Où Jésus se fait/laisse damer le pion  (Matthieu 15.18-23)

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

Les amateurs de damier, aussi appelé «jeu de dames», apprécieront l’importance de damer un pion à son adversaire ; cela s’accompagne souvent d’une manœuvre stratégique imprégnée de surprise, d’audace et même d’un peu de roublardise !

Ce qui se passe entre cette mère cananéenne et Jésus dans l’évangile de ce matin pourrait se comparer à un match de jeu de dames, reste à savoir s’il se fait damer le pion ou bien s’il se le laisse damer.

Jésus affiche pour commencer une attitude assez surprenante et même déconcertante. Quoi ! Est-ce lui qui traite par le mépris une situation de détresse humaine en faisant la sourde oreille à une femme, une mère, criant à l’aide non seulement pour sa fille mais encore et surtout, contre l’Ennemi par excellence, le diable?

La situation empire lorsque, rompant le silence, Jésus semble pