JESUS : UN ROI ACCLAME

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JESUS : UN ROI ACCLAME, CHARGE COMME UNE BETE DE SOMME

DIMANCHE DES RAMEAUX : 13 AVRIL 2014

 

Introduction au Texte biblique.

Prédication dialoguée des pasteurs Pierre Blanzat et Samuel V. Dansokho.

Avant d’entrer proprement dit dans la méditation et de regarder de plus près l’évangile des Rameaux … je vous invite à scruter un instant … la foule qui est comme un personnage singulier dans ce récit…

Une foule…

Une foule, ça grouille, ça déborde, ça déborde de sentiments (même des bons).

Une foule… Ça peut acclamer n’importe quels dieux :

-Les dieux du stade ou des arènes, ceux du succès, ceux de la finance et da le politique, ceux du show-business … ça peut invoquer le ciel, implorer la terre.

Une foule…

Une foule exprime ce qu’elle ressent…

Vu de l’extérieur, elle inquiète, mais à l’intérieur…on se fond dans la masse, on vibre et on se sent exister ! « Tous ensemble », disent ces supporters : ressentir la même chose … pas penser ni agir, seulement « ressentir »…

Une foule, loin d’être une communauté, ne crée pas de liens entre les individus, mais de la sensation « unifiante » de l’événement…

Et on s’y connaît en sensation : plus elle est forte, plus elle est vraie et meilleur c’est…Alors on en redemande…

En politique comme en religion, il faut du spectacle, du consensuel, un truc à applaudir…on processionne, on pèlerine…en masses, en troupeaux, on acclame…et quelques fois, sans prévenir, une question surgit :

Pourquoi fait-on tout ça ?

Mon roi, mon dieu à moi, qui est-ce ?

Ma famille ? Mon travail ? Ma conscience peut-être ou bien mon bonheur ?

Aujourd’hui à Jérusalem, le Roi c’est Jésus.

Nous y sommes.

Et une même émotion nous soulève : cet homme, envoyé par Dieu, peut changer les choses.

C’est comme une montée d’adrénaline, pas une simple spirale de joie non, plus que ça, une excitation, une sensation.

Ecoutez plutôt Matthieu raconter l’événement, chapitre 21, versets 1 à 11 :

Lorsqu’ils approchèrent de Jérusalem et arrivèrent près de Bethphagé, au mont des Oliviers, alors Jésus envoya deux disciples en leur disant : « Allez au village qui est devant vous ; vous trouverez aussitôt une ânesse attachée et un ânon avec elle ; détachez-la et amenez-les-moi. Et si quelqu’un vous dit quelque chose, vous répondrez : « Le Seigneur en a besoin », et il les laissera aller tout de suite. »
Cela est arrivé pour que s’accomplisse ce qu’a dit le prophète : «Dites à la fille de Sion : Voici que ton roi vient à toi, humble et monté sur une ânesse et sur un ânon, le petit d’une bête de somme. »
Les disciples s’en allèrent et, comme Jésus le leur avait prescrit, ils amenèrent l’ânesse et l’ânon ; puis ils disposèrent sur eux leurs vêtements, et Jésus s’assit dessus. Le peuple, en foule, étendit ses vêtements sur la route ; certains coupaient des branches aux arbres et en jonchaient la route.
Les foules qui marchaient devant lui et celles qui le suivaient, criaient : « Hosanna au Fils de David ! Béni soit au nom du Seigneur Celui qui vient ! Hosanna au plus haut des cieux ! ».

Quand Jésus entra dans Jérusalem, toute la ville fut en émoi : « Qui est-ce ? » disait-on ; et les foules répondaient : « C’est le prophète Jésus, de Nazareth en Galilée. »

Prédication : Jésus est acclamé comme un roi, mais chargé comme une bête de somme.

En passant la porte de Jérusalem on lui a fait endosser toute l’histoire qui s’est déroulée avant et encore avant lui.

Des siècles qu’Israël a perdu son indépendance.

Mais le moment est venu de rétablir ce royaume. Jésus en sera le roi.

La ville en tremble d’émotion.

A quelques jours de la Pâque, elle accueille l’événement comme la manifestation éclatante de sa prochaine victoire…

Alors, il faut agir, organiser la cérémonie d’investiture…c’est un roi que diable !

Une star…régionale, certes, mais plus pour longtemps puisqu’il vient conquérir la capitale, en découdre avec les autorités politiques et religieuses.

Le dernier acte va se jouer ici, c’est évident.

Ici, Jésus montre de l’ambition : entrer dans Jérusalem pour en finir avec l’occupation romaine! Ici, Jésus s’impose pour son peuple ! Allons enfants … Le jour de gloire est arrivé, diraient les Français … La vérité, celle avec un grand V, est manifestée aux yeux de tous. Plus de doutes, plus d’inquiétudes à avoir, c’est évident.

