Vérité et réconciliation

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

Quiconque a déjà essayé d’accompagner des frères et des sœurs, des couples, des employés-es, des paroissiens-nnes, des peuples, sur le chemin de la réconciliation, sait que c’est un chemin périlleux… dès le départ. On s’entend que pour qu’il y ait réconciliation, il faut faire la lumière sur la situation; faire émerger la vérité. Mais la vérité… c’est que LA VÉRITÉ… toute la vérité… c’est Dieu seul qui l’a.

Des enfants peuvent grandir ensemble et avoir des souvenirs d’enfance très différents les uns des autres. Deux personnes peuvent vivre les mêmes événements. Toutefois, l’interprétation qu’elles feront des faits, le sens qu’elles donneront aux événements, l’impact de l’expérience sur leur vie… ne seront pas nécessairement les mêmes. S’il n’y a pas de réconciliation sans vérité, il n’y a pas de vérité qui n’est pas complexe ici sur la Terre où nous cheminons vers la vérité en Dieu. Il faut de l’écoute, de l’humilité, et du temps… parfois beaucoup de temps. C’est ainsi aujourd’hui et depuis les temps anciens… depuis au moins l’époque de Jacob et d’Ésaü. Que leur histoire éclaire la nôtre et, par la grâce de Dieu, que cela nous aide à chercher la vérité et la réconciliation dans toutes nos relations.

Commençons au commencement, Jacob et Ésaü sont des jumeaux. Ils vivent donc en frères depuis le ventre de leur mère. Et la rivalité entre eux débute à leur naissance. Ésaü sort en premier. Jacob arrive ensuite la main agrippée au talon de son frère…comme s’il voulait l’attraper pour le dépasser… signe de choses à venir. Les garçons grandissent, chacun avec ses dons et ses talents. Il devient vite évident que papa, Isaac, préfère Ésaü, un chasseur hors pair, un « vrai gars » comme on les aimait dans le temps. Jacob, c’est le fils adoré de maman, Rébecca (Genèse 25, 24-28). Ce favoritisme n’a certainement pas aidé à tisser une relation juste… bien ajustée… mutuellement vivifiante… entre les deux garçons. De plus, dans leur culture, le père de famille a l’autorité d’accorder sa bénédiction à l’aîné de la famille. Jacob était probablement un peu… pas mal… jaloux toute sa vie. Un jour, avec l’aide de sa mère – son indéfectible complice  – par ruse, Jacob décroche la bénédiction paternelle qui était destinée à son frère. Jacob finit par le supplanter une fois pour toutes. Furieux, Ésaü jure de tuer Jacob qui, pour sauver sa peau, fuit la maison comme sa mère lui dit de le faire. Comme quoi le cours de nos vies est déterminé par beaucoup de facteurs, y compris les paroles, les gestes et les attitudes de ceux et celles qui nous précèdent.

Ce matin, nous retrouvons les deux frères des années plus tard. Ils cheminent… mais pas seuls… N’est-il pas vrai que ce qui nous arrive a des répercussions sur le monde autour de nous… jusqu’aux générations futures ? Qu’est-ce qui pousse les deux frères en avant ? Se peut-il que la colère ronge Ésaü et que la culpabilité pèse lourd sur les épaules de Jacob de sorte que les deux frères choisissent d’aller à la rencontre de l’autre? Peut-être. Mieux vaut avancer dans l’espérance d’une réconciliation éventuelle que de rester « pogné » à jamais dans l’enfer de la colère de la culpabilité et du ressentiment.

Jacob décide de jouer safe, comme on dit, en passant devant les autres membres de sa famille. Ne sachant pas dans quel état il va retrouver son frère, Jacob s’organise pour protéger ses arrières. Il ne faut pas se leurrer. Ce n’est pas tout le monde qui est prêt ou qui a les ressources et la résilience nécessaires pour emprunter le chemin de la réconciliation. De manière très délibérée, Jacob fait le premier pas. Il se prosterne devant son frère, pas une fois, pas deux fois, mais sept fois. Plus tard, tous ses descendants vont suivre son exemple.  La réconciliation devient possible quand il y a un changement délibéré et mutuel dans les rapports de force. Il n’y a rien que Jacob n’a pas fait pour dominer son frère… et là, il fait tout pour s’abaisser, un acte de repentance, c’est-à-dire qui témoigne d’un changement au niveau du cœur. Jacob accepte d’être le serviteur de son frère.

Ésaü se métamorphose, lui aussi. Lui qui aurait voulu tuer son frère, renonce à la vengeance. Ésaü court à la rencontre de Jacob, l’étreint et se jette à son coup. L’amour… qui est plus fort que tout… même plus fort que nous des fois… l’amour véritable, l’amour qui trouve sa source en Dieu,  est la seule base sur laquelle la réconciliation peut se construire.

Jacob cherche la faveur d’Ésaü comme on cherche la face de Dieu… pour être pardonné… pour que plus rien ne nous sépare de Dieu et de sa volonté pour nos vies. Et Ésaü pardonne à son frère comme Dieu nous pardonne… gratuitement. Jacob n’a besoin de rien offrir pour être gracié. Jacob lui dit : « Puisque j’ai vu ta face comme on voit la face de Dieu et que tu m’as agréé, reçois donc de moi le bienfait qui t’a été apporté, car c’est Dieu qui m’en a gratifié. » (vv. 10-11).  Dans l’expression de l’amour abondant d’Ésaü à son égard, Jacob saisit qu’il est pardonné. Il voit – peut-être pour la première fois de leur vie – l’image de Dieu dans le visage de son frère… son jumeau, l’image de lui-même. Jacob reconnait que tout ce qu’il a provient de Dieu et rend à son Ésaü ce qu’il lui avait ravi : une part des bénédictions de Dieu. C’est une offrande d’Action de grâce pour faveur et pardon reçus.

Ainsi réconciliés, chacun reprend la route à son rythme. Au bout du compte, Jacob choisit de ne pas s’établir là où son frère l’indique. Jacob emprunte un autre chemin et s’installe sur d’autres terres.  La réconciliation ne signifie pas que les deux frères sont tenus de tout faire toujours ensemble, toujours de la même manière. Il est possible… et il est parfois très sain… d’être à la fois réconciliés et séparés.

On dirait que Dieu se fait très discret dans toute cette histoire. Mais comme c’est souvent le cas, quand on le cherche, on le trouve en nous et parmi nous. Par sa grâce seule, l’Esprit de Dieu, comme un souffle fragile, travaille pour réconcilier et renouveler toutes choses. Il en a été ainsi pour Jacob et Ésaü. Avec de l’écoute, de l’humilité et du temps, par la grâce de Dieu, non seulement nous pouvons rêver de vérité et de réconciliation, mais elles peuvent devenir réalité, et ce, pour toutes nos relations. Amen.

 

LECTURES BIBLIQUES

Genèse 33, 1-17

Matthieu 5, 21-26

 

2 commentaires

  1. OMER ZEPHIR DE LASME says: · ·Répondre

    Merci bien Darla pour ce message sur le tandem vérité-réconciliation. Puisse le Seigneur nous aider à oser faire le 1er pas utile comme Jacob pour l’harmonie familiale, surtout en ce jour déclaré  »father’s day  » un peu partout dans le monde.
    Shalom! Que Dieu vous bénisse!

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