Le verset qui tue ! 1 Rois 18, 40

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp
© Indigenous-Rights.jpg / UCC-ÉUC

© Indigenous-Rights.jpg / UCC-ÉUC

En découvrant que la compétition d’Élie avec les prophètes et fidèles de Baal était la lecture proposée pour ce dimanche, j’ai failli… allez me consoler dans une lecture alternative du lectionnaire : celle de l’accueil généreux du roi Salomon [1 Rois 8,22-23.41-43] de l’étranger en quête de Dieu au Temple de Jérusalem.

Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits.

Mais alors que la modératrice de l’Église Unie nous invite à avancer dans la réconciliation par la commémoration du 30e anniversaire des excuses présentées aux peuples autochtones par l’Église, ce récit du premier livre des Rois, – et tout particulièrement le verset 40, du chapitre 18, qu’on omet habituellement dans la lecture publique «  le verset qui tue ! » – m’a semblé incontournable, justement à cause du malaise, de l’horreur qu’il inspire. Le voici : Elie leur dit : « Saisissez les prophètes du Baal ! Que pas un ne s’échappe ! » Et on les saisit. Elie les fit descendre dans le ravin du Qishôn où il les égorgea.

Le début du récit nous montre que l’objectif est de faire revenir le peuple qui s’est éloigné de Dieu à son engagement initial, alors que prédomine dans la société un relâchement moral et une religion de complaisance : il faut revenir au Dieu de l’Alliance. L’intention est noble et les motifs honorables. Mais l’histoire finit dans l’horreur, dans un bain de sang alors qu’Élie égorge les infidèles de ses propres mains ! Avec les vidéos de récentes exécution de ce genre, perpétrées en appelant un Nom Sacré de la divinité, nous en dépeint toute l’atrocité : la conviction, la foi, qui bascule dans le délire et l’horreur. En quoi Dieu, ‘quel que soit son nom’, peut-il être grandi et servi par une semblable violence ?

Ça commence tôt, la compétition. Pour se rassurer d’avoir ce qu’il y a de mieux pour soi il est fréquent de dénigrer la valeur de ce que les autres ont. Dans la cours de l’école primaire de mon enfance, il n’était pas rare d’entendre l’un ou l’autre élève s’exclamer : ‘C’est pas bon ce que tu as ; le mien est bien meilleur ; ou encore, mon père est plus fort que l’tien, ou plus habile, plus fortuné, avec un plus gros char, ou une meilleure chaloupe pour la pêche, ou… Tant qu’on en reste aux mots : trop souvent ça dégénère en ‘guerre’.

Et niveau religieux, il en va souvent encore de même. Pas très édifiant. Comment peut-on en arriver là ? Et qu’est-ce que Dieu, qu’on dit Unique et Vrai, aurait à craindre, d’une pluralité de manières de parler de lui, de l’approcher ? Dieu n’est en rien ébranlé dans sa transcendance, mais les humains eux vivent la religion avec leurs névroses qui y trouvent une terre fertile pour s’y nourrir. La vie est courte : faut pas se tromper. Il doit y avoir un chemin sûr, claire, certain, garanti. L’angoisse du dévôt devant les multiples possibilités de l’existence et l’incertitude relative au cœur même de toute expérience de foi, se transforment souvent imperceptiblement, en rigorisme, en intransigeance, glissent dans le fondamentalisme, et puis parfois en croisade, le combat qualifié soi disant de « saint » dans le but de faire connaître ‘la’ vérité, de force au besoin… !

La névrose religieuse se rassure dans les certitudes ; la foi ouverte cherche le cheminement, la marche dans la confiance en vivant de la transformation et l’évolution qui apparaissent au gré du chemin. L’attitude religieuse recherche un Temple fixe, un Dieu à Sa place, qu’on peut trouver, et ressortir au besoin, à volonté… Et c’est alors que même l’Alliance la plus sacrée, gage de l’amour, de la guérison et de la libération offerte gratuitement au peuple, peut se métamorphoser dramatiquement en religion territoriale, que ce territoire soit géographique, politique, économique ou philosophique. Le plus gros, le meilleur mange le petit !!! Notez que le fanatisme religieux a beaucoup de ressemblance à l’exaltation du marché libéral qui aboutit à l’asservissement des communautés humaines qu’il dit vouloir épanouir.

Le texte de l’évangile de Luc, nous dévoile heureusement un tout autre regard sur le service authentique de Dieu. Le Temple véritable n’est localisé dans aucun lieu ni groupe. Le temple est une figure du Corps du Christ qui reçoit et intègre tous ceux et celles qui s’abandonnent avec confiance à la Vie, à Dieu. C’est par l’abandon à l’Esprit divin (que l’Esprit soit identifié nommément, consciemment ou non) que chacun/chacune fait l’expérience d’un accès à Dieu, à la plénitude de Vie : c’est ce que Jésus donne et offre gratuitement, le contact qu’il nous offre ainsi avec le Dieu créateur, en son nom. C’est le mystère merveilleux de l’inclusivité du salut. Le centurion romain, non juif et non chrétien, se tourne dans l’abandon de la confiance et il obtient réponse à sa foi dans le signe de la guérison de son serviteur, devenu un proche dont la vie est inestimable.

Nous prenons de plus en plus la mesure – avec tristesse et repentir – de la déformation de cette annonce du Christ qui a accompagné l’arrivée des populations européennes en Amérique du Nord comme du Sud. Souvent avec les meilleurs intentions du monde du moins à ce qu’il semblait à l’éclairage de la ‘conscience’ et surtout dans l’ombre de l’inconscience d’alors. Semblable au zèle d’Élie qui bascule dans les pires excès pour servir ‘la’ cause, collectivement, nous avons imposé nos valeurs et nos manières aux peuples autochtones. Et des violences multiples et continues ont été perpétrées longtemps au nom de Dieu, ou pire, en se dissimulant de façon maléfique derrière sa grandeur.

Nous avions créé un Temple fixe alors que Jésus, Christ, est le fleuve de vie. Comme l’évoque le nom poétique que les autochtones donnait au fleuve St-Laurent, Jésus est le « chemin qui marche », Emmanuel, Dieu avec nous, dorénavant, maintenant et pour toujours, là pour nous, un cadeau gratuit. Et quoi que l’on fasse et qu’on en dise, Dieu demeurera avec nous, l’Esprit ne nous lâchera jamais. Qu’on fasse partie ‘officiellement’ de sa gang – comme Élie, Salomon, le peuple de l’Alliance, les apôtres, les disciples, etc. – ou qu’on soit d’un autre groupe, ou d’aucun groupe du tout, nous sommes en Ses mains, le Dieu créateur.

En entendant ces mots, Jésus fut plein d’admiration pour lui ; il se tourna vers la foule qui le suivait et dit : « Je vous le déclare, même en Israël je n’ai pas trouvé une telle foi. 

Par pure grâce. Avec humilité et dans la bienveillance, marchons dans la réconciliation accueillons-nous ‘gracieusement’, au nom du Christ dans l’Esprit de l’unique et saint Dieu créateur. Amen.

Denis Fortin, pasteur

St-Pierre / 2e dimanche de Pentecôte « C » / 29 mai 2016

 

LECTURES BIBLIQUES

Psaume 96

1 Rois 18, 20-21.[ 22 -29]. 30-40

Luc 7, 2-10

Denis

Un commentaire

Ajouter un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *