Pardonner 70 fois 7 fois, vraiment !

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

Pardonner 70 fois, 7 fois, vraiment ! Comme c’est difficile de pardonner.

Imaginez-vous quelqu’un qui vous appelle pour vous dire qu’elle a le goût de prendre de vos nouvelles et de passer un bon moment avec vous. Vous êtes maintenant assis au restaurant où vous vous êtes donné rendez-vous. Un beau resto-café situé à 25 km de chez vous. Et là, vous attendez, vous attendez, vous attendez, et après 30 minutes, vous avez même tenté de rejoindre la personne sans succès sur son cellulaire ou par un message texte. Vous n’avez aucune réponse. Vous finissez votre déjeuner seul et votre toast passe un peu de travers.

La personne vous appelle le lendemain et se confond en excuses. Vous pardonnez et convenez d’un nouveau rendez-vous. Mais après 7 fois que la personne ne se présente pas au rendez-vous, (pas 70 fois 7 fois : 490 fois), voulez-vous encore lui pardonner et convenir d’une nouvelle date de rencontre ?

Le texte de ce matin vient tout de suite après celui de la semaine dernière, où Jésus nous propose une méthode ou des étapes pour résoudre un conflit avec une autre personne :

  • Parler à la personne concernée
  • Parler à la personne, avec l’aide d’autres pour trouver une solution
  • Parler à Église, probablement à son pasteur ou à des amis, pour rechercher ensemble une solution dans l’amour…
  • Et, finalement, exclure la personne concernée de la communauté… Mettre une certaine distance entre la personne et nous.

Le conflit est inévitable entre les humains. Nous sommes des êtres sociaux imparfaits, remplis de peurs, d’attentes, d’ambitions, de besoins d’amour, de reconnaissance, de nourriture, etc. Ces besoins humains sont essentiels à notre vie, à notre survie.

De plus, comme être humain, parfois, nos besoins sont un peu déréglés, gonflés à l’hélium de l’égo, de la peur ou de l’envie. Ces besoins exacerbés risquent encore plus de nous conduire à des conflits.

Mais, revenons à la recherche de réponses raisonnables à nos besoins réels et justifiés. Même en agissant comme une personne raisonnable, en ne recherchant pas le conflit ou la confrontation, et bien notre recherche, nos actions nous conduisent parfois, sans aucun effort, ni mauvaise volonté, à des conflits. Des situations qui nous heurtent ou qui nous blessent.

C’est donc en raison de cette réalité incontournable de la vie et du conflit que Jésus nous offre des outils humains, une méthode pour chercher à les régler. Une méthode en quatre étapes simples. Une méthode qui fixe même une limite aux efforts que nous, humains, sommes appelés à réaliser avant d’exclure quelqu’un de notre cercle de proches.

Ainsi, dans notre situation, avec notre ami qui ne se présente pas au rendez-vous, nous pourrions suivre les étapes proposées pour régler le tout… Mais que fait-on quand la démarche ne donne pas les résultats attendus. Je fais quoi ?

Il faut alors se rappeler que le texte de l’Évangile de ce matin vient tout de suite après le texte de la semaine dernière présentant la méthode de règlement des conflits. Comme si la recherche de la résolution d’un conflit n’était pas suffisante en soi.

Jésus nous appelle à plus. Il y a aussi un élément encore plus grand et plus exigeant que de résoudre un conflit, il y a le pardon. Ainsi, Jésus nous appelle à vivre à l’image de Dieu et de pardonner dans l’amour, un amour infini qui pardonne sans limite de fois.

Jésus nous demande alors de pardonner 70X 7X … comme Dieu le fait lui-même pour nous. Et ce, comme dans le Notre Père où nous demandons à Dieu de nous pardonner comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensé.

Mais pourquoi cet appel au pardon, cet appel à pardonner sans limite de fois… Cet appel semble si radical qu’il a le potentiel de mettre notre équilibre mental en danger. Il semble si important que le texte d’aujourd’hui semble même nous menacer. Il semble nous dire que si nous ne pardonnons pas comme Dieu le fait pour nous (sans nombre de fois et sans condition), et bien Il va nous envoyer en prison ou sous les coups d’un bourreau pour nous punir… Comme le roi de la parabole de Jésus a fait avec le mauvais serviteur.

Mais de quelle prison parle-t-on ici. Je pense qu’il s’agit avant tout d’une prison émotive, spirituelle et non de l’enfer éternel ou d’un mauvais traitement divin. Ainsi, Jésus nous offre une clé pour la porte de notre prison spirituelle. Il nous propose d’aimer sans condition, d’un amour radical qui ne calcule pas. Ainsi, malgré les limites qu’il propose dans sa méthode de résolution des conflits. Il nous appelle à sortir de nos limites humaines vers une plus grande paix.

Car les risques délétères de la colère et du ressentiment sont énormes :

  • Être congestionné moralement, émotivement et spirituellement
  • Rationaliser sans cesse le comportement de l’autre
  • Porter un jugement sévère sur l’autre (pas seulement sur son comportement qui nous a blessé), souvent, pour ressentir des émotions négatives nous permettant de justifier la distance que nous créons avec l’autre. Ça nous aide à « justifier » émotivement pourquoi nous n’aimons pas ou plus cette personne ou que nous aimerions mieux ne plus l’aimer

Cette surcharge émotive a un impact négatif sur nous et notre équilibre.

Cet état d’esprit nous rend souvent incapable de nous connecter au divin, trop submergé que nous sommes par les émotions négatives, par la blessure, par le ressentiment, la colère ou le sentiment de culpabilité. Nous pouvons même avoir des gestes violents qui dépassent le raisonnable. Une recherche de vengeance destructrice.

Nous sommes alors dans une énergie qui nous tire vers le bas… qui nous conduit à la haine, à l’apitoiement, à la peur, aux débordements émotifs qui prennent toute la place… Notre cerveau peut alors se transformer en cassette infernale qui rejoue le film du conflit. Notre cerveau peut aussi se transformer en cage. Une cage comme celle d’un écureuil ou d’un hamster piégé et qui est en panique. Alors, nous nous répétons nos peines et nos peurs et nous restons pris, Nous nous agitons dans toutes les directions dans notre cage spirituelle, dans notre tête…au point souvent de nous blesser encore plus.

Jésus nous appelle à laisser la cage, à en sortir. Pas par un combat épuisant au-dessus de nos forces mais bien par l’amour, par l’apaisement. Calmé, nous trouvons beaucoup plus facilement la clé de la cage qui nous enferme spirituellement… Ainsi, Jésus nous propose d’éviter de devenir l’esclave ou d’être emprisonné par les émotions négatives générées par nos conflits ou par les histoires qui nous ont heurtés.

Pour être en mesure de pardonner, nous devons alors faire le travail de repentance, de transformation du cœur. Il nous faut chercher à voir l’autre comme un simple humain imparfait, et non comme un démon. Jésus nous invite à voir l’autre avec amour, compassion, bienveillance malgré nos blessures.

Il nous invite à lâcher prise face au comportement inadéquat de l’autre. Il nous invite même à ne pas juger l’autre. Il nous demande d’avoir le courage de changer ce que nous pouvons changer dans la situation et, simplement, accepter ce que nous ne pouvons pas changer chez l’autre ou dans la situation que nous subissons.

Il s’agit d’un fragile équilibre entre l’acceptation et le courage d’agir, une manière de gagner une certaine paix, d’accéder au divin.

Et nous en venons maintenant à la logique initiale proposée par Jésus, soit celle du règlement de nos conflits… Nous sommes appelés à régler vraiment nos conflits mais en gardant en tête que nous n’avons pas le contrôle sur l’autre.

Et lorsque nous n’arrivons pas à régler notre conflit, Jésus nous invite à pardonner quand même l’autre. Il ne s’agit pas ici de devenir une victime à répétition de comportements offensant mais bien de rechercher une guérison intérieure par le pardon.

Et oui, parfois nous devons nous éloigner d’une personne ou d’un groupe en raison de conflits qui semblent impossible à régler à court terme. Mais cet éloignement n’a pas pour but d’haïr. Il a pour but d’aimer, dans une forme de détachement.

Revenons à notre ami qui manque nos rendez-vous. Peut-être que cet ami est extrêmement anxieux, voir allergique aux rendez-vous. Plutôt que de la démoniser, de la haïr, il nous faut peut-être apprendre à l’apprécier, à apprécier sa présence autrement, au gré des moments impromptus ou improvisés, sans autre attente.

Le pardon que nous recevons de Dieu n’est pas mérité, et c’est pourquoi nous devons vivre le même genre de pardon envers ceux et celles qui nous offensent.  Un pardon gratuit.

J’ai lu une histoire d’une communauté amish qui a réussi à fournir un soutien et une forme de guérison à la famille d’un homme qui avait tiré et tué des enfants dans l’école de leur communauté. Il s’agit d’une belle illustration de comment on peut agir pour le pardon sans oublier ni nier la peine générée par les actions de l’autre.

Cette communauté n’a pas oublié ses enfants, la peine incommensurable. Elle avait probablement des moments de colère, d’incompréhension, de déchirements intérieurs… mais elle a décidé de passer du côté de la lumière en agissant en faveur du pardon.

En pardonnant certes, mais en ne niant pas la cicatrice car cette cicatrice est réelle et demeure. Puisque Dieu nous pardonne sans condition, un nombre infini de fois ; nous devons chercher à faire de même, aussi difficile soit-il.

Car, pour devenir meilleur et pour continuer à grandir, à évoluer, nous devons sortir de la prison spirituelle qui nous empêche de goûter pleinement au divin, à l’amour, à la paix, à la joie, à la lumière, à la solidarité, à la santé, à l’équilibre.

Aidons-nous les uns les autres dans nos apprentissages du pardon généreux, sans limite du nombre de fois. Exerçons-nous au pardon, pas au pardon naïf mais bien au pardon pleinement conscient de la responsabilité envers soi-même et envers les autres.

Offrons-nous, les uns et les autres, un pardon adulte qui reconnaît les blessures, qui nous amène à changer ce que l’on peut changer dans nos relations et qui apporte la guérison émotionnelle de la blessure qui, parfois, ne peut pas être oubliée mais qui peut guérir…

De telles blessures laissent parfois des cicatrices profondes. Ces cicatrices sont objectivement là. Elles ne pourront peut-être pas disparaître, elles pourront simplement être acceptées dans la paix de Dieu.

C’est cette paix qui nous fera sortir de notre cage spirituelle. C’est cette paix d’esprit qui nous aidera à poursuivre notre chemin personnel en toute liberté spirituelle.

Que Dieu nous accompagne tous et toutes dans l’apprentissage du pardon de sa paix.

 

LECTURES BIBLIQUES

Matthieu 18, 21-35

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