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Recherchons la justice

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

Ce matin, Jésus nous raconte une parabole sur la nécessité de prier constamment et de ne pas nous décourager. Sauf que… ce matin, quand j’y pense… ce qui me vient en tête, ce sont toutes les fois où j’ai l’impression que ma cause n’a pas été entendue, que mes prières n’ont pas été exaucées et que je me suis sentie plus que découragées. On prie pour la paix dans le monde, la fin des souffrances de nos proches, on a marché pour exiger la justice climatique. On pleure, on crie, on réclame. Et souvent… ce qu’on entend, c’est… silence radio…

Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits.

Il y a des années je suis allée rendre visite à une femme dont la sœur était décédée après une brève maladie. La dame m’a invité à m’assoir dans la cuisine et puis m’a lancé sur un ton révolté : « On voit bien combien valent tes belles prières ! » Je ne me souviens pas ce que la jeune pasteure a balbutié comme réponse mais je me souviendrai toujours de son désarroi. Elle était scandalisée dans le sens biblique du terme (c’est-à-dire confrontée à un obstacle majeur dans son cheminement de foi). Je ne l’ai pas revue à l’église après les funérailles de sa sœur.

À la différence de la veuve dans la parabole de ce matin qui finit par obtenir gain de cause devant un juge inique, nous n’obtenons pas toujours ce qu’on demande à Dieu dans la prière. Pourquoi ? Honnêtement, je n’en sais rien. Je sais que je ne vois pas le monde et les choses comme Dieu les voit. Je confesse, comme le fait Paul (1 Corinthiens 13), qu’à présent, ma connaissance est limitée.

Nous ne savons pas grand-chose sur la femme dans la parabole de ce matin. Nous ne savons pas qui est son adversaire. Nous ne savons pas qui – ou quoi – lui fait obstacle. Parce que c’est ça un adversaire, n’est-ce pas ? Quelqu’un ou quelque chose qui bloque notre chemin, qui nous empêche d’avancer dans la vie. Quelle est la cause quelle plaide ? La parabole ne le précise pas. Aussi peut-elle représenter toute personne victime d’injustice. Tout ce que nous savons sur elle, c’est qu’elle est veuve – donc l’une des plus vulnérables dans une société où les femmes n’ont ni statut ni droits, ni filet social, en dehors de la maison paternelle ou des liens du mariage. Elle est parmi les plus démunis des démunis. Et elle affronte un juge – donc, quelqu’un qui du pouvoir et des privilèges. Ce juge n’a ni crainte de Dieu, ni respect de ces concitoyens. Donc, on peut s’imaginer que la veuve, elle, a toutes les raisons de se décourager. Tout semble perdu d’avance. Mais c’est peut-être justement parce qu’elle n’a absolument rien à perdre qu’elle ne lâche pas. Le seul outil qu’elle a, elle l’utilise. Sa voix.

Elle me fait penser à Rosa Parks, figure de proue dans la lutte contre la ségrégation aux États-Unis ; à Nellie McClung, et à ses quatre consoeurs – qui ont milité pour la droit de vote des femmes ainsi que reconnaissance du statut juridique des femmes en tant que « personnes ». Et comment oublier les femmes immortalisées dans le monument à côté de l’Assemblée nationale ? Je pense aussi aux jeunes écologistes, Severen Suzuki, Gretta Thunberg, et bien d’autres, qui ont levé la voix pour défendre la cause de l’environnement.

Revenons à la veuve de la parabole de ce matin. Elle demande, elle exige, que le juge lui rende justice. J’entends l’écho de la voix de Jacob : « Je ne te lâcherai pas tant que tu ne m’auras pas béni ». « Rends-moi justice contre mon adversaire ! Accorde-moi ma juste part des bénédictions de Dieu. Accorde-moi, ma juste place dans l’économie de Dieu. »

« C’est pas juste ! » Tous les parents, y compris Dieu, n’entendent-ils pas cette exclamation de la part de leurs enfants qui ont l’impression de ne pas avoir reçu ce qui leur est dû ? Pour ce qui est de Dieu, la vie de Jésus ne nous démontre-t-elle pas que la justice de Dieu n’a rien avoir avec ce que nous « méritons ». La justice de Dieu, c’est ce que Dieu nous accorde gratuitement, par la foi, c’est-à-dire, par notre confiance en Dieu, notre fidélité à Dieu.

La justice de Dieu, ce n’est pas un système de punitions et de récompenses dispensées selon nos actions plus ou moins bonnes. La justice de Dieu, c’est une relation à vivre. Une relation juste est une façon d’être qui est conforme à la volonté de Dieu pour nous et pour les autres.

