Attention, une cécité peut en cacher une autre! (Jean 9)

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 Le texte de Jean 9 commence par nous mettre en présence d’un problème bien épineux : celui de la souffrance et de la maladie, dans leur rapport, ou non, avec le Mal et le péché.

C’est un questionnement légitime. Nous pouvons nous demander d’ailleurs si ce n’est pas pour éviter toute tentative de diaboliser la question que l’évangéliste Jean la met dans la bouche de proches de Jésus, dans la bouche de ses disciples : D’où viennent les maladies avec lesquelles nous venons au monde? Pourquoi et pour quoi l’infirmité?

La personne qui vit une maladie, qui subit un accident, est-elle responsable de ce qui lui arrive? Dieu se servirait-il de la maladie pour exercer son jugement sur les humains ? Sinon comment expliquer les maladies génétiques ou bien les infirmités de naissance?

Quelle est la dernière fois que nous avons entendu dire (quelle sera la prochaine fois que nous entendrons quelqu’un dire) : « Qu’ai-je fait au bon Dieu pour que cela m’arrive ? », « C’était déjà arrêté bien à l’avance : faut bien subir son destin! », « Justice divine : bien fait pour sa …! », « Qui sème le vent … récolte la tempête! », « Que voulez-vous? Dieu les punit par où ils ont péché! ».

Jésus lui-même, n’a-t-il pas supplié Dieu d’écarter la coupe qui lui était destinée?

Pour dire vrai, même aujourd’hui, nous sommes souvent bien près de penser que les malheurs pourraient bien avoir un lien direct avec des fautes personnelles ou des fautes collectives (familles, systèmes ou sociétés). Pour le cas qui nous concerne toutefois, Jésus, lui, dénonce avec vigueur et sans la moindre nuance, toutes les interprétations fatalistes qui pourraient être suggérées : Dieu n’y est pour rien. Il y voit une opportunité d’œuvrer, sans se perdre en conjectures. 

Si Dieu n’est pas à l’origine de la maladie, qui en est responsable ? Est-ce le diable ? Faut-il croire que chaque acte de guérison nécessite un exorcisme? Je ne le sais pas et Jésus ne le précise pas. Ce qui est sûr et certain, c’est que ce n’est pas Dieu, Jésus dixit.

Nous aimons pouvoir savoir pourquoi ou du moins avoir une explication. Ce désir est pétri dans la texture même des êtres humains, depuis la nuit des temps. Aussi Jean dévolue-t-il une bonne partie du récit à décrire une situation qui évolue comme une sorte de feuilleton télévisé, du genre la Loi et l’ordre. Nous pourrions en effet lire notre histoire comme un épisode bien ficelé, avec une distribution assez apparente de cinq rôles. Nous pourrions même intituler cet épisode : « Qui a guéri l’aveugle de naissance? Par quel pouvoir a-t-il pu le faire et qu’est-ce qu’il faut en croire? » (paraphrasant ainsi le chanteur néozélandais Graeme Alwright qui, reprenant une chanson de Bob Dylan, chantait : Qui a tué Davy Moore, qui est responsable et pour quoi est-il mort?).

L’évangéliste tisse une habile intrigue dont les fils se chevauchent et qui gagne en intensité au fur et à mesure que l’action avance et les faits butés. Dans les cinq rôles principaux, nous avons:

– v.8 : Les gens du voisinage, les passants et ceux qui auparavant avaient l’habitude de le voir: Ils semblent dérangés par la nouvelle condition de cet homme qui dépendait auparavant entièrement d’eux (c’était un mendiant). Ils n’en croient pas leurs yeux et sont divisés. Comme leur curiosité n’est pas satisfaite, ils passent à un pallier supérieur et passent le cas aux pharisiens (v.13). Un fait divers merveilleux, va-t-il prendre de l’ampleur?

-v.13 : Les Pharisiens. Les choses se compliquent et tournent au vinaigre car « c’était un jour de Sabbat que Jésus avait fabriqué de la boue et ouvert les yeux ». Un transgresseur de la Loi de Moïse est automatiquement dans le camp adverse, n’est-ce pas? Mais voilà : il se serait passé quelque chose d’indéniable et les faits sont têtus. S’ils sont établis, il faudra les interpréter. Pour les établir on auditionne une première fois le principal témoin. Sa déposition fractionne le jury (v. 16) : Parmi les Pharisiens, les uns disaient : « Cet individu n’observe pas le sabbat, il n’est donc pas de Dieu. ». Mais d’autres disaient : « Comment un homme pécheur aurait-il le pouvoir d’opérer de tels signes ? » Et c’était la division entre eux. Mais comment résoudre l’énigme? Une deuxième audition! Comme on n’aime pas trop ce qu’il avance après la deuxième audition, on va passer aux parents pour VRAIMENT pouvoir croire qu’il était né-aveugle. Que se passe-t-il? Est-ce la poursuite objective de la vérité ou bien sommes-nous passé/es au mode de l’intimidation et de la menace? Que vous en semble? Voyez-vous le jeu (maintenant plus tellement subtile mais gagnant en intensité émotionnelle et dramatique) entre «voir» et «croire»?

Les Parents. Sont-ils coupables par association? Le ton semble peu amical : Cet homme est-il bien votre fils dont vous prétendez qu’il est né aveugle ? Alors comment voit-il maintenant? La question est assez tendancieuse : si leur fils est né aveugle, c’est qu’ils ont commis une faute que Dieu a sanctionnée par la cécité de leur enfant et que vient faire la deuxième partie de la question? En quoi les parents seraient-ils responsables? Est-ce à dire qu’une personne avec un handicap est condamnée à demeurer sous la coupelle de quelqu’un d’autre? Et puis, l’évangéliste nous révèle une information d’importance(v.22) : LES AUTORITES JUIVES ETAIENT DEJA CONVENUES D’EXCLURE DE LA SYNAGOGUE QUICONQUE CONFESSERAIT QUE JESUS EST LE MESSIE! Voici une clef importante pour notre compréhension des véritables enjeux dans le récit. Oui, il y avait de la peur et de la persécution dans l’air. Alors les parents, autant qu’ils le pouvaient, répondent et dégagent en touche. Les faits sont et demeurent têtus, décidemment. Il faut en revenir (de nouveau) à l’ex aveugle-né, l’ex mendiant, qui va être traité à présent comme un témoin récalcitrant, «hostile» dirait «la couronne». L’admonestation le démontre :  « Rends gloire à Dieu ! Nous savons, nous, que cet homme est un pécheur ».

– L’ex aveugle-né. Il n’a rien demandé le pauvre! Il n’a rien à voir avec l’infirmité avec laquelle il vient au monde. Il n’avait sollicité l’intervention de personne. C’est Jésus qui va vers lui et l’utilise, presque à son corps défendant, juste comme un objet de démonstration. Mais c’est loin d’être un objet! Il parle lorsqu’on l’interroge au sujet de sa guérison. Et au fur et à mesure qu’il parle de sa propre réalité, la profondeur de son expérience effleure. Il prend conscience de ce qui s’est passé et affirme la transformation qui a eu lieu en lui. Il va rendre témoignage auprès des pharisiens en liant les points et en déduisant une attitude de vie. Les faits sont têtus, ne pas en tenir compte est un jugement.

– Jésus. Jésus voit et agit. Il laisse les gens faire toutes sortes d’agitations et de convulsions. Il entend et revient. Il met les choses au clair. C’est tellement lumineux que ceux et celles qui prétendent voir s’aveuglent, et en fait, portent d’épaisses lunettes fumées, les privant de la lumière qui leur est offerte.

En fin de compte que retenir? 

L’aveugle n’est pas toujours qui on pense et une cécité peut en cacher une autre! Et lorsque nous ne voulons pas voir, notre aveuglement devient notre propre condamnation.

Il ne nous appartient pas de tout connaître au niveau des raisons profondes. Tout ne s’explique pas. Malgré tout, nous sommes appelés à faire ce que nous pouvons, pour manifester notre compassion et accompagner ceux et celles qui pourraient se voir exclu/es.

Jésus n’explique pas le mal et le mal ne s’explique pas toujours : il se combat ; Jésus le combat et nous invite à faire de même.

Cela se fait en osant REGARGER/VOIR, ÉCOUTER/ENTENDRE, … et agir en conséquence en signifiant, sans s’en excuser et par des gestes simples et pétris d’humanité, que la personne humaine est au début et à la fin de la mission que Dieu nous assigne.

Que ceux et celles qui ont des yeux pour regarder, voient. Amen!

Samuel V. Dansokho

TEXTE:

Jean 9, 1 à 41

En passant, Jésus vit un homme aveugle de naissance. 2Ses disciples lui posèrent cette

question : « Rabbi, qui a péché pour qu’il soit né aveugle, lui ou ses parents ? ». Jésus répondit : « Ni

lui, ni ses parents. Mais c’est pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui ! Tant qu’il fait jour,

il nous faut travailler aux œuvres de celui qui m’a envoyé : la nuit vient où personne ne peut travailler

;5aussi longtemps que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. » Ayant ainsi parlé, Jésus

cracha à terre, fit de la boue avec la salive et l’appliqua sur les yeux de l’aveugle ; et il lui dit : « Va te

laver à la piscine de Siloé » – ce qui signifie Envoyé. L’aveugle y alla, il se lava et, à son retour, il

