Me voici ! Envoie-moi !

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

« J’entendis alors la voix du seigneur qui disait : ‘Qui enverrai-je? Qui donc ira pour nous?’ » J’ai choisi l’extrait d’Ésaïe que nous venons d’entendre pour ma toute première prédication à Saint-Pierre et Pinguet le 29 juin 2008, dans le cadre d’un culte qui soulignait le départ de Gérald à la retraite et mon entrée en fonction comme pasteure de cette charge pastorale. Ce matin, j’ai une confession à vous faire. La première fois que j’ai entendu une voix me demander si je viendrais à Québec… j’ai dit non. Toutefois, il faut aussi spécifier que ce n’était pas la voix de Dieu mais celle de Gérald. À l’époque, j’étais pasteure en Gaspésie. Nous étions en vacances et nous étions venus au culte ici un matin. Pendant le temps du café Gérald m’a dit qu’il avait annoncé sa retraite et me demandais si je poserais ma candidature une fois le poste ouvert. « Euh… non. » Il y avait déjà une paroisse francophone à Québec. Moi, je me sentais toujours appelée à démarrer un ou des ministères en français en Gaspésie.

Mais le ministère en français en Gaspésie ne s’est pas réalisé comme je l’avais imaginé. Et je dois avouer que j’étais habitée par un certain sentiment d’échec quand j’ai enfin entendu la voix de Dieu m’appeler à Québec et que j’ai fini par répondre « Me voici ! Envoie-moi ! » Comme quoi, je ne suis pas la seule à avoir un plan B, C, D.

Quand j’ai débuté mon ministère ici en juillet 2008, l’assistance moyenne au culte était autour de 20 ou 25 ici à Saint-Pierre et une dizaine à Pinguet. Et il y avait plein de projets dans l’air. On avait le sentiment que Saint-Pierre et Pinguet était un trésor caché et qu’il suffisait de se faire connaitre pour que les gens aient envie d’embarquer à la suite du Christ avec nous. La charge pastorale avait lancé une campagne de communications publiques; avait organisé une communion sans exclusion dans le cadre des festivités du 400e de Québec. St-Pierre était impliquée dans l’organisation de la Nuit de la spiritualité dans la foulée du Sommet des Amériques ainsi que dans le comité de soutien de Mohamed Cherfi.

Mais la porte s’est avérée plus étroite qu’on avait pensé. La charge pastorale a payé cher certaines initiatives et malgré tous les efforts, peu de gens sont entrés pour rester.

Pourtant, cela ne signifie pas que le ministère de Saint-Pierre et Pinguet est un échec. Le ministère ne s’évalue pas par la simple présence au temple. Pour Jésus, aller au temple ou à la synagogue n’était pas une fin en soit, c’était une halte où lui et ses disciples faisait le plein de la Parole de Dieu pour pouvoir poursuivre leur route ensemble.

Cette semaine, j’ai été frappé par un détail dans l’extrait de l’évangile que je n’avais pas vraiment vu avant. Jésus appelle ses premiers disciples et ils laissent leurs filets. Un filet, ça permet d’attraper une grande quantité de poissons dans une seule prise. Se peut-il que les disciples aient laisser leurs filets parce que pêcher des hommes et des femmes se fait autrement ? Si le Christ appelle ses disciples à être pêcheurs d’hommes et de femmes, ce n’est pas pour remplir des bancs d’une grande quantité de gens et encore moins parce que ces derniers sont une ressource à exploiter ou une source de revenus. Je le dis souvent depuis 15 ans, en tant que communauté de disciples nous ne sommes pas appelés à survivre mais à servir comme Jésus l’a fait. S’il lui arrivait d’enseigner à des foules, la plupart du temps, il a appelé guéri et libéré des individus. Pas besoin de filet pour pêcher des individus.

Oui, je le sais, l’idée de pêcher des êtres humains peut être rébarbatif. Si les gens ont peur d’entrer par la porte étroite, c’est peut-être justement parce qu’ils ont peur de se faire prendre dans quelque chose qui finirait par les étouffer, leur enlever une certaine liberté.

