Découvrir Dieu en tâtonnant

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

Gérald - plus petitL’été dernier, dans la salle d’attente d’un garage, pendant qu’un mécanicien effectuait un entretien sur mon auto, j’ai lu un article qui était le témoignage d’une personne sur sa recherche spirituelle. Peut-être que vous allez vous dire : « Oh! comme notre pasteur est sérieux! Il lit des revues de spiritualité pendant qu’il fait réparer son char! » Si vous pensez ça, vous n’y êtes pas du tout!

Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Afin de l’apprécier pleinement, il est préférable de lire, au préalable, les textes bibliques dans la version TOB, accessibles via le site http://lire.la-bible.net/.

 

Ce n’est pas dans une revue de spiritualité que j’ai lu ce témoignage, mais dans Le Journal de Québec qui était là, sur une table, et que j’ai pris en attendant, et sans m’attendre à y trouver quoi que ce soit de spirituel. L’auteur n’était ni un pasteur, ni un religieux, ni même un croyant affirmé. D’ailleurs, par les temps qui courent, les pasteurs, les religieux ou les croyants affirmés sont bien les dernières personnes que les éditeurs de journaux voudraient voir écrire dans leurs pages, sauf en de rares occasions, comme en septembre, dans L’Oie blanche.

Non, l’auteur du témoignage sur sa soif spirituelle n’était ni un pasteur, ni un religieux, pas même une chrétienne ou un chrétien affirmé. Le témoignage venait d’un chroniqueur régulier du journal, sociologue de son métier, comme je l’ai été pendant une trentaine d’années avant d’être pasteur. C’est le mot « prier », premier mot du titre de sa chronique, « Prier à Santorini», qui m’a intrigué et m’a incité à la lire.1 Santorini est une île de Grèce où l’auteur était en voyage touristique.

Comme je ne voulais quand même pas partir du garage avec le journal, je l’ai acheté au premier dépanneur sur le chemin de mon retour à la maison. Je voulais le conserver pour vous en parler, tellement je trouvais que cet article nous disait quelque chose de vrai sur la recherche spirituelle telle qu’elle se présente aujourd’hui. Dans cette même Grèce où l’auteur s’était promené en touriste , Paul avait dit un jour aux philosophes d’Athènes ce que nous venons de lire: « Le Dieu qui a créé l’univers…a créé tous les peuples pour habiter toute la surface de la terre, il a défini des temps fixés et tracé les limites de l’habitat des hommes : c’était pour qu’ils cherchent Dieu; peut-être pourraient-ils le découvrir en tâtonnant, lui qui, en réalité, n’est pas loin de chacun de nous. » (Ac 17, 24-27). La chronique qui a été publiée dans Le journal de Québec, le mardi 28 juillet dernier, sous le titre « Prier à Santorini », nous raconte ce que peut vouloir dire aujourd’hui découvrir peut-être Dieu « en tâtonnant, lui qui, en réalité, n’est pas loin de chacun de nous. »

Je laisse la parole à son auteur, le sociologue Mathieu Bock-Côté. Voici ce qu’il nous raconte :

« Évidemment, partout en Grèce, il y a des églises et des monastères orthodoxes, on les visite avec plaisir, mais comme un étranger de passage, avec un regard extérieur. Mais en marchant…, j’ai vu au loin un crucifix qui m’a presque happé. Je m’y suis dirigé. Au bout d’une dizaine de minutes, j’y étais. C’était la cathédrale catholique, vouée à Saint-Jean-Baptiste. J’y suis entré, un peu gêné, comme chaque fois que j’entre dans une église, car j’ai beau penser le plus grand bien du christianisme, je ne suis pas de ceux qu’on peut classer parmi les croyants. Je m’y sens comme un imposteur. Pourtant, quand je vois la croix, je me sens apaisé, presque chez moi. Ça me semblait quand même une petite église. J’ai attendu qu’elle se vide, puis je me suis agenouillé, non pas fiévreusement, mais avec hésitation. J’ai bien essayé de dire une prière, mais je n’en connais aucune, sinon le Notre Père, que j’ai péniblement marmonné. Je ne sais pas trop pourquoi, d’ailleurs, sinon que j’avais l’impression que c’était la seule chose à faire.

Cela m’a rappelé une autre fois où je m’étais aussi recueilli devant une grande croix, au sommet d’une butte dans une région québécoise, sans trop comprendre ce que je faisais. J’ai vite voulu me relever. Une part de moi me traitait de farceur. Mais une autre avait l’impression de vivre un moment particulier, comme si je me recueillais devant la part mystérieuse de l’existence, que certains appellent Dieu.

À Montréal, je ne vais pas à la messe. J’ai déjà essayé, mais j’avais l’impression de jouer la comédie, de me mentir à moi-même, de feindre une crise mystique. Il y a quand même des limites à faire semblant d’entendre un appel qu’on n’entend pas. Mais j’aimerais croire. Surtout, j’ai une forme de tendresse pour un monde que je n’ai pas connu, qui me semble moins détestable qu’on nous l’a répété depuis quelques décennies.

