Halte au Casse-Croûte de l’oasis à Mamré

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Et oui… même si la température des dernières semaines fait plutôt penser à l’automne… c’est bientôt l’été… le temps des vacances… des voyages qui nous permettent de changer d’air… de voir du pays… d’élargir nos horizons… de nous renouveler.

Chez nous, on a déjà commencé à penser à notre voyage en Gaspésie à La Maison Maguire où notre fille passera deux semaines pour la première fois depuis 4 ans (pandémie oblige). Au fil des ans, ce road trip est devenu pour nous un véritable pèlerinage. On a nos habitudes, nos traditions et nos haltes incontournables. Avez-vous des endroits où vous retournez année après année ? Des endroits qui, pour vous, évoquent de beaux moments passés avec du bon monde ?  L’un des musts pour nous, c’est un arrêt à la Fromagerie des Basques à Trois-Pistoles. Je vous la recommande fortement. Tous les produits sont excellents. Et pour moi, leur fromage en grains frais du jour – le fromage qui fait kwik kwik– a quelque chose de très symbolique. Quand j’étais jeune, c’était seulement au Québec que je pouvais manger du fromage en grains. Il n’y en avait pas en Colombie-Britannique. Pour moi, manger du fromage en grains à Trois-Pistoles en route pour la Gaspésie, a quelque chose d’identitaire. Cela évoque quelque chose de la femme que je suis devenue. La vancouveroise est devenue québécoise.

Il y a d’autres endroits qui évoquent d’autres facettes de mon… de notre… identité comme hommes et femmes de Dieu. Il y a, par exemple, celui qu’on trouve non pas dans le Guide Michelin, mais dans le livre de la Genèse… Le Casse-Croûte de l’oasis à Mamré, exploité par Abraham et Sarah Deschênes. Vous le connaissez ? Galettes, veau gras, lait caillé… ou si vous préférez : pain ménage, méchoui… et fromage en grains… Miam !

L’accueil est plus que chaleureux. Ainsi, alors trois étrangers s’y pointent à l’heure la plus chaude de la journée – habituellement l’heure de la sieste – voici qu’Abraham se précipite à leur rencontre. Fait d’autant plus remarquable qu’Abraham a 99 ans et lui et tous les mâles de sa maison viennent tout juste de se faire circoncire (Genèse 17, 22-23) en signe de l’alliance avec Dieu, signe que la relation d’intimité avec Dieu aura préséance sur tout autre relation.  Il fait chaud, Abraham est vieux et il est en convalescence… et il se précipite pour accueillir trois hôtes et s’incline jusqu’à terre… non pas de douleur… comme on aurait pu l’imaginer. C’est un geste d’adoration. Même de loin, Abraham discerne la présence du Dieu unique en ces trois étrangers. Il va s’adresser à l’un deux en l’appelant « Seigneur ».

Pour qui a les yeux pour le voir, Dieu se présente à nous sous différentes formes au hasard de nos rencontres. Que Dieu nous accorde d’actualiser le discernement qui fait partie de notre ADN en tant qu’enfants de Dieu, descendantes et descendants d’Abraham et de Sarah.

Abraham s’adresse à l’un de ces hôtes : « Je t’en prie, fais-moi la faveur de t’arrêter chez moi, ton serviteur. 4On va apporter un peu d’eau pour vous laver les pieds et vous vous reposerez sous cet arbre. 5Je vous servirai quelque chose à manger pour que vous repreniez des forces, puis vous continuerez votre chemin. Ainsi vous ne serez pas passés pour rien près de chez moi. »

J’aime beaucoup la Nouvelle traduction en français courant. « Fais-moi la faveur de t’arrêter chez moi ». En français, le mot « hôte » peut évoquer à la fois la personne qui reçoit et celle qui est reçue. Accueillir ou être accueilli… c’est une grâce, une faveur, une bénédiction. « Ainsi, vous ne serez pas pour rien près de chez moi. » Abraham espère être utile. Servir… ça donne un sens à la vie. Et au Casse-croute de l’oasis tenu par Abraham et Sarah Deschênes, on voit le bien : il n’y a ni âge, ni condition physique pour être utile, pour servir.

« À quoi est-ce que Dieu m’appelle ? Est-ce que je sers vraiment le Seigneur ? Est-ce que ma vie est utile, sert à quelque chose ? » Ce sont des questions que je me pose. Ce sont des questions que j’attends souvent. On a souvent de la difficulté à y voir clair.

Encore une fois, au Casse-Croute de l’oasis à Mamré, on voit bien que ce qui importe ce sont les relations. La bouffe a beau être bonne, c’est toujours un prétexte. Ce qui importe ce sont les relations de mutualité de réciprocité qui se tissent dans la rencontre… et dans le temps.

