Petitesse humaine, largesse divine

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Ces histoires que les Écritures proposent à notre réflexion se révèlent très fréquemment en résonnance avec les évènements de l’actualité, ouvrant une perspective inusitée, déstabilisante, qui suscitent en nous une réaction de la tête ou du cœur, souvent des deux. Pour bien comprendre un extrait il faut idéalement connaître son contexte : l’écoute des passages du dimanche, même sélectionnés avec soin, ne peut remplacer la lecture suivie d’un livre au complet, ce que je vous invite à faire dès maintenant si tel n’est pas déjà votre pratique. Lire un chapitre de la Bible par jour, lors d’un court temps de réflexion et de prière personnelles (15 ou 20 minutes tout au plus), peut-être aussi noter dans un carnet les idées, les questions et les intentions de prière qui vous sont venues à l’esprit, cela va au fil des jours et des semaines faire une différence immense dans votre familiarité et votre appréciation de la Bible autant qu’accroître votre réceptivité aux intuitions de l’Esprit qui y souffle pour nous guider. C’est là une discipline féconde pour tout disciple de la voie du Christ et une bonne façon de débuter l’automne, temps des récoltes en tout genre.

Mais revenons pour le moment aux extraits du livre du prophète Jonas et de l’évangile de Matthieu que nous avons entendus. Sans rentrer dans une exégèse élaborée, il convient d’aborder Jonas comme un conte philosophique, les détails fantastiques étant semblables aux effets spéciaux du cinéma, une façon de nous accrocher en nous éblouissant, de maintenir notre intérêt jusqu’à la finale, au dénouement de l’intrigue. L’attitude de Jonas est théâtrale, caprices de prima donna, centré sur lui-même et sans appropriation personnelle véritable du plan de Dieu. Ce qui importe pour Jonas ce n’est pas le salut des habitants de Ninive c’est plutôt de ne pas perdre la face alors que la destruction prophétisée ne se réalisera pas! Le succès de sa mission devient la mise en échec de ses prétentions et le dévoilement de ses motivations.  Jonas prit très mal [que Dieu revint sur sa décision], et il se fâcha. Il pria le SEIGNEUR et dit : « Je savais bien que tu es un Dieu bon et miséricordieux, lent à la colère et plein de bienveillance, et qui revient sur sa décision de faire du mal […] je t’en prie, retire-moi la vie ; mieux vaut pour moi mourir que vivre ! »[1]

La parabole de Matthieu a, quant à elle, comme toile de fond une crise de l’emploi dramatique avec tout ce que cela implique pour la subsistance de ces ouvriers journaliers et de leurs familles. Le règne de Dieu est comparable au plein emploi, une pièce d’argent[2] étant le salaire normal pour une journée de travail[3]. Comme le Seigneur à l’égard des Ninivites, le maître de la maison va chercher lui-même les travailleurs jusqu’à la onzième heure[4] pour que quiconque le souhaite puisse se mettre à l’œuvre et recevoir le salaire indispensable à la vie, être sauvé. Dans ce passage, bonne nouvelle d’une économie axée sur la bienveillance et la grâce, la réaction des premiers travailleurs à l’égard de la rétribution des autres nous déstabilise : Les premiers pensèrent qu’ils allaient recevoir davantage mais ils reçurent eux aussi chacun une pièce d’argent. Ils murmuraient contre le maître de maison.[5] Et la réplique du maître de maison nous catapulte à un autre niveau : Je ne te fais pas de tort… Je veux donner à ce dernier autant qu’à toi… Ou alors ton œil est-il mauvais parce que je suis bon ?[6]

Le petit moi, l’ego, crispé sur peurs et ses besoins, veut avoir raison à tout prix, et souhaite assouvir tous ses désirs. Dieu dit à Jonas : « As-tu raison de te fâcher à cause de cette plante ?… Oui, j’ai raison de me fâcher à mort. »[7] Cette propension psychologique au nombrilisme, à accaparer toujours davantage pour soi-même sans égard aux conséquences pour autrui, c’est le ver dans la pomme! C’est aussi la fascination mortifère d’un capitalisme débridé qui entraîne les masses dans l’asservissement d’une consommation compulsive sous la prétention fallacieuse d’une prospérité économique qui est tout sauf économe. Notre terre en agonise. L’envie, la jalousie, l’amertume et le ressentiment se revêtent d’un manteau de justice.

L’économie du règne de Dieu c’est revêtir la justice intégrale du Christ, l’humain renouvelé, qui reçoit de sa communion au divin le sentiment de sa valeur et de sa sécurité, et fondement inébranlable de l’assurance de son salut dans une vie de plénitude qui émerge de l’instant présent. C’est cette expérience de la grâce qui nous est faite, nous sommes les derniers[8], qui nous amène à transformer notre regard envers autrui ton œil est-il mauvais parce que je suis bon, afin de nous réjouir authentiquement dans la perspective sacrée : Le SEIGNEUR dit à Jonas : « Toi, tu as pitié de cette plante pour laquelle tu n’as pas peiné et que tu n’as pas fait croître … et moi, je n’aurais pas pitié de Ninive la grande ville où il y a plus de cent vingt mille êtres humains qui ne savent distinguer leur droite de leur gauche, et des bêtes sans nombre ! »[9] La justice divine c’est qu’en Christ tous et toutes nous sommes premiers[10] même les derniers! Amen.

 

LECTURES BIBLIQUES

Jonas 3,10-4,11

Matthieu 20,1-16

[1] Jonas 4,1-3

[2] Matthieu 20,2

[3] Voir Antoine Nouis, Commentaire du Nouveau Testament, Volume 1, page 156. © 2018 Olivétan

[4] Matthieu 20,6

[5] Matthieu 20,10-11

[6] Matthieu 20,13-15

[7] Jonas 4,9

[8] Matthieu 20,16

[9] Jonas 4,10-11

[10] Matthieu 20,16

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