Jésus nous appelle à vie et à la liberté. C’est un peu plus explicite dans l’Évangile de Luc où Jésus dira à Simon Pierre « N’aie pas peur ; désormais, ce sont des êtres humains que tu prendras. » (Luc 5, 10). Le verbe grec traduit par prendre en français signifie « prendre vivant » Notre appel comme disciples n’est pas d’enfermer les gens dans un filet mais de leur permettre de se reconnaitre comme des êtres vivants et libérés pour la vie en abondance.

Jésus n’a attrapé personne mais il a pris des hommes, des femmes et des enfants. Il les a souvent pris par la main. Il les a libérés de tout ce qui les tenait captifs pour les conduire sur le chemin qui mène à la vie. Non, ce chemin n’est pas toujours facile. Pour accéder à une vie nouvelle, il faut abandonner celle qu’on a. Cela ne se fait jamais sans sacrifice, sans douleur. Voilà une autre raison pour laquelle plusieurs hésitent à entrer par la porte étroite qui ouvre sur le chemin de la vie. Mais quand on ose le faire, ça vaut tellement la peine, n’est-ce pas ?

C’est ce que j’ai découvert quand je suis entrée ici pour la première fois en 1995. Et, par la grâce de Dieu, c’est ce que d’autres continuent à découvrir ici : une communauté d’hommes et de femmes vivants et vivifiants. Au bout du compte, notre ministère ne s’évalue pas tant par le seul nombre de gens qui entrent ici le dimanche matin mais plutôt par la qualité de vie que les gens découvrent et vivent parce qu’ils ont pris le risque et relevé le défi d’entrer par la porte étroite qui mène à la vie.

Jésus est venu nous ouvrir ce chemin. Oui, il enseignait à la synagogue. Oui, il proclamait que le Règne de Dieu était proche mais il incarnait ce règne en se faisant proche des hommes, des femmes et des enfants qui croisaient son chemin. Jésus leur ouvrait le chemin de la vie en les guérissant et en les délivrant de leurs tourments.

Aujourd’hui, la communauté de disciples a peut-être moins besoin de se s’occuper de la santé physique des gens. Les travailleurs et travailleuses de la santé font pas mal de miracles à ce niveau. Mais nos contemporains ont besoin d’être délivrés toutes sortes de tourments. Des hommes, des femmes et des enfants souffrent de solitude, de peurs et de craintes de toutes sortes, du sentiment d’impuissance et de désespoir face à l’état du monde, du syndrome de l’imposteur. Aujourd’hui, des hommes, des femmes et des enfants pensent que leur vie s’évalue en likes, en ce qu’ils possèdent, produisent et contrôlent. Partout autour de nous des hommes, des femmes et des enfants se demandent s’ils sont utiles, s’ils comptent vraiment, si la vie qu’ils ont est la seule vie possible. De nos jours tant de gens ont besoin de croiser des hommes, des femmes et des enfants qui se font proches, qui apportent une parole d’espérance : nous sommes toutes et tous appelés à la liberté et à la vie abondante que Jésus est venu nous donner.

Déjà à l’époque d’Ésaïe beaucoup de gens avaient laissé de côté la religion de leurs ancêtres. Ils s’inclinaient devant de faux dieux, négligeaient la justice sociale et s’enrichissaient aux dépens des plus démunis de la société. Les gouvernants cherchaient la prospérité et la sécurité de la nation dans des alliances socio-politiques plutôt que dans la fidélité à Dieu. Et le message d’Ésaïe au peuple de Dieu a retenti: courir après la richesse, les idoles, la puissance militaire, c’est courir à sa perte… Dieu seul peut sauver son peuple… lui assurer la paix, la justice, la vie.

De génération en génération on a besoin de se le rappeler… pas uniquement au temple mais à tous les carrefours.

« J’entendis alors la voix du seigneur qui disait : ‘Qui enverrai-je? Qui donc ira pour nous?’ »

 

LECTURES BIBLIQUES

Ésaïe 6, 1-8

Matthieu 4, 18-25

Matthieu 7, 13-14

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