huit siècles plus tard (grosso modo), le peuple de Dieu ne vit plus dans la peur de l’Assyrie. C’est l’Empire romain qui représente une menace constante. C’est dans ce contexte que les premières générations de chrétiens voient en la naissance de Jésus l’accomplissement des promesses du prophète Ésaïe. Des siècles plus tard… vous rendez-vous compte ? Moi, dix mois à attendre la réalisation des promesses d’une libération des contraintes avec lesquelles nous vivons – ainsi que des angoisses et des peurs qu’elles génèrent- et je passe par toutes sortes d’émotions : l’impatience, la peur, le découragement, la colère, la déprime…  Et cela même si jusqu’à présent, je vis la crise actuelle dans un grand confort comparativement à des millions d’autres personnes sur la planète… et même si je reconnais qu’il n’y a pas que du négatif dans la situation actuelle. J’espère encore que, par la grâce de Dieu, cette crise nous ouvrira le chemin vers un monde nouveau. Je me dis, par exemple, que si en se mettant toutes et tous ensemble, les scientifiques du monde entier ont réussi à produire et à distribuer un vaccin contre la Covid-19 en quelques mois seulement, imaginez ce qui serait possible si on se mettait ensemble pour trouver des solutions à d’autres problèmes ou pour s’attaquer à d’autres menaces planétaires. Rien n’est impossible à Dieu. Et les Écritures d’aujourd’hui nous promettent que, de génération en génération, par amour pour ce monde que Dieu aime tant, le Seigneur prend l’initiative de nous faire naître à la vie… par sa grâce seule.

Akhaz ne demande rien à Dieu. Dieu prend l’initiative de donner un signe au roi (Ésaïe 7, 11-14). À ce qu’on sache, Marie n’a pas demandé de faveur à Dieu. Un messager fait irruption dans sa vie et lui annonce une nouvelle à laquelle elle ne s’attendait pas… mais pas pantoute. Qu’elle ait la grâce de traverser l’angoisse, la crainte, les doutes, pour arriver à accepter un avenir qu’elle ne peut certainement pas imaginer… c’est aussi ça l’œuvre de l’Esprit en elle. Cette grâce, Dieu la lui donne. Même avant qu’elle en voie les premiers signes, Marie la ressent peut-être dans ses tripes. C’est là où on ressent souvent la présence de Dieu avec nous, n’est-ce pas ? En notre for intérieur. Même quand tout autour de nous semble nous annoncer la fin du monde – quand on a peur, quand on désespère, quand on doute de tout, même de Dieu – par sa grâce, Dieu nous donne de percevoir des signes de la présence avec nous. Au cœur de la tourmente, par l’œuvre de l’Esprit en nous et parmi nous, Dieu nous accorde, à nous aussi, sa grâce libératrice et nous donne d’accueillir l’avenir qui naîtra de son amour pour nous et pour ce monde qu’il aime tant. Amen.

 

LECTURES BIBLIQUES

Ésaïe 7, 1-15

Luc 1, 26-38

 

 

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