De la colère à la paix

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

Dimanche dernier, Paul-André nous a rappelé que c’est à la deuxième génération d’exilés à Babylone, celle qui n’avait jamais mis les pieds au temple, qui a instauré de véritables changements dans la façon de concevoir Dieu et le monde ainsi que dans la façon de vivre leur foi au quotidien. La deuxième génération d’exilés !

Vous rendez-vous compte ? Ça fait des années qu’on essaie de faire l’Église autrement. Mais nous sommes la première génération d’exilés de notre temps. Ce n’est pas moi, ce n’est pas nous qui verrons de vrais changements. Ce sont les générations futures… celles qui ne sauront rien de ce que nous aurons vécu qui renouvelleront vraiment l’Église. Sur le coup, lors du partage après le culte, j’ai dit – et je cite – « Ça m’enrage. »

C’est très humain d’être en colère quand on a l’impression que les choses ne changeront jamais ; quand on a le sentiment de piétiner, de perdre notre temps ; quand on est convaincu que les gens autour de nous font fausse route… « Si seulement, on m’écoutait… tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes. » C’est très humain d’être en colère quand un enfant délinquant ou parent en perte d’autonomie ne veut pas entendre raison, quand un boss a des attentes irréalistes, quand l’Église ne change pas assez vite, quand les gouvernements semblent incapables de mettre en place des politiques et des mesures concrètes afin d’arriver à de vraies solutions aux crises actuelles. Pour ne donner que quelques exemples qui touchent de près St-Pierre… ça fait vingt ans que Saint-Pierre et 215 306 autres signataires ont déposé une pétition à l’Assemblée nationale réclamant une loi pour cadre pour l’élimination de la pauvreté. Est-ce qu’il y a moins de pauvreté pour autant ? Il y a six ans, tout notre thématique du temps de l’Avent était centrée sur le conflit entre Israël et Palestine… où on attend et espère encore une paix durable. Et que dire de tous les efforts pour transformer l’Église – toutes confessions confondues – depuis des décennies ? Je comprends qu’il y en a qui ressentent de la colère devant toutes ces lenteurs.

La colère, ça fait partie de la gamme des émotions que Dieu nous a données. Il y pleine d’énergie dans la colère… une énergie qui peut nous propulser en avant… pour faire bouger des choses… ne serait-ce qu’un peu. Mais la colère est aussi destructrice. Et en ce 6 décembre, anniversaire de la tragédie de Polytechnique, comment ne pas penser à la colère qui vire trop souvent contre les femmes ?

Oui, la colère peut faire violence aux autres, et elle revient souvent contre nous. Quand je suis en colère… moi aussi, je subis les effets négatifs de ma colère. Surtout quand je fulmine dans mon bureau ou lorsque je crie après la radio en entendant une nouvelle que je n’aime pas. Je le sens dans mon corps. La colère est particulièrement dévastatrice quand on s’enfonce dedans et qu’on y reste pris.

Devant la mort, notre propre mort ou celle d’un proche, face à rêve qui s’écroule, un projet qui échoue, ou une pandémie qui ne cesse de faire des ravages, il y a un deuil à faire. Comme le disait un ancien paroissien endeuillé, « On ne peut pas contourner ce qu’il faut traverser. » Et dans le désert du deuil, la colère est souvent notre compagne de route…

Plus j’y pense, plus je me dis que vivre en paix sous le regard de Dieu ne signifie pas ne jamais ressentir la colère mais plutôt laisser Dieu transformer notre colère en paix intérieure. C’est un peu ce que j’ai vécu dimanche dernier. Après la colère à l’idée que ce serait aux générations futures qui feraient l’Église vraiment autrement… est venue la paix. La paix de savoir que tout ne dépend pas de ce que moi je fais aujourd’hui… de ce que nous arriverons à mettre en place avec le temps que nous aurons. La réalisation du rêve de Dieu pour son peuple s’étend de génération en génération. C’est une course à relais.