Revenons à l’exemple de la vie de Jésus. Il n’a rien fait pour « mériter » la croix. Ce n’est pas ça la justice de Dieu. La justice de Dieu, c’est que même là, sur la croix, représentant toutes les victimes de l’injustice des humains, en Christ, Dieu avec nous, par la grâce seule. La relation est maintenue.

Dans le fond, vu sous cet angle, « Rends-moi justice contre mon adversaire ! » pourrait se traduire, me semble-t-il, par « Quelles que soient les circonstances dans lesquelles je me trouve, ne laisse rien, ni personne me séparer de Dieu. » Et là, même le plus inique des juges ne fait pas le poids de Dieu. En Jésus, Dieu ne nous laisse jamais seuls, même dans les moments les plus immérités de nos existences.

Voilà pourquoi il faut toujours persévérer dans la prière. C’est par la prière sous toutes ses formes que nous arrivons à garder le cap, à garder le contact avec Dieu, à nous accrocher à Dieu. C’est la prière qui nous permet de vaincre les adversaires qui se mettent entre nous et Dieu, même quand nous aurions toutes les raisons d’être complètement découragés… comme la veuve… comme les premiers lecteurs de l’évangile de Luc.

Luc a écrit son évangile à une époque où les chrétiens commençaient à se décourager ben raides, à la fin du premier siècle de notre. Le temple a encore une fois été détruit – n’était-ce pas en soi un signe que Dieu avait abandonné ses élus ? Et contrairement à ce qu’ils espéraient, Jésus n’était toujours pas revenu pour tout virer à l’endroit, instaurer une terre nouvelle, des cieux nouveaux. Si Dieu ne n’a pas tenu ses promesses, ses enfants ont-ils eu tort de mettre leur confiance en Jésus ? Par la parabole de ce matin, Luc répond, « Juste parce que ça prend du temps et des efforts de votre part, ça ne veut pas dire que Dieu ne répond pas. Dieu tient ses promesses. Le fils de l’homme viendra. Mais trouvera-t-il des gens qui ont encore confiance en lui ? »

En 2012, n’ayant pas de mandat pastoral, j’ai recommencé à enseigner l’anglais langue seconde. Pendant des mois, ma prière quotidienne ressemblait à : « Seigneur, tu m’as appelée à quitter l’enseignement des langues pour devenir pasteure. Ouvre-moi une porte à quelque part. » Je n’aurais jamais imaginé que Dieu m’ouvre les portes du pénitencier et encore moins que ce serait une expérience qui transformerait profondément ma vie. C’est un exemple parmi tant d’autres que je pourrais donner, tiré de l’histoire de ma vie comme de celles de gens que Dieu a mis sur ma route. J’en ai la conviction : Dieu nous entend et Dieu répond. Peut-être pas aussi rapidement que nous aimerions – nous qui avons appris à nous attendre à tout avoir tout de suite. (Pensez juste à notre réaction si quelqu’un tarde à répondre à un courriel ou un message instantané. Ou Pensez au fait que les gens magasinent en ligne et paie pour une livraison express parce que c’est plus rapide. Le Royaume des cieux n’est quand même pas un entrepôt d’Amazon.) Et la réponse à nos prières vient rarement sous la forme que nous avons imaginée. Mais j’ai la conviction que, par sa grâce, Dieu nous rend toujours justice. Rien ne pourra nous séparer de Dieu et de sa volonté pour nos vies. Si même un mauvais inique finit par rendre justice, à plus forte raison Dieu, qui est juste, répondra-t-il à la prière de ses enfants.

Non, ce ne sera pas toujours facile. Comme Jacob, on aura parfois l’impression de lutter avec Dieu et des hommes. Et ces luttes laisseront parfois leur marque. Au terme de sa face-à-face – qui n’a rien avoir avec les débats des chefs des dernières semaines – la Bible nous dit que Jacob boîte de la hanche. Mais Jacob en sort vainqueur. Et le cours de sa vie, comme celui des générations qui lui succéderont, est complètement transformé. De grâce, faisons pareil. Ne perdons pas confiance. Levons nos voix pour réclamer – pour nous et pour les autres – la bénédiction de Dieu, notre juste place dans l’économie de Dieu. Par la prière qui nous garde solidement attachés à Dieu, recherchons la justice. Par la grâce Dieu qui est juste, sous une forme ou une autre, à un moment ou un autre, tout nous sera donné. Amen.

LECTURES BIBLIQUES

Genèse 32, 23-31

Luc 18, 1-8

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