De la peur à la joie dans le Royaume de Dieu

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

Traduire, c’est interpréter. Lire, c’est interpréter. En début de semaine, j’ai ouvert ma Bible pour lire l’Évangile de ce matin. Dans la TOB que j’utilise souvent, on donne un sous-titre à cette parabole, « Les talents ». Sans aller plus loin, je me suis dit : « Aaaah, la parabole des talents… je connais bien celle-là. Je sais qu’il est question de ce que nous faisons des dons de Dieu…hmmm… une bonne parabole pour une prédication sur l’intendance. Dieu nous confie de nombreux talents et s’attend à ce que nous les fassions fructifier… oublions la fin du parabole… peut-être que je pourrais couper ce bout là… faire semblant que ça se termine autrement. » Sauf que… avez-vous remarqué ? Dans cette parabole, le maitre confie une énorme somme à tous ses serviteurs… même 100 pièces d’or, ce n’est pas rien. Mais quand deux serviteurs reviennent ayant doublé leur investissement (l’équivalent de 30 000 et de 12 000 journées de travail selon le texte), le maître les félicite d’avoir été fidèle dans des choses qui ont peu de valeur ! Vous rendez-vous compte ? Ce ne sont pas les pièces d’or ou les talents qui comptent le plus aux yeux du maître. Il faut chercher ailleurs pour trouver ce qui a vraiment de la valeur dans cette parabole. Donc, j’ai continué à lire.

Mais là… comment interpréter l’histoire de ce maître implacable. Si ce maître, c’est Dieu… moi, je suis athée ! J’ai failli tourner la page pour choisir un autre texte. Mais one peut pas sauter tout simplement les passages bibliques qu’on trouve difficile, n’est-ce pas ? Alors, j’ai décidé de voir ce que d’autres en pensent… et j’ai utilisé ce texte vendredi dernier à La Parole sur le pouce.

Et préparant la rencontre, je me suis rappelée que la Bible en français courant interprète la parabole des talents en ponctuant le verset 26 avec un point d’interrogation. (N’oubliez pas que, dans la version originale grecque, il n’y a ni chapitres, ni versets, ni sous-titres, ni ponctuation). Traduire, c’est interpréter. Lire c’est interpréter. Et si on lisait ce verset autrement… comme pour remettre en question les certitudes du troisième serviteur : « Tu savais que je moissonne où je n’ai pas semé et que je ramasse où je n’ai rien répandu ? » Comme pour dire, « Ah oui ? Tu sais ça, toi ? »

Est-ce que ça vous est déjà arrivé de lire un courriel ou un texto… d’entendre même la voix de la personne qui a envoyé le message et de réagir, non pas au texte écrit mais plutôt à cette voix que vous entendez dans votre tête. Et est-ce que ça vous est déjà arrivé de vous rendre compte après coup que vous étiez complètement dans le champ ? Que ce que vous avez compris était loin… très loin même… de l’intention de l’autre ? Si ça nous arrive entre nous… ça doit certainement arriver entre nous et Dieu… tel que les auteurs de la Bible en parlent. L’enfer est pavé… de toutes nos certitudes sur Dieu et sur notre interprétation sa Parole. Combien de conflits sont générés par des gens qui pensent tout savoir sur notre maitre et sa volonté pour le monde ?

« Maitre, je te connaissais comme quelqu’un de dur… et j’ai eu peur. » La tragédie dans cette parabole, c’est que la peur paralyse le troisième serviteur. Il reste pris avec une image implacable de son maître. Il n’est pas un serviteur fidèle. Le mot en grec pistos évoque la confiance. La troisième serviteur souffre parce qu’il n’est pas fidèle, il n’a pas confiance en son maitre. L’idée qu’il se fait de son maître l’enferme dans la prison de la peur.

La peur est souvent mauvaise conseillère. Elle nous garde repliés sur nous-mêmes et réduit notre capacité d’aller de l’avant, de nous ouvrir à de nouvelles possibilités. Quiconque a déjà figé devant un examen, une entrevue, une présentation, un être aimé, une nouvelle opportunité sait fort bien que la peur nous fige et rend le chemin de la vie plus difficile.

