Un sermon sur les montagnes

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

Depuis la nuit des temps, dans beaucoup de traditions spirituelles et religieuses, les montagnes sont des lieux sacrés, des lieux recherchés par les gens en quête spirituelle. Peut-être est-ce à cause de leur beauté majestueuse, une beauté si immense que ça nous rappelle que seul un Créateur beaucoup plus grand que nous aurait pu en être l’artisan. Peut-être est-ce parce que gravir une montagne est un dépassement de soi, un défi qui, une fois relevé, nous permet de prendre une distance par rapport à notre train-train quotidien, de mettre les choses en perspective… et peut-être… par la grâce de Dieu… de nous laisser saisir par une vision divine de notre monde.

Dans l’Évangile de Matthieu, Jésus donne son premier discours public sur la montagne (Matthieu 5,1-7,29). Un sermon de trois chapitres ! Je ne veux même pas imaginer les réactions si je faisais ça ici en haut de la rue Sainte-Ursule… quatre pages et je m’inquiète que ce soit trop long ! Aujourd’hui Jésus est de retour sur une haute montagne. Mais cette fois, il ne dit pas grand-chose… mais une image vaut mille mots, n’est-ce pas ?

Aujourd’hui sur la montagne, le monde de Dieu fait irruption dans l’espace des humains. L’espace de Dieu s’ouvre au regard. Jésus est soudainement transfiguré devant eux, littéralement métamorphosé. C’est le même verbe qui est utilisé par Paul pour désigner la transformation spirituelle (Voir, par exemple, Romains 12, 2). Cette transformation n’est pas uniquement intérieure. Elle est aussi visible. N’est-ce pas vrai que, comme notre ancêtre Moïse, les gens qui passent du temps en communion avec Dieu sont rayonnants ? Écouter la Parole, se laisser instruire par elle, laisse des traces lumineuses sur notre vie. Même si nous n’en sommes pas conscients nous-mêmes, d’autres le voient et sont transformés par la réverbération (Moïse ne savait pas que son visage était rayonnant mais d’autres le voyait clairement). J’en suis témoin à chaque vendredi midi à La Parole sur le pouce. Même quarante-cinq minutes à écouter la Parole suffisent pour transformer les visages. À tel point qu’on m’a demandé d’arrêter de partager mon écran pour permettre aux gens de mieux se voir pendant le troisième tour de parole pendant lequel nous partageons ce que nous retenons de nos échanges. Ça fait du bien de contempler la gloire de Dieu reflétée sur le visage de nos frères et sœurs. Même à distance, ça nous relève et nous donne un regain d’énergie avant que nous retournions à notre quotidien. Ça change pas le monde… sauf que…

Matthieu nous dit que c’est au moment où les disciples aperçoivent la gloire de Dieu en Jésus qu’Élie et Moïse apparaissent. De quoi s’entretiennent-ils avec Jésus ? Matthieu ne le dit pas, mais Luc affirme qu’ils parlent du départ de Jésus qui va s’accomplir à Jérusalem (Luc 9, 31). Le terme traduit par départ est exodos en grec. Jésus va accomplir un nouvel exode.

La scène est très évocatrice pour qui, comme Pierre et ses compagnons, connaît les Écritures. Pierre avait déjà la conviction que Jésus était le messie, le fils du Dieu vivant. Il l’a déclaré haut et fort pas longtemps avant de monter sur la montagne avec Jésus (Matthieu 16, 16).  Et là, Dieu leur fait un dessin. Jésus, tout rayonnant, qui se tient là avec Moïse et Élie ! N’a-t-il pas dit, le jour où il a fait son sermon sur cette autre montagne, qu’il était venu accomplir la loi et les prophètes (Matthieu 5, 17) ? Émerveillé par la scène, Pierre réagit comme pour dire : « Woah ! Seigneur, c’est trop beau pour être vrai ! Il faut fêter ça ! Si tu le veux, je dresserai trois tentes… comme on le fait lors de la Fête des tabernacles… ou la fête des tentes… la fête qui célèbre la marche dans le désert. Des moments comme celui-là… faut les prolonger ! »

Pierre n’a pas tort. Le Christ, celui que le peuple de Dieu attend depuis des générations et des générations, il est là ! C’est vrai. Pierre a raison mais il parle trop vite.

Il n’a pas le temps d’aller au bout de sa pensée qu’nuée les recouvre et une voix retentit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir. Écoutez-le ! » (Matthieu 17,5). Souvenons-nous en ! Même quand on a raison… il peut nous manquer des bouts. Il peut y avoir des choses importantes qui nous échappent, des choses qu’il nous reste à apprendre. Même quand on est convaincu d’avoir raison, il faut écouter encore.

Et la première chose qui sort de la bouche de Jésus ? La phrase qui résonne à chaque fois que Dieu est sur le point de faire quelque chose de grand, quelque chose de décisif : « N’ayez pas peur ». C’est pas parce qu’on est sur le point d’embarquer sur une grande aventure qui sera bon pour nous et pour d’autres que ce n’est pas freakant !

Quand ils sont complètement époustouflés par ce qui leur arrive…. quand ils sont émerveillés… et peut-être pris du sentiment d’être indignes, ou pas à la hauteur… quand ils risquent d’être paralysés de peur… Jésus tend la main, touche ses disciples et dit : « Levez-vous. N’ayez pas peur. » Et les disciples reviennent assez vite sur terre. « Ne dites mot à personne de ce qui s’est fait voir de vous, jusqu’à ce que le Fils de l’homme soit ressuscité des morts. » (Matthieu 17,9)

Ça, c’est le bout qui manquait. Ça c’est le but que Pierre ne voulait pas entendre. Quand Jésus a annoncé sa passion pour la première fois, Pierre l’a rabroué (Matthieu 16, 22). Pour lui, ça se peut juste pas, accorder Messie et mort. Parfois, il faut écouter longtemps avant de comprendre. Même quand on est certain d’avoir raison, il faut écouter encore.

Entendez-vous ce que j’entends dans l’Évangile de ce matin ? Que la transfiguration et la résurrection de Jésus sont indissociables. La transfiguration ne dispense pas de la croix, elle en situe le sens et elle donne la force de l’affronter. L’exode que vivront les disciples de Jésus est un nouveau départ… et non seulement pour quelques privilégiés, ceux qui atteignent le sommet du succès, de la popularité, ceux qui sont au top de la forme, au pic de la performance. Il y a un nouveau départ, même pour les gens qui ont l’air d’être des loosers de la première espèce ! Jésus lui-même en personne en est l’illustration la plus éclatante. Même le pire des enfers sur terre n’est pas sans issue. Qu’on soit au sommet de la montagne ne voulant pas bouger de peur de perdre ce que nous avons… ou au creux de la détresse, craignant ne jamais pouvoir s’en sortir, Jésus tends la main à ses disciples les touche et leur dit : « Relevez-vous. Soyez sans crainte. »

Qu’est-ce que j’entends en écoutant l’Évangile d’aujourd’hui ? Entre autres que le but ultime de la quête spirituelle n’est pas simplement de trouver une oasis de paix et de repos à l’écart. Si on monte dans la montagne, c’est pour mieux nous brancher à la source de cette énergie vitale – et entièrement renouvelable par-dessus le marché – qui nous donnera la force nécessaire pour poursuivre notre marche avec Jésus. Par la grâce de Dieu, cette vitalité lumineuse nous donnera de le suivre jusqu’au bout, jusqu’au Royaume de Dieu : là où Dieu règne, là où la volonté de Dieu… et non des humains… est faite sur la Terre comme au ciel. Amen.

 

LECTURES BIBLIQUES

Exode 34, 29-35

Matthieu 17, 1-9

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