Soixante-dix fois sept fois !!!

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

Les textes de ce matin nous mettent face à une problématique à laquelle personne n’échappe : celle de l’offense, du pardon et de la réconciliation. Nous nous y heurtons sur le plan individuel aussi bien que familial ou sociétal.

Notre première lecture, celle de Genèse 50, nous parle d’une famille dysfonctionnelle. L’adjectif apparaît malheureusement de plus en plus ; il s’applique surtout à des familles, mais aussi à des sociétés et même des groupes religieux. Si le mot semble relativement nouveau, il décrit une condition humaine aussi vieille que la nuit des temps. Pour en remonter la trace, il faudrait remonter au tout début et aller jusqu’à la Genèse. Lisez donc les chapitres qui ont précédé celui de ce matin et vous m’en direz des nouvelles !

Quelle famille dysfonctionnelle que celle d’Abram, Sarah et Agar, qui a contaminé la génération qui a suivi, celle d’Isaac et d’Ismaël, et a continué avec leurs enfants Joseph et ses frères ! La saga de notre famille spirituelle, celle des enfants d’Abraham, est peut-être la saga de nos familles d’aujourd’hui, ne nous en cachons pas. La famille de Joseph et ses frères, pour dysfonctionnelle qu’elle soit, nous présente une scène qui, je l’espère ne nous laisse pas indifférents. C’est une scène profondément émouvante, une scène de pardon et de réconciliation.

Le pardon et la réconciliation. C’est souvent ici que le bât blesse. Qui, ici, n’y a jamais été confronté ? Qui, ici, n’y est pas confronté, peut-être en ce moment bien précis ?

Il n’y a pas d’avenir sans pardon, c’est le titre du livre « No future without forgiveness » de Desmond Tutu. Le pardon est une condition sine qua non pour la préservation d’une communauté, aussi petite qu’un couple et aussi grande qu’un nation toute entière. Desmond Tutu en sait quelque chose, lui qui était à la tête de la Commission Vérité et Réconciliation, en Afrique du Sud, juste au lendemain de la défaite de l’apartheid. Ce fut un pari audacieux et inspiré de l’Esprit de Dieu qui a évité des règlements de compte sanguinaires. Il a permis la guérison de blessures trop profondes et trop intimes pour un système judiciaire ou pénal de rétribution et de châtiment, plutôt que de réconciliation et de restauration.

Le pardon n’est pas chose facile. Le pardon est traumatisant. Le pardon n’est pas pour les faibles. Le pardon ne signifie pas l’oubli. Il coûte.

Il a coûté à Desmond Tutu des larmes amères lorsque lui même s’est trouvé face à face avec quelqu’un qui avait commis contre lui et contre sa famille l’impardonnable, mais qui venait en public avouer son forfait et lui demander pardon, à lui le président du tribunal !

L’archevêque éclata en sanglots puis se leva et embrassa celui à qui il venait de pardonner. « Comment pouvais-je », racontait-il par la suite, « ne pas pardonner ? Mais mon Dieu, combien c’était difficile et en même temps libérateur, pour moi ! ».

L’Evangile de ce jour parle de pardon, de la nécessité de pardonner, du devoir de pardonner non pas sept fois, ce qui est déjà méritoire mais SOIXANTE DIX FOIS SEPT FOIS, ce qui est parfait et parfaitement impossible à vue humaine. Et alors ?

Dieu nous appelle à des choses impossibles et nous en donne la force jour après jour. En fait plus nous pardonnons, plus nous devenons capables de pardonner. Avoir un cœur qui pardonne, certes, c’est une grâce qui nous est donné par Dieu mais aussi un acte volontaire, une disposition d’esprit à cultiver au point d’en faire un mode de vie, presque une réaction « naturelle ».

L’art de pardonner, un peu comme l’art d’aimer, devient une discipline, une habitude salutaire à pratiquer et à développer tout comme les athlètes de haut niveau s’astreignent à s’entraîner.

La rancune que nous portons, le sentiment de culpabilité que nous traînons, le désir de revanche et le refus du pardon, tout cela nous consume, nous dévore comme un feu intérieur et pèse d’un poids cruel tant sur notre système cardio-vasculaire que sur notre conscience. Libérons-nous en, en en libérant les autres !

C’est l’encouragement, la promesse et le commandement qui nous sont donnés. Et c’est une merveilleuse bonne nouvelle qui rend tout, ou presque tout, possible.

Pardonner et pardonner de tout notre cœur, remettre aux autres les torts qu’ils nous ont faits et leur montrer de la miséricorde, comme le font les enfants et comme nous le leur faisons : voilà l’essentiel de l’enseignement de Jésus. Voilà qui nous ramène au tout début du chapitre et au début du culte de ce matin.

Ecoute qui a des oreilles. Amen !

Samuel V. Dansokho

Eglise unie St Pierre et Pinguet

Québec le 14 septembre 2014

 

ECRITURES

Genèse 50.15-21

15Voyant que leur père était mort, les frères de Joseph se dirent : « Si Joseph allait nous traiter en ennemis et nous rendre tout le mal que nous lui avons causé ! » 16Ils mandèrent à Joseph : « Ton père a donné cet ordre avant sa mort : 17Vous parlerez ainsi à Joseph : “De grâce, pardonne le forfait et la faute de tes frères. Certes, ils t’ont causé bien du mal mais, de grâce, pardonne maintenant le forfait des serviteurs du Dieu de ton père.” » Quand ils lui parlèrent ainsi, Joseph pleura. 18Ses frères allèrent d’eux-mêmes se jeter devant lui et dirent : « Nous voici tes esclaves ! » 19Joseph leur répondit : « Ne craignez point. Suis-je en effet à la place de Dieu ? 20Vous avez voulu me faire du mal, Dieu a voulu en faire du bien : conserver la vie à un peuple nombreux comme cela se réalise aujourd’hui. 21Désormais, ne craignez pas, je pourvoirai à votre subsistance et à celle de vos enfants. » Il les réconforta et regagna leur confiance.

Matthieu 18.21-35

21Alors Pierre s’approcha et lui dit : « Seigneur, quand mon frère commettra une faute à mon égard, combien de fois lui pardonnerai-je ? Jusqu’à sept fois ? » 22Jésus lui dit : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois.

23« Ainsi en va-t-il du Royaume des cieux comme d’un roi qui voulut régler ses comptes avec ses serviteurs. 24Pour commencer, on lui en amena un qui devait dix mille talents. 25Comme il n’avait pas de quoi rembourser, le maître donna l’ordre de le vendre ainsi que sa femme, ses enfants et tout ce qu’il avait, en remboursement de sa dette. 26Se jetant alors à ses pieds, le serviteur, prosterné, lui disait : “Prends patience envers moi, et je te rembourserai tout.” 27Pris de pitié, le maître de ce serviteur le laissa aller et lui remit sa dette. 28En sortant, ce serviteur rencontra un de ses compagnons, qui lui devait cent pièces d’argent ; il le prit à la gorge et le serrait à l’étrangler, en lui disant : “Rembourse ce que tu dois.” 29Son compagnon se jeta donc à ses pieds et il le suppliait en disant : “Prends patience envers moi, et je te rembourserai.” 30Mais l’autre refusa ; bien plus, il s’en alla le faire jeter en prison, en attendant qu’il eût remboursé ce qu’il devait. 31Voyant ce qui venait de se passer, ses compagnons furent profondément attristés et ils allèrent informer leur maître de tout ce qui était arrivé. 32Alors, le faisant venir, son maître lui dit: “Mauvais serviteur, je t’avais remis toute cette dette, parce que tu m’en avais supplié. 33Ne devais-tu pas, toi aussi, avoir pitié de ton compagnon, comme moi-même j’avais eu pitié de toi ?” 34Et, dans sa colère, son maître le livra aux tortionnaires, en attendant qu’il eût remboursé tout ce qu’il lui devait. 35C’est ainsi que mon Père céleste vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur. »

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