8Les gens du voisinage et ceux qui auparavant avaient l’habitude de le voir – car c’était un

mendiant – disaient : « N’est-ce pas celui qui était assis à mendier ? » Les uns disaient : « C’est bien

lui ! » D’autres disaient : « Mais non, c’est quelqu’un qui lui ressemble. » Mais l’aveugle affirmait : «

C’est bien moi. » Ils lui dirent donc : « Et alors, tes yeux, comment se sont-ils ouverts ? » Il

répondit : « L’homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue, m’en a frotté les yeux et m’a dit : “Va à

Siloé et lave-toi.” Alors moi, j’y suis allé, je me suis lavé et j’ai retrouvé la vue. » Ils lui dirent : « Où

est-il, celui-là ? » Il répondit : « Je n’en sais rien. » On conduisit chez les Pharisiens celui qui avait

été aveugle. Or c’était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue et lui avait ouvert les yeux.

A leur tour, les Pharisiens lui demandèrent comment il avait recouvré la vue. Il leur répondit : « Il

m’a appliqué de la boue sur les yeux, je me suis lavé, je vois. » 16Parmi les Pharisiens, les uns disaient

: «Cet individu n’observe pas le sabbat, il n’est donc pas de Dieu. » Mais d’autres disaient : «

Comment un homme pécheur aurait-il le pouvoir d’opérer de tels signes ? » Et c’était la division entre

eux. Alors, ils s’adressèrent à nouveau à l’aveugle: « Et toi, que dis-tu de celui qui t’a ouvert les

yeux ? » Il répondit : « C’est un prophète. » Mais tant qu’ils n’eurent pas convoqué ses parents, les

autorités juives refusèrent de croire qu’il avait été aveugle et qu’il avait recouvré la vue. Elles

posèrent cette question aux parents : « Cet homme est-il bien votre fils dont vous prétendez qu’il est

né aveugle ? Alors comment voit-il maintenant ? » Les parents leur répondirent : « Nous sommes

certains que c’est bien notre fils et qu’il est né aveugle. Comment maintenant il voit, nous

l’ignorons. Qui lui a ouvert les yeux ? Nous l’ignorons. Interrogez-le, il est assez grand, qu’il

s’explique lui-même à son sujet ! » Ses parents parlèrent ainsi parce qu’ils avaient peur des autorités

juives. Celles-ci étaient déjà convenues d’exclure de la synagogue quiconque confesserait que

Jésus est le Messie. Voilà pourquoi les parents dirent : « Il est assez grand, interrogez-le. » Une

seconde fois, les Pharisiens appelèrent l’homme qui avait été aveugle, et ils lui dirent : « Rends gloire à

Dieu ! Nous savons, nous, que cet homme est un pécheur. » Il leur répondit : « Je ne sais si c’est un

pécheur ; je ne sais qu’une chose : j’étais aveugle et maintenant je vois. » Ils lui dirent : « Que

t’a-t-il fait ? Comment t’a-t-il ouvert les yeux ? » Il leur répondit : « Je vous l’ai déjà raconté, mais

vous n’avez pas écouté ! Pourquoi voulez-vous l’entendre encore une fois ? N’auriez-vous pas le désir

de devenir ses disciples vous aussi ? » Les Pharisiens se mirent alors à l’injurier et ils disaient : «

C’est toi qui es son disciple ! Nous, nous sommes disciples de Moïse. Nous savons que Dieu

a parlé à Moïse tandis que celui-là, nous ne savons pas d’où il est ! » L’homme leur répondit :

« C’est bien là, en effet, l’étonnant : que vous ne sachiez pas d’où il est, alors qu’il m’a ouvert les yeux!

Dieu, nous le savons, n’exauce pas les pécheurs ; mais si un homme est pieux et fait sa volonté,

Dieu l’exauce. Jamais on n’a entendu dire que quelqu’un ait ouvert les yeux d’un aveugle de

naissance. Si cet homme n’était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. » Ils ripostèrent : « Tu n’es

que péché depuis ta naissance et tu viens nous faire la leçon ! » ; et ils le jetèrent dehors.

Jésus apprit qu’ils l’avaient chassé. Il vint alors le trouver et lui dit : « Crois-tu, toi, au Fils

de l’homme ? » Et lui de répondre : « Qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui? » Jésus lui dit

: « Eh bien ! Tu l’as vu, c’est celui qui te parle. » L’homme dit : «Je crois, Seigneur » et il se

prosterna devant lui. Et Jésus dit alors : « C’est pour un jugement que je suis venu dans le monde,

pour que ceux qui ne voyaient pas voient, et que ceux qui voyaient deviennent aveugles. » Les

Pharisiens qui étaient avec lui entendirent ces paroles et lui dirent : « Est-ce que, par hasard, nous

serions des aveugles, nous aussi ? » Jésus leur répondit : « Si vous étiez des aveugles, vous n’auriez

pas de péché. Mais à présent vous dites “nous voyons” : votre péché demeure.

 

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