J’étais en prison et vous êtes venus jusqu’à moi !

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

Bonjour à vous chers frères et sœurs,

C’est vraiment un plaisir d’être avec vous ce matin. Comme m’a gentiment présenté Jean-Philippe, je suis le nouveau coordonnateur de l’Aumônerie communautaire de Québec et aumônier communautaire. Mon ministère consiste à m’occuper, avec mon collègue catholique Stéphane Bouchard, des besoins psychospirituels des prisonniers qui finissent leur mandat fédéral dans la communauté. Nous allons dans les maisons de transition de la Capitale-Nationale pour rencontrer d’ex-prisonniers et les écouter parler de leurs difficultés, les soutenir dans des démarches administrateurs ou les aider à se trouver un logement, par exemple.

Nous nous occupons aussi parfois d’anciens prisonniers incarcérés au provincial, des gens qui ont donc commis des crimes moins graves et qui ont été moins longtemps en prison.

Quand la révérende Darla m’a invité à prêcher aujourd’hui, j’ai accepté, reconnaissant de pouvoir m’adresser à vous. Quand j’ai lu l’évangile du jour, j’ai rendu grâce à Dieu. Ouf, merci Seigneur pour ce morceau d’Évangile aussi facile! Tout est là : « […] j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi ! » (Mt 25,35-36)

Répéter « […] j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi ! »

Du pain béni pour un aumônier. Puis, me souvenant que le diable est parfois dans les détails, je me suis mis à réfléchir deux secondes. C’est trop facile, on dirait presque un livre de recettes pour aller au paradis. Tout ce qu’on à faire, pour notre salut est là, étalé devant nous. Augustin nous met en garde contre une interprétation trop facile du sermon sur la Montagne, et je cite : « […] l’homme cependant ne place pas là son but final, mais rapporte tout à Dieu et ne cherche dans l’approbation des hommes que la gloire de Dieu. » (Saint Augustin, commentaire du sermon sur la Montagne 7, 18)

Bien avant lui, Paul nous avait aussi mis en garde contre la tentation de trouver son salut dans les œuvres. Toujours dans Éphésiens, au chapitre 2, versets 8 et 9, il écrit : « C’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, et par le moyen de la foi. Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Cela ne vient pas des actes : personne ne peut en tirer orgueil. » (Ep 2, 8-9)

Et pourtant, l’apôtre Jacques, frère du Seigneur écrit dans son épître : « [L]a foi sans les œuvres est morte. » (Jc 2, 26). Ça semble aller dans le sens de l’Évangile du jour, non? Chaque fois que vous accueillez plus petit que vous, quand vous prenez soin de quelqu’un qui souffre, c’est au Christ que vous le faites. Jésus va plus loin, il y a une condamnation de l’inaction : « Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : “Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges. Car j’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’avais soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ; j’étais un étranger, et vous ne m’avez pas accueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas habillé ; j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité. […] chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait. »

Alors, qu’est-ce qu’on fait ? Selon l’Évangile, on ne peut pas ignorer la souffrance, rester inactif face à l’exclusion, la pauvreté, les gens emprisonnés. Mais il ne faut pas non plus croire que c’est par nos bonnes actions que nous allons « gagner notre ciel » comme on disait jadis. Nos bonnes œuvres, c’est pour la gloire de Dieu que nous les faisons.

Toujours dans l’Évangile de Mathieu, au chapitre 6, cette fois il est écrit : « Mais toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite. » (Mt 6,3)

Si je suis ici ce matin, c’est que j’ai besoin d’ouvriers pour la vigne. Je suis venu vous demander de vous impliquer auprès de l’aumônerie communautaire. Et, je ne vous le cacherai pas, c’est difficile de trouver de l’aide pour des gens qui ont été condamnés pour avoir commis des actes parmi les plus odieux, les plus barbares : meurtres, vols, viols, incestes.

Et pourtant, chers frères et sœurs, je vous l’affirme, les bénéficiaires de l’Aumônerie communautaire de Québec sont aussi des êtres humains qui, comme vous et moi, souffrent, ont besoin de services, d’être écoutés et accompagnés. Pour paraphraser Shakespeare : « Si vous les piquez, ne saignent-ils pas ? Si vous les chatouillez, ne rient-ils pas ? »

Le Seigneur affirme aussi, toujours dans l’Évangile selon Mathieu : « […] si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? » (Mt 5,46-47)

Nous avons besoin de bénévoles pour toutes sortes de tâches : nous accompagner dans certaines activités, participer à ou animer des cercles de la parole, aider lors de nos cafés communautaires, etc. D’ailleurs, ces derniers ne sont pas spécifiquement à destination des personnes judiciarisées, je pourrai vous en parler après le service.

Ce que je vous demande ce matin, ce n’est pas de vous engager mais, pour reprendre les mots de la lecture de Paul, d’ouvrir : « […] les yeux de votre cœur, pour que vous sachiez quelle espérance vous ouvre son appel. » (Ep 1,18)

Le prophète Ézéchiel nous rappelle que nous avons le jugement — la condamnation — facile : « vous avez bousculé du flanc et de l’épaule toutes celles qui étaient malades, vous leur avez donné des coups de corne jusqu’à les disperser hors du pâturage. » (Ez 34,21).

Oui, mes frères et sœurs, la condamnation facile ! Je vous l’affirme, nous avons trop souvent tendance à croire que les bonnes choses qui nous arrivent sont de notre propre chef, alors que les mauvaises choses qui nous arrivent sont hors de notre contrôle. Le positif, c’est parce que nous avons été vaillants, le négatif, ce n’est pas de notre faute, c’est celle de l’autre, de l’Adversaire.

Or, le prophète n’affirme-t-il pas que : c’est Dieu lui-même, « qui fer[a] paître [s]on troupeau » et qu’il : « le fer[a] reposer » (Ez, 34,155). Plus loin, Dieu n’affirme-t-il pas par la bouche d’Ézékiel : « La brebis perdue, je la chercherai ; l’égarée, je la ramènerai. Celle qui est blessée, je la panserai. Celle qui est malade, je lui rendrai des forces. »

On peut voir le crime, le criminel, comme un être dénaturé, une personne incapable de rédemption. Nous pouvons avoir une vision punitive de la justice. Nous, à l’Aumônerie communautaire de Québec, croyons fermement à la réinsertion sociale, au potentiel de responsabilisation de chacun et de chacune d’entre ces personnes. Nous croyons que ces gens sont capables de rédemption.

L’Église d’aujourd’hui, avec un « E » majuscule, c’est le peuple de Dieu. L’Israël dispersé, que le grand Pasteur, avec un grand « P », doit réunir, ce ne sont plus les douze tribus, comme au temps du prophète, c’est chacun et chacune d’entre nous, divisés sur des questions aussi fondamentales que la solidarité entre les individus, peu importe leur passé, leur religion, leur sexe assigné à la naissance, l’endroit où ils sont nés, etc.

Nous faisons déjà partie de la Jérusalem céleste, agissons donc comme tel par des actes de bonté, de générosité et d’amour envers les plus vulnérables parmi les plus vulnérables, ceux que la cité a jeté en périphérie, en dehors des murs de la ville.

Car Dieu : « […] fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes. » (Mt 5,45)

Et je vous le dis, ne soyons pas trop prompts à croire que ce soit nous les justes dont il est ici fait mention. Personne ne naît comme criminel. Mais ceux qui décident de faire le choix de l’exclusion et de l’indifférence : « Quel malheur pour vous lorsque tous les hommes disent du bien de vous! C’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les faux prophètes. » (Lc 6,26)

J’en reviens à ce que je disais plus haut : la foi sans les œuvres est morte. Ces œuvres, nous ne les faisons pas en notre nom propre, ou en celui de notre Église, de notre chapelle, mais nous les faisons par imitation de celle de Jésus Christ, humblement, comme : « [la] pauvre veuve [qui] a mis dans le Trésor plus que tous les autres. »  (Mc 12,43)

Le sermon sur la montagne donc, si ce n’est pas une recette, c’est une checklist de ce que nous devons suivre non pas pour nous assurer une place au ciel, pour savoir de quelle manière mettre en œuvre notre foi. Cette foi qui nous sauve.

Pour terminer, nous ne savons pas avec certitude qui est déjà au ciel. En fait, si, nous le savons pour au moins une personne : un criminel, un condamné à mort, le bon larron à qui Jésus affirme : « Je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » (Lc 23,43)

Amen.

LECTURES BIBLIQUES

Éphésiens 1, 15-23

Ézéchiel 34, 11-24

Matthieu 25, 31-46

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