C’est exactement ce que nous voyons dans les Écritures de ce matin. Selon Marc, Jean-Baptiste s’habille et se nourrit à la manière du prophète Élie qui, selon la tradition, devait revenir avant l’arrivée du Messie. Et son ministère s’inscrit dans la lignée des promesses faites aux exilés dans la deuxième partie du livre d’Ésaïe et à celles faites après le retour d’exil par le prophète Malachie. (De toute évidence, Marc n’avait pas la même notion de droits d’auteur que nous). Mais Jean le Baptiste ne fait qu’annoncer celui qui va venir après lui. Avec Jean Baptiste, nous n’avons que le commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, Fils de Dieu.

Avec Jésus – dont le nom signifie « Dieu sauve » – c’est le commencement d’un nouveau chapitre de l’histoire du salut. Le commencement… pas la fin… car même la vie de Jésus a été une vie interrompue. Depuis plus de 2000 ans déjà, nous célébrons sa venue… et nous attendons son retour.

Mais notre attente de doit pas être une attente passive. Comme les premiers exilés, comme Jean Baptiste, nous devons préparer le chemin pour ceux et celles qui viendront après-nous. Et tout commence par notre propre conversion.

La conversion, c’est avant tout un changement du cœur, un changement du cœur qui vient… par don… par don de Dieu. C’est le don de la conversion qui nous permet de passer de la colère à la paix… la paix de savoir que tout ne dépend pas de nous.

On a tendance à imaginer Jean-Baptiste comme un colérique… un hystérique qui crie après le monde. Il est vrai qu’il invective les Pharisiens et les Sadducéens dans l’Évangile de Matthieu (Matthieu 3, 7-10). Se peut-il par contre que, lorsque Jean s’adresse aux autres fidèles qui viennent à lui pour se faire baptiser, comme ceux dans l’Évangile de Marc ce matin, il leur parle sur un ton plus doux, plus paisible, plein d’amour et de compassion ? Jean sait que tout ne s’arrête pas là. Ce n’est pas lui qui doit sauver le monde. Son baptême n’est rien à côté de ce qui sera possible quand les foules seront baptisés avec le Saint-Esprit. Jean Baptiste n’a pas à s’énerver. Il ne fait que ce qu’il a à faire. Dieu se chargera de la suite des choses… de sorte qu’on arrive enfin à aplanir et à rendre droit tous les sentiers ; de sorte que les enfants de Dieu soient sur un pied d’égalité et puissent enfin cheminer vers une vie de justice et de paix pour la création tout entière.

Les livres des prophètes nous le rappellent : l’histoire de Dieu et son peuple s’étend de génération en génération. Là où nous sommes aujourd’hui n’est pas là où sera le peuple de Dieu à l’avenir. Les générations futures interprèteront différemment que nous les promesses des prophètes d’autrefois et elles bâtiront l’Église et le monde de demain sur ce que nous aurons pu faire, par la grâce de Dieu, au temps qui était le nôtre. C’est Dieu qui aura le dernier mot. Et n’oublions pas : Dieu est Amour… et Vie…

Que Dieu nous donne la paix… la sérénité d’accepter les choses que nous ne pouvons changer ; le courage de changer les choses que nous pouvons changer, et la sagesse d’en connaître la différence. Vivre un jour à la fois ; profiter de chaque moment, accepter les difficultés qui font partie de la route vers la paix. Accepter, comme le Christ, le monde avec ses péchés tel qu’il est et non comme nous le voudrions. Avoir confiance que le Christ s’occupera de tout si nous lui confions notre volonté. Que nous serons toutes et tous raisonnablement heureux dans cette vie et absolument heureux avec le Christ dans l’autre. Amen – (Selon la prière de la sérénité, de Reinhold Niebuhr).

LECTURES BIBLIQUES

Ésaïe 40, 1-11

Marc 1, 1-8

Un commentaire

Ajouter un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *