Sommes-nous rendus à destination?

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

Adaptation française de la prédication de Ryan Slifka, pasteur à St. George’s United Church, Courtenay, BC, offerte en version originale anglaise au https://www.united-church.ca/worship-liturgical-season/reformation-sunday

Dans une langue québécoise bien imparfaite mais riche de sa couleur, combien d’enfants ont dit « Papa, maman, on est tu rendu? ». Ces mots sont familiers à toute personne qui a fait un long voyage sur la route avec un enfant. Avons-nous été cet enfant pressé d’arriver à destination. Peu importe la destination, c’est long être assis à l’arrière de la voiture dans les limbes perpétuels, avec une ceinture de sécurité attachée.

Le passage biblique d’aujourd’hui tiré du livre Deutéronome arrive à la fin d’un long voyage. Dieu a promis à Moïse et aux israélites qu’ils seraient conduits à la terre promise, une terre de lait et de miel. Un lieu qui serait exactement le contraire de l’Égypte où ils ont été maintenus en esclavage pendant des décennies.

Croyant à la promesse faite par Dieu, les israélites, sous le leadership de Moïse, ont entrepris le voyage vers cette terre promise. Un long, très long voyage. Moïse et les israélites ont passé 40 ans à errer dans le désert.

Enfant, souvent, je n’ai pas supporté la longueur des trajets, même ceux de moins de quelques heures dans une voiture climatisée. Combien de fois j’ai demandé « Maman, on est tu rendus ? ». Et adulte, combien de fois j’ai été impatient dans l’attente d’une nouvelle ou d’une réalisation. Et pourtant, j’étais loin d’un trajet de 40 ans sous une chaleur étouffante et dans le désert!

Il est clair pour moi que si Moïse avait une grande qualité, c’est la patience. Certains mettent de l’avant l’expression « la patience de Job », mais je pense que Moïse mérite une phrase comme ça aussi. Il avait une endurance incroyable.

Oui, Moïse avait quelque chose comme une patience surhumaine. Le genre de patience qui lui a permis d’endurer presque n’importe quoi jusqu’au bout de sa vie. Mais le problème, c’est que Moïse ne s’est jamais rendu à la terre promise.

Dans le texte d’aujourd’hui, il arrive à la frontière. Dieu l’emmène au sommet de la montagne et il lui présente une vision de l’immensité de ce nouveau territoire, de ce magnifique pays à venir.

Mais Moïse ne traversera jamais la frontière. Au lieu de ça, il terminera sa vie dans le désert et il sera enterré on ne sait pas trop où. J’imagine Moïse en train de mourir en demandant « Papa, maman, on est tu rendu ? ».

Quelle histoire, Moïse, ce grand prophète, l’un des plus fidèles que nous avons connu, n’est jamais arrivé à destination.

Cela semble injuste. C’est peut-être un des enseignements de cette l’histoire ? Ainsi, peu importe à quel point nous sommes doués, peu importe à quel point nous sommes intelligents ou spirituellement matures. Peu importe à quel point nous sommes bons, ou comment notre relation avec Dieu est forte.  L’arrivée à notre destination humaine ou spirituelle n’est jamais sous notre contrôle.

Il y a une tentation constante pour nous, en tant qu’individus et en tant qu’Églises, de penser que nous sommes spirituellement « arrivés » à destination.

Nous pouvons avoir l’impression que nous, nous connaissons. Nous, nous avons développé les grandes connaissances offertes par Dieu et la bonne théologie, la bonne approche. Dans le fonds, nous pouvons avoir l’impression d’être en avance sur les autres, qu’ils ont du chemin à faire pour être de notre niveau. Pour nous, ces pauvres devraient prêter attention à notre sagesse.

Nous avons lu tous les bons livres, nous sommes les plus fidèles et nous sommes les plus progressistes. Ce sont les autres qui sont le problème. L’autocritique n’est pas une option une fois que nous avons atteint l’illumination, la bonne compréhension du texte, du message ou de l’appel de Dieu.

Mes amis, une telle conviction nous conduit toujours sur une fausse piste spirituelle. Elle montre notre arrogance bien humaine. Lorsque nous croyons que nous sommes « arrivés », nous pensons que nous sommes vraiment arrivés à destination. Nous avons l’impression que nous pouvons alors nous installer là pour toujours ou pour un grand bout de temps. Nous n’avons plus à aller de l’avant, il n’y a plus de place pour la croissance, pour la nouveauté. Comme humain, lorsque nous sommes « arrivés », notre posture vise surtout la défense de nos acquis, de notre pensée. Nous voilà alors sur la défensive.

Cependant, en tant que peuple de Jésus, nous devons comprendre différemment l’évolution de la vie humaine et du progrès.

L’auteur de cette prédication s’est souvenu d’un rabbin qui l’a ouvert à une leçon spirituelle importante. Ce dernier lui a expliqué que la liturgie utilisée en synagogue prévoit que les juifs lisent le Pentateuque (les cinq premiers livres) à partir d’un cycle prédéterminé. Le cycle se termine toujours par le passage que nous avons lu ensemble aujourd’hui. Plusieurs juifs considèrent que ce texte est placé, comme ça, à la fin du cycle pour leur rappeler que la terre promise est encore devant eux, qu’ils ne sont pas encore rendus à destination. Ainsi, la fin de notre parcours spirituel demeure hors de portée.

Et pourtant, c’est bien la beauté de la promesse de Dieu et de son Royaume qui les inspire tous et toutes. Cette vision d’un monde meilleur rempli d’harmonie et d’amour. Une promesse qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue.

Le temps est toujours en mouvement, notre spiritualité, nos communautés et le monde évoluent, progressent ou régressent tant bien que mal dans un flot ininterrompu. Bien que nous puissions faire l’expérience de la présence du royaume de Dieu ici et maintenant, il va toujours avoir un pas supplémentaire à faire, un nouvel enseignement à comprendre, une nouvelle connaissance à découvrir.

En tant que peuple de Dieu, nous ne sommes jamais arrivés à destination. Ce qui signifie que nous ne sommes jamais complètement installés. Il y a toujours plus de terrain à couvrir, toujours plus de pardon à rechercher, toujours plus de croissance et de maturité à développer. Dieu parle encore aujourd’hui. Il a encore plus de lumière à offrir pour faire briller d’un nouveau jour sa Parole.

Cette ouverture au nouveau, au questionnement continuel et aux réformes successives, c’est une façon très protestante d’être. Il y a une destination finale, c’est sûr, la venue du Christ, le règne de Dieu. Chaque jour, nous souhaitons nous rapprocher de cette destination. Parfois nous faisons des petits détours, mais nous continuons sans relâche notre route et nous nous rapprochons de notre destination, de la terre promise. Mais attention, nous ne sommes pas encore arrivés; il nous reste du chemin à faire individuellement, en église et avec notre prochain.

D’ici là, nous croyons, avec nos ancêtres, avec notre Église réformée, que nous pouvons continuer à avancer, à poursuivre notre réforme par la Parole de Dieu.

Nous ne sommes pas destinés à être sur la défensive. Nous ne sommes pas non plus destinés à la complaisance spirituelle ou à l’autojustification. Au contraire, avec la terre promise toujours en vue, nous sommes libres de vivre fidèlement et authentiquement, de continuer à lutter pour le royaume et d’avoir nos vies constamment renouvelées par l’Esprit de Dieu.

« Papa, maman, on est tu rendu ? » Pas encore tout à fait. Mais nous y arriverons bientôt. En attendant, nous sommes toujours amenés plus loin du désert par le Christ et plus près du cœur et de l’amour de Dieu. Et ceci est la bonne nouvelle que Dieu nous offre comme croyant. Amen.

 

LECTURES BIBLIQUES

Deutéronome 34:1–12

Un commentaire

Ajouter un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *