Par un autre chemin

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

J’aime beaucoup le récit des mages. On dirait une page tirée des Mille et une nuits. Au fil des ans, j’ai dû prêcher sur le récit des mages une quinzaine de fois. Chaque année, je me dis, « Je n’ai rien d’autre à dire. Mais cette année, je lis ce récit à une nouvelle lumière… celle que la Covid jette sur le monde… et je vois les mages comme jamais auparavant. À première vue, ils m’énarvent… comme tous ces gens qui se sont envolés vers le sud pour le temps des fêtes. Les mages, eux, ils partent dans l’Ouest alors que moi, tous mes projets de voyages pour aller voir ma famille en Colombie-Britannique sont sur « pause » pour un temps indéterminé. Les mages voyagent en gang… traversent des régions… rentrent tous dans une maison qui n’est pas la leur. Et je vous gage qu’ils ne respectent pas les distances, ne portent pas de masque et négligent de se laver les mains. Ils m’énarvent

Blague à part. Les mages m’énarvent aussi parce que leur histoire met en lumière tout ce qui ne va pas bien dans le monde… aujourd’hui comme hier. Les mages arrivent à Jérusalem à l’époque où Hérode le grand est roi. C’est un tyran mégalomane, paranoïaque et menteur qui se réfugie dans un palais somptueux alors que les masses vivent dans la misère. Il n’a qu’un seul but : conserver et consolider sa domination. Et il est prêt à tout, même à arracher des enfants aux bras de leurs parents, pour arriver à ses fins. Ça vous rappelle-tu quelqu’un ? En fait, plus que les mages, c’est lui qui m’énarve… lui et d’autres dirigeants comme lui… qui nous dirigent drette dans l’mur.

Plus je les regarde, plus je vois à quel point les mages, eux, nous apportent une lueur d’espoir… aujourd’hui comme hier. Sans escamoter tout ce qui ne va pas bien dans le monde, leur histoire nous montre qu’il est tout à fait humainement possible de choisir un autre chemin… un chemin qui nous éloigne des voies des Hérode de ce monde. Et il n’y a pas lieu d’enfreindre les consignes sanitaires pour l’emprunter… car c’est le chemin de l’intériorité, le chemin qui conduit à la véritable lumière : le Soleil de la justice, de ce qui est bien ajusté, aligné sur la volonté de Dieu.

Les mages ne sont pas partis en vacances. Ils sont en quête spirituelle. Ça fait un peu écho à quelque chose qui a été dit lors de notre Brunch du Jour de l’An avant-hier. Si les gens désiraient s’approcher de Dieu autant qu’ils cherchent à s’évader dans le Sud… ça changerait peut-être le monde.

Nous n’avons aucun contrôle sur les autres. Nous ne pouvons changer que nous-mêmes. Cette année, par la grâce de Dieu, puissions-nous être comme les mages. Les mages cherchent le roi des Juifs… par dévotion. Ils ne sont pas motivés par le désir de se faire du « capital politique » sur la scène internationale. Ils ne cherchent pas une occasion de se prendre en selfie avec le roi des Juifs.  Ils veulent lui rendre hommage.

Ils ne sont pas Juifs. Mais ils ont la lucidité de reconnaitre qu’il peut y avoir une lumière de vérité dans cette tradition qui n’est pas la leur. Et donc plutôt que de craindre cette lumière et d’essayer de l’éteindre, les mages cherchent à se laisser éclairer par elle.

Il me semble que cela fait écho à autre chose qu’on s’est dit lors de notre Brunch virtuel. Comme vœu pour la nouvelle année… et pour une transformation en profondeur du monde… plusieurs ont dit souhaiter de vrais dialogues. Les mages nous reflètent que ce monde tissé de véritables rencontres avec l’altérité, dans le respect des différences, est non seulement possible, mais aussi à la portée de tous les sages de la terre.

Et là… avant de nous dire que cela ne nous concerne pas parce que nous ne sommes pas des sages, rappelons-nous que la sagesse à très peu à voir avec une accumulation de connaissances. Les mages nous le démontrent très clairement. Le début de la sagesse, c’est l’observation et l’écoute. Cette année, par la grâce de Dieu, à l’exemple des mages, puissions-nous apprendre à voir et à écouter le monde autour de nous.

Les mages connaissaient bien les étoiles… et ils y portent suffisamment attention pour qu’un soir ils en remarquent une qui est particulière… si particulière qu’ils sont prêts à partir à l’aventure… sans trop savoir où tout cela allait les mener. Oui, ils ont quelques notions de la tradition juive… assez pour savoir que l’étoile signifie la naissance d’un nouveau roi. En même temps, ils sont assez sages pour savoir qu’ils ne savent pas tout. Les mages s’arrêtent à Jérusalem pour écouter ce que d’autres en ont à dire. Ils pensaient trouver le roi des Juifs dans un palais à Jérusalem. Leur ouverture à une autre interprétation du signe qu’ils ont vu leur ouvre le chemin qui les conduit à un petit roi pas comme les autres : l’Enfant-roi de Bethléem.

Le début de la sagesse, c’est l’observation et l’écoute… l’écoute des autres et l’écoute du Tout-Autre… celui qui ne prend pas la grosse voix des tyrans de ce monde, mais plutôt la petite voix qui nous chuchote les plus grandes vérités dans le secret de nos cœurs… comme dans le silence de nos nuits remplies de songes divins. Là encore, on voit que les mages sont à l’écoute et que le fait d’écouter les amène à choisir un autre chemin. Ils ne se rangent pas derrière Hérode. Ils se mettent du côté des petits. De plus, ils sont assez sages pour savoir que parfois, dans l’espoir d’éviter le pire, la meilleure stratégie, c’est d’éviter une confrontation directe avec ceux qui se croient les plus grands. Les mages choisissent de défier l’ordre du tyran et retournent dans leur pays par autre chemin.

Sans Facebook, ni Twitter ont-ils appris la suite tragique de leur histoire ? Non, ils sont probablement comme nous : sincères dans leur désir de faire ce qui est juste, mais pris dans le système. Bien malgré nous, parfois nos choix et nos gestes ont des répercussions néfastes… et souvent complètement insoupçonnées… sur des populations entières loin de chez nous. Si seulement Hérode avait choisi un autre chemin…

Et si les mages avaient fait un autre choix, que serait-il arrivé ? Nous ne le saurons jamais. Pas plus qu’on sait ce qui serait arrivé, si, à d’autres moments, nous avions fait d’autres choix. Ce matin, tout ce que l’on sait, c’est que les mages ont choisi un autre chemin dans l’espoir de sauver un enfant. Les cyniques diront peut-être que ça n’a pas changé le monde. Hérode est demeuré un tyran vindicatif jusqu’à la fin de ses jours. Et d’autres l’ont suivi. Nous le savons trop bien.  Mais n’est-ce pas vrai que l’Enfant de Bethléem a changé le monde pour beaucoup de gens… des gens comme nous ? Dieu soit loué pour les mages qui ont choisi la compassion et la solidarité avec les plus vulnérables. Et Dieu soit loué pour les mages dont l’histoire est une lueur d’espoir sur tous nos chemins. Par la grâce de Dieu, à chaque tournant, nous avons l’occasion de choisir un autre chemin, celui de l’intériorité, celui qui nous rapproche de la volonté de Dieu, ce chemin où il n’y a pas de voie sans issue. Car c’est le chemin de l’Enfant de Bethléem, celui qui déjouera toutes les machinations des grands de ce monde et qui défiera même la mort.

En ce début d’année, partons du bon pied. Réengageons-nous à suivre cet autre chemin. Qui sait ? Par la grâce de Dieu, à l’instar des mages, nous sauverons peut-être un enfant… ce serait déjà pas pire… et ce sera peut-être assez pour transformer le monde à tout jamais. Amen.

 

LECTURES BIBLIQUES

Matthieu 2, 1-16

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