Il en va de même lorsque nous figeons devant Dieu. Même ceux et celles qui sont convaincus de la bonté de Dieu peuvent avoir peur de lui parfois : « Dieu a toujours été bon avec moi… mais j’ai peur que Dieu se tanne de me sortir du pétrin. J’ai peur de ne pas comprendre ce que Dieu essaie de me dire et de passer à côté de sa volonté. Je me sens appelée… mais j’ai peur de ne pas avoir les capacités qu’il faut »

On n’est jamais aussi loin de Dieu que lorsque nous avons peur… particulièrement quand nous avons peur du jugement de Dieu. Mais qui n’a jamais eu peur ? En imaginant tous les scénarios catastrophes possibles, qui n’a pas… une fois ou l’autre dans sa vie… choisi le chemin le moins risqué ? Qui n’a jamais douté de ses capacités ? Qui a une confiance totalement inébranlable ? Pas moi en tout cas ! Ne sommes-nous pas toutes et tous, à un moment ou une autre dans notre vie, ce troisième serviteur dont la peur est source de tant de souffrances ? Où est la bonne nouvelle là-dedans ?

C’est la question que j’ai posé à la Parole sur le pouce vendredi dernier. La question, comme la parabole elle-même, a suscité toutes sortes de réactions et de réflexions. Au début, tout le monde se disait profondément troublé, horrifié même, devant cette parabole… devant l’injustice de ce maître apparemment implacable. Pourtant, ensemble, nous avons trouvé le courage de ne pas fermer tout de suite la Bible et de creuser cette histoire afin de voir s’il n’y avait pas une autre façon de la lire et de l’interpréter. Et nous avons constaté encore une fois l’importance de lire la Bible en communauté. Les autres nous aide voir que notre interprétation n’est pas la seule. Ça nous aide à rester humble et pleine d’espérance devant les Écritures. Ça nous permet de voir une Bonne Nouvelle là où on ne pensait pas en trouver.

Jean a résumé ainsi la Bonne Nouvelle que nous avons trouvé vendredi dernier dans notre extrait de l’Évangile de Matthieu : « Et si le verdict final du maître qui nous dérange tous était une façon pour Dieu de dire : ‘Si tu me penses être un maître / Dieu dur dont il faut avoir peur, voici le genre de jugement auquel tu dois logiquement t’attendre. Mais c’est toi qui le construis mentalement par ta peur. Mais si tu as confiance, quelle que soit la situation, tu pourras te réjouir avec moi’ ». En fait, maintenant je pense qu’un autre sous-titre conviendrait mieux à cette parabole. « La joie de la confiance » peut-être.

Voilà ce qui a de la valeur pour le maître : que ses serviteurs et ses servantes se réjouissent avec lui. Et pour nous réjouir, nous n’avons besoin ni d’argent, ni de capacité particulière. Voilà une bonne nouvelle pour qui serait tenté de dire : « Oui mais faire multiplier les talents, ou les pièces d’or… ça prend des connaissances et des capacités en finances, en marketing, en gestion. Et que dire des gens qui n’ont aucune capacité ? » Mais en fait, la seule capacité qu’il nous faut est celle de nous réjouir avec Dieu. Se réjouir avec Dieu, ce n’est pas de la pensée magique. Ce n’est pas minimiser… et encore moins nier… les défis et les tragédies de la vie. C’est trouver avec Dieu la confiance. Avoir confiance que tout ne dépend pas de nous, que nous n’avons pas à sauver le monde car le Christ l’a déjà fait. Nous ne sommes pas destinés à la condamnation mais à la communion, un point c’est tout. Par la grâce de Dieu, nous avons toutes et tous la capacité de nous réjouir avec Dieu. Même les plus handicapés par la vie peuvent connaitre la joie de se savoir aimés de Dieu et avoir la capacité de s’ouvrir à ce qui a vraiment de la valeur : la vie abondante dans un monde où règne… non pas la peur… mais Dieu. Dieu qui est amour. Alors quelles que soient les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons aujourd’hui, demain, après-demain, soyons donc dans la joie. Amen.

LECTURES BIBLIQUES

Psaume 136

1 Jean 4, 16-19

Matthieu 25, 14-30

 

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