La bénédiction : don et responsabilité

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

Une parabole des temps modernes : un jour, un propriétaire de duplex loue la moitié de sa maison à une famille avec trois enfants, dont l’appartement était devenu trop petit. La famille a accepté de faire un peu d’entretien autour de la maison en échange d’une baisse du loyer. Les locataires étaient tellement reconnaissants que le premier hiver la neige a été enlevée, le sel répandu en un temps record. Au printemps, voulant prendre aussi bien soin des plates-bandes, toute pousse qui se pointait le bout du nez a été arrachée… les mauvaises herbes comme les vivaces. Ils voulaient bien faire… mais ils n’avaient pas assez d’expérience pour distinguer entre une mauvaise herbe et une fleur. Et n’oublions pas que parfois les mauvaises herbes des uns, ce sont les fleurs des autres. Nous n’avons qu’à penser à l’évolution de l’attitude populaire envers les pissenlits.

« De peur qu’en ramassant l’ivraie vous ne déraciniez le blé avec elle, laissez l’un et l’autre croître ensemble. » Qui n’a jamais fait du tort tout en voulant faire le bien ? Qui n’a jamais jugé ou agi trop vite… ou de manière trop zélée ? La parabole de ce matin est un appel à l’humilité : souvenons-nous que notre vision du monde est toujours partielle… même notre conception du bien et du mal… même notre vision de ce qui soutient et de ce qui étouffe la vie.

Et si ce qui est vrai pour les pissenlits était aussi vrai pour d’autres espèces dans le Royaume de Dieu ? Si d’autres « mauvaises herbes » pouvaient, elles aussi, être bénéfiques à leur manière… si on les laissait croître ? L’idée n’est pas si farfelue que ça… on n’a qu’à regarder certains des « héros » de la Bible pour en trouver des exemples éloquents. Prenons Jacob par exemple.

Ce matin, nous le croisons sur la route de Harrân. Ce n’est ni l’autoroute des vacances ni un chemin de pèlerinage. Ce n’est ni un temps de sabbat ni un temps de prière. Jacob ne cherche pas Dieu. Il cherche à sauver sa peau. Après avoir dupé son frère Ésaü pour s’emparer de ses droits de fils aîné, Jacob a dupé son père pour que ce dernier lui donne la bénédiction qui revenait à Ésaü. Ésaü, furieux, se jure de tuer son frère dès que leur père mourra. Jacob part se réfugier chez son oncle, pour repartir à zéro. En chemin, le coucher du soleil le surprend et il doit s’arrêter pour la nuit. L’endroit où il s’installe n’est pas des plus accueillants. La traduction de la Bible que nous avons nous dit qu’il prit une pierre et en fit son chevet. Selon certains biblistes, une autre traduction possible serait, il prit une pierre et la mit à sa tête, c’est-à-dire qu’il plaça la pierre de façon qu’elle lui protège la tête. Mais que cette pierre ait servi d’oreiller ou de mesure de sécurité importe peu. Le message est clair : c’est loin d’être le plus chic des gîtes du coin ! Mais Dieu est là et cet endroit dangereux et si peu accueillant devient une maison de Dieu… un lieu privilégié pour une rencontre personnelle avec Dieu. La maison de Dieu, c’est notre sanctuaire… c’est-à-dire le lieu où l’on trouve un abri… un refuge. Au cœur des dangers et des défis de nos vies, Dieu est là… même si nous n’en sommes pas toujours conscients. Même si nous ne le cherchons pas activement, Dieu peut nous rattraper. Et par sa puissance qui agit en nous, Dieu peut nous bénir au-delà de tout ce que nous pouvons demander ou même imaginer (Éphésiens 3,20)… comme Dieu l’a fait pour Jacob.

Ça ne change rien que ce dernier met des conditions à sa fidélité : « Si le Seigneur me donne de quoi manger et m’habiller, si je reviens sain et sauf chez mon père, alors le Seigneur sera mon Dieu. Cette pierre que j’ai dressée et consacrée sera une maison de Dieu et je lui donnerai le dixième de ce qu’il m’accordera,” (Gen 28:20-22). Ce qui importe, c’est que de son côté, Dieu ne met pas de conditions à son amour. Dieu tient sa promesse d’être près de son peuple, de le protéger et de lui donner la vie en abondance. Dieu nous dit à nous tous et toutes, « Vois, je suis avec toi et je te garderai partout où tu iras ». Il n’y a pas de « si » rattaché aux promesses de Dieu.

Dieu agit en nous non selon nos mérites – nos attitudes et nos comportements visibles – mais selon son amour et sa grâce qui sont répandus dans nos cœurs. Dieu agit selon ce qui est au-dedans de nous.

« Seigneur tu m’as scruté et tu sais tout de moi… » Dieu sait ce qui est au-dedans de nous, ce dont nous sommes capables. Aussi, Dieu connaissait-il Jacob mieux que nous. Dieu savait d’avance qu’au fond de cet homme qui fuyait tout, se cachait la force et le courage de lutter contre Dieu et les hommes et d’en sortir grandit (Genèse 32, 23-29). Dieu savait la transformation éventuelle de Jacob en Israël. Et Dieu nous connait tous et toutes de cette manière. « Vois, je suis avec toi et je te garderai partout où tu iras. Je ne t’abandonnerai pas jusqu’à ce que j’aie accomplie ma volonté pour ta vie. »

Cette promesse est faite sans condition, mais elle confère à Jacob et à sa descendance – jusqu’à nous et à notre descendance – une responsabilité : « En toi et ta descendance seront bénies toutes les familles de la terre »

Grosse responsabilité, ça. Mais Dieu sème en nous toutes et tous le potentiel d’être une bénédiction pour d’autres…. même en ceux et celles qu’on pourrait prendre pour des « mauvaises herbes », bonnes à rien. Qui sommes-nous pour juger ? Voyons-nous au fond des êtres et des choses ? C’est Dieu qui sait tout de nous et qui purifie nos cœurs le temps venu.

Comme Joëlle le disait la semaine dernière, un bouquet de pissenlits peut être une bénédiction pour qui a les yeux et le cœur pour le recevoir. Ça c’est l’une des plus grandes leçons que j’ai tirées de mon ministère en milieu carcéral. Je rends grâce à Dieu si j’ai pu être une bénédiction pour l’un ou l’autre des détenus ou des ex-détenus que Dieu a mis sur ma route. Et je peux dire sans hésitation que j’ai été bénie en beaucoup d’entre eux. En eux, par la grâce de Dieu, je suis aujourd’hui une meilleure pasteure, une meilleure citoyenne et un meilleur être humain.

Être une bénédiction, c’est dire du bien de l’autre. C’est reconnaitre sa valeur et chercher à promouvoir son épanouissement. Être une bénédiction, c’est aller au-delà des stéréotypes et des préjugés. C’est passer des excuses à la réconciliation. C’est sourire à quelqu’un plutôt que de fuir son regard. C’est ne pas remettre à demain un courriel que nous devrions envoyer ou un téléphone que nous devrions faire. C’est nous passer de quelque chose pour que quelqu’un d’autre ait sa juste part des richesses de notre planète.

Jacob a pu devenir une bénédiction… vraiment rien n’est impossible à Dieu ! Par la grâce de Dieu et l’œuvre de l’Esprit du Christ en nous, nous sommes de la descendance de Jacob. Nous avons toutes et tous la responsabilité… et le don… de la bénédiction. Grâces soient rendues à Dieu. Amen.

LECTURES BIBLIQUES

Genèse 28, 10-22

Matthieu 13, 24-30

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