Abraham a beau se précipiter pour aller à la rencontre de ses hôtes, faire des galettes de trois mesures (20 litres) de fine farine et préparer un veau tendre et gras… ça prend du temps !

« C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante » dit un jour le renard au petit prince » C’est le temps que nous perdons les uns, les unes pour les autres qui est source de bénédictions réciproques. Accorder du temps, c’est dire à quelqu’un « Tu as du prix à mes yeux, tu as de la valeur pour moi, tu vaux le détour. » Si je suis devenue la québécoise que je suis aujourd’hui c’est parce qu’il y a trente un, un prof de français restait des heures et des heures après l’école, après que tous les autres enseignants étaient déjà partis parce qu’il se savait la seule francophone avec qui on pouvait pratiquer notre français. Il nous a appris sa langue, sa musique, sa culture mais le temps qu’il nous accordait nous signalait que nous étions importants pour lui, que ce que vivait ses élèves comptait vraiment pour lui. Ça change pas le monde… mais ça peut changer des vies.

C’est ce message que Jésus a incarné. Il avait du temps pour des gens qui, aux yeux de certains, ne valaient pas le détour, des personnes qui n’avaient pas de valeur aux yeux de la société : les malades, les infirmes, les gens aux prises avec toutes sortes de démons. Jésus avait du temps pour eux. Jésus savait les accueillir avec générosité et bienveillance de sorte que la rencontre soit bénédiction et source de vie. Jésus a envoyé les disciples prendre soin des autres, non pas remplir les temples du monde entier mais pour bénir toutes les familles de la terre.

Bénir, c’est dire du bien, envoyer un message qui fait du bien, un message porteur de vie. Bénir, c’est dire, « Tu vaux le détour. Tu as de la valeur à mes yeux. » Il n’y a ni âge, ni condition physique pour être une bénédiction pour les autres. Et c’est ce que Dieu nous appelle à être : une bénédiction incarnée les uns, les unes pour les autres. C’est la promesse que Dieu a fait à Abraham et à sa descendance : « À travers toi, toutes les familles de la terre seront bénies. » (Genèse 12, 3) En prenant le temps d’accueillir ses trois hôtes dans l’abondance et la générosité, Abraham est béni en retour. La rencontre est pleine de sens et porteuse de vie. C’est le temps que nous accordons aux autres qui, par la grâce de Dieu, devient source de bénédictions mutuelles. Dans un monde qui va très vite, trop vite, où les personnes sont réduites à des indicateur de performance, prendre le temps de dire as quelqu’un : « Tu as du prix à mes yeux », c’est radical, c’est contre-culture, ça déclare haut et fort qu’un autre monde est possible. Sur le coup, ça change peut-être pas le monde. Mais ça peut changer des vies.

Un ami très cher est venu passé la fin de semaine à Québec. C’était une fin de semaine assez chargée pour moi. Mais je voulais prendre du temps avec cet ami parce qu’il a du prix à mes yeux. Et le fait que lui – qui a beaucoup de gens à voir quand il vient à Québec – m’accorde du temps, me dit que, moi aussi, je compte pour lui. Nous avons pris quelques heures ensemble vendredi. Ce fut une vraie bénédiction. Et, par la grâce de Dieu, j’ai quand même réussi à finir mes préparatifs pour le culte ! C’est le temps que nous accordons aux autres qui, par la grâce de Dieu, devient source de bénédictions mutuelles.

Et la vraie bonne nouvelle dans toute cette histoire, c’est que c’est Dieu qui initie la rencontre. C’est le Seigneur qui vient à la rencontre d’Abraham dans son quotidien, dans sa vie de vieillard en convalescence à l’heure la plus chaude, la plus inconfortable de la journée. À travers cette rencontre, Abraham a la confirmation qu’il a, tel qu’il est, la faveur de Dieu, qu’il a du prix aux yeux du Seigneur, que sa vie est utile, qu’il n’est pas trop tard pour qu’il soit une bénédiction, comme le Seigneur le lui a promis.

Et c’est le Seigneur d’Abraham et de Jésus qui prend l’initiative de venir à notre rencontre dans notre quotidien. Mes frères et sœurs, nous qui avons fait halte ce matin au Casse-Croute de l’oasis à Mamré, soyons-en assurés. Qui que nous soyons, peu importe l’étape de vie où nous sommes rendus, nous avons du prix aux yeux de Dieu. Nous valons toutes et tous le détour. Par la grâce de Dieu, à travers nous et l’ensemble des descendantes et descendants d’Abraham, que toutes les familles de la terre soient bénies. Amen.

 

LECTURES BIBLIQUES

Genèse 18, 1-14 et 21,1

Matthieu 9, 35-10,1

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