Je ne parle pas des bondieuseries ni du pouvoir des curés qui mettaient au ban de la société ceux qui ne suivaient pas leurs consignes. Mais du respect pour la religion de nos pères et de ses rites qui ponctuaient l’existence et donnaient à l’homme un peu de paix intérieure. (…) Il y a au fond du christianisme une lumière splendide.

On moque aujourd’hui la conscience religieuse, on veut y voir une trace d’une humanité infantile, se payant d’illusions pour ne pas affronter sa mortalité. Pourtant, chaque église témoigne de la grande quête spirituelle de l’humanité. On les trouve même dans les lieux les plus improbables, au sommet des montagnes ou au fin fond d’une île volcanique. Mieux vaut s’y recueillir, même si on ne sait pas devant quoi. »

Voilà ce qu’avait à nous dire le sociologue Mathieu Bock-Côté dans sa chronique du Journal de Québec du 28 juillet dernier. Il y a là un témoignage étonnant et courageux pour un homme qui évolue dans un milieu de Montréal où il côtoie beaucoup de grosses têtes capables de lever le nez sur un tel aveu de soif spirituelle. Comme le dit si bien l’évangile de Jean, « le vent souffle où il veut, et tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. » (Jn 3, 8). Ce témoignage est inspiré dans la mesure où il nous donne l’heure juste sur la manière dont la grâce éveille la recherche spirituelle chez plusieurs membres de la génération adulte d’aujourd’hui.

Je pourrais citer plusieurs autres témoignages qui pointent dans la même direction, à commencer par ce qui s’est produit dans le stationnement de cette église-ci, le dimanche de septembre où nous fêtions le cent dixième anniversaire de son inauguration. J’y fais allusion dans l’article que j’ai écrit pour le dernier numéro de La Parpaille. J’y parle d’une personne qui se sentait attirée par notre église, comme l’auteur de la chronique du Journal de Québec par l’église de Santorini, mais qui ne se sentait pas à l’aise d’entrer avec nous pour le culte. Pendant que celui-ci se déroulait, un membre de Saint-Pierre a parlé avec cette personne dans le stationnement, pendant quarante-cinq minutes. Je pourrais aussi vous parler de nouveau de ma propre expérience spirituelle, celle qui m’a conduit de l’incroyance au pastorat. Une autre personne membre de cette paroisse pourrait aussi vous raconter comment elle est arrivée à la foi chrétienne, alors qu’elle n’avait pas eu d’enseignement religieux dans son enfance. Les exemples sont nombreux.

Dans nos Églises d’aujourd’hui, qu’elles soient protestantes ou catholiques, il y a des gens, comme plusieurs d’entre nous ici, qui sont restés fidèles à la foi et à la pratique religieuses de leur enfance. Beaucoup d’autres ont quitté et mis entre parenthèses cette dimension de leur vie, pour laquelle peut-être ils ou elles n’avaient jamais fait un choix personnel en profondeur. Lors de ma dernière visite à Cécile, le 1er novembre, dans sa résidence de L’Islet-sur-mer, nous étions cinq dans la salle de séjour. Nous avons, bien sûr, parlé un peu de religion. À un moment donné, une femme a dit quelque chose comme « Aujourd’hui, ça n’intéresse plus le monde, ces choses-là. » Ce n’est pas tout à fait vrai, comme nous le montre la chronique du Journal de Québec et les autres témoignages qu’on pourrait y ajouter. Aujourd’hui, les choses se présentent tout simplement de manière différente.

La religion n’est plus quelque chose d’obligé dans laquelle on entre sans s’en rendre compte, en naissant, et dans laquelle on reste, parce que ça ne se fait pas d’en sortir. Aujourd’hui, on continue d’aller à l’église parce qu’une soif spirituelle nous porte à la fidélité, ou encore on s’approche avec crainte et tremblement d’une église, parce qu’on la voit comme un lieu qui nous parle de Celui par qui on espère étancher sa soif spirituelle. On revient en quelque sorte au temps de Paul où des gens, comme lui, portent leur foi comme une conviction inébranlable, et d’autres sont en recherche et découvrent Dieu « en tâtonnant, lui qui, en réalité, n’est pas loin de chacun de nous. » (Ac 17, 27). L’Esprit saint travaille en nous et parmi nous.

Amen.

Par Gérald Doré, pasteur desservant

Église Unie Pinguet

Culte du dimanche 15 novembre 2015

LECTURES BIBLIQUES (TOB)

Psaume 42, 2-12

Actes 17, 24-27

Jean 4,7-14

 

1 Mathieu Bock-Côté, « Prier à Santorini », Le journal de Québec, mardi 28 juillet 2015, p. 17.

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