Mais l’évidence ne fait pas forcément bon ménage avec la foi.

Et il n’y a rien d’évident dans cette fête.

Dites-moi… Comment peut-on prendre cet homme pour un sauveur ?

Comment une telle entrée peut-elle laisser espérer un salut?

Le malentendu est si grand…

Ils attendent un libérateur politique, ils n’ont qu’un roi sans arme qui vient mourir comme un esclave.

Bien sûr que les foules ne s’en doutent pas encore !

A cet instant, elles veulent juste « y croire ».

Après des siècles d’attente, leur foi goûte enfin à la certitude et à la démonstration magistrale. Et comme on comprend qu’elles attendent cet instant !

Notre foi supporte si mal le temps qui passe…les doutes, les interrogations…les épreuves qui l’affaiblissent chaque fois un peu plus…les joies, même, qui finissent par l’oublier tout à fait.

Il y a des jours de Rameaux dans ma vie, Seigneur, où j’aimerais moi aussi, plus d’évidences, des choses qui se voient et des sensations fortes. Plus de conviction et moins d’interrogation.

Parce que tant de choses autour de moi me disent de ne pas croire.

Tout ce que je vois, ce que j’entends me pousse à renoncer à l’espoir.

Je n’ai plus la force de croire « malgré tout », je voudrais une foi qui aille de soi… Je voudrais me perdre dans la foule, t’acclamer.

On me demanderait : qui est-ce ?

Je répondrai, comme une évidence : – c’est Jésus ! le roi ! …C’est Dieu qui nous l’envoie…vous voyez bien qu’il existe…admirez-le !

Oh comme j’aimerais, Seigneur, une fête des Rameaux qui soit un triomphe.

Mais de toi, tu ne donnes à voir qu’un homme qui avance vers sa mort.

Il n’a ni royaume, ni pouvoir, ni autorité, même sa monture ne lui appartient pas : il n’a rien. Il est entouré par des collabos, des païens, des traitres, des prostituées et des malades…pas un pour relever l’autre.

Ce que tu donnes à voir, Seigneur, ça n’impressionne personne, ça n’éblouit pas, c’est si faible que quand on me demande :

Mais qui est-ce ?

Souvent…Je ne sais pas quoi répondre.

Au jour de Rameaux, aucune réponse, pas de preuve, juste une question qui revient, encore: « Qui est cet homme ? ».

Jésus sait, par avance, ce qu’il y a à faire. Il organise son entrée à Jérusalem et puis il se tait. Plus personne n’entend sa voix. Il y a tant de bruit dans cette ville.

La foule fait elle-même même les questions et les réponses: « Qui est-ce ? », « C’est le prophète Jésus ! ». Elle tourne en boucle, enfermée sur elle-même.

Jésus, lui, traverse l’événement comme « à distance »…ne semble réagir à rien, puisqu’il ne répond pas aux cris, ne fait aucun commentaire.

Et pourtant, dans quelques jours seulement…ces mêmes vêtements qu’on déroule comme un tapis sous ses pas, serviront à l’humilier…ces rameaux à le fouetter…le cri de ralliement ne sera plus « Hosanna » mais « Crucifie-le ! ».

…Ce « roi » sera… « le roi des Juifs », celui qu’on cloue sur deux planches de bois… De tous ces partisans, pas un seul ne restera, l’un se pendra, l’autre reniera, tous quitteront la ville. Le sait-il déjà ?

Sait-il que de la foule aux mille bouches peut sortir la vie comme la mort ?

Pas un dans cette foule ne comprend ce qui se passe et pourtant, Jésus ne dit rien, il ne juge pas, il prend sur lui, charge un peu plus sa monture…et continue le chemin, parce que ce que nous disons de lui ne change rien à ce qu’il est.

Ce n’est pas la piété et l’acclamation des hommes qui fait de Jésus un roi,

ce n’est pas ce qui vient de nous qui fait de lui un sauveur.

Jésus vient, en roi, ton roi. Pas un parmi d’autres, le mien, le tien, le nôtre.

Il y a tellement d’autres rois qui s’imposent dans notre vie:

notre passé

nos rêves

nos plaisirs.

Ce sont si souvent eux qui nous dominent… 

On se trouve à plier le genou devant le pouvoir, la reconnaissance, l’idéal.

Car le roi préféré, adulé, c’est…ce que je veux, ce que je ressens, mon tout et surtout mon moi, voilà le tyran qui, en dernier ressort, juge et dirige ma vie.

Lui, a su s’imposer.

Et pendant que je m’agite pour le satisfaire, Jésus, lui, se tait, impose son silence.

Il y a des jours des Rameaux dans ma vie, Seigneur, où je suis atigué de tourner en boucle.

J’aimerais t’entendre, toi.

Parce que je suis lassé des discours rabâchés, des paroles officielles, fatigué du bruit des autorités, des religieux, lassé de me soumettre à mes peurs et à mes espérances, de chercher du bonheur à tout prix.

Je voudrais vivre d’autre chose, me mettre à l’écoute d’une parole qui ne serait pas moi.

Au jour de Rameaux, celui qui est la Parole de Dieu, se tait.

Celui qui est la parole de Dieu entre en souffrance, en Passion.

Etouffée par nos bruits et nos bavardages.

Au jour des Rameaux, aucun enseignement, pas de discours, juste le silence de Dieu pour découvrir le repos, pour lâcher prise et faire confiance.

Jérusalem tremble d’émotion, déchirée entre plusieurs camps, déjà…

C’est le lieu des violences, des jeux de pouvoir. Ce lieu, je le connais bien, c’est si humain !

Pour ma sécurité, j’y dresse des murs. La règle est simple : être le plus fort, sinon on perd, on peut même en mourir. Ce jeu-là, ne connaît pas de crise : nous y jouons tous.

On aimerait se croire imprenable…mais tôt ou tard, on est pris.

Par l’angoisse, l’absurdité…Ce qu’on tenait pour acquis s’effondre, du jour au lendemain. Et c’est la panique. Rien pour se raccrocher.

On a beau s’inventer des choses « à faire » – du religieux, du rituel – prendre le large – en bateau, fuir en distraction ou en drogue, en alcool -s’épuiser dans le travail, s’enfoncer dans le cynisme…on se sent attaqué, diminué.

« Que peut-on y faire ? » disait-on…

Rien. Il n’y a rien à faire. Ce matin, Jérusalem tombe mais Jérusalem est visitée.

Toute ville, toute vie est appelée à recevoir cette visite.

Parce que la venue de Dieu ne dépend pas de la justesse de nos cris.

Ce n’est pas au nom de notre souffrance, si grande soit-elle, qu’il vient…

Il vient « au nom du Seigneur ». Obstinément, résolument, « au nom du Seigneur », il vient.

Il ne fait rien de spectaculaire : il vient, c’est tout.

C’est une personne qui s’approche d’une autre personne, c’est une rencontre, un face-à-face.

Personne ne nous oblige à l’attendre d’ailleurs, ni à l’accueillir, pas même lui… mais rien ne l’empêchera de venir.

Je peux me mettre à genoux, jeter au sol les plus belles branches, mais rien ne changera le rythme de sa monture.

Ça fait tellement longtemps qu’il a pris la route pour cette rencontre, bien avant qu’on ne le sache.

Il y a des jours des Rameaux dans ma vie, Seigneur, où j’aime l’illusion d’être un dieu qui peut, qui veut et qui fait.

J’aime jouer à ce jeu-là et je n’ai pas besoin de toi pour vivre ainsi.

Que peut-on y faire ?

Je connais aussi ces jours de Rameaux, Seigneur, où tout s’effondre et je me découvre humain, fragile, mortel.

Et de mes ruines, tout seul, je t’appelle, je t’attends.

Que dois-je faire pour que tu viennes ?

Jésus traverse les foules, les obstacles, les contradictions, tout.

Ce n’est pas un dieu immobile devant qui on se prosterne. Jésus est tout sauf immobile.…c’est Jésus, le Christ, « Celui qui vient »…il ouvre la voie, indique le but enfin ultime, enfin apaisant, de notre marche sur la terre. Il ouvre une histoire nouvelle, une liberté nouvelle.

Qui est-ce ? demande-t-on…Il n’y a qu’un moyen de le savoir…c’est de le laisser venir…de lui abandonner son domaine…et dans le face-à-face qui m’est promis, je saurai qui je suis et dans son silence, je puiserai de quoi vivre à nouveau…

Ce matin, dans toutes les églises nous sommes rassemblées comme ces foules…et nous pouvons célébrer ce matin notre roi, même mal, peut-être de manière ambigüe.

Aujourd’hui, l’acclamer, demain, le trahir. Parce que chaque jour peut être un jour des Rameaux. Mais de là où je suis, dans l’excitation ou la perplexité, c’est de là je crie, là où je suis emmuré, comme mort, c’est là qu’il vient…

ça n’a rien d’une évidence, mais c’est une promesse.

Pour toi comme pour moi, à chaque jour des Rameaux, il y a déjà la promesse de Pâques. Amen

Que ceux et celles qui ont des oreilles pour entendre, écoutent. Amen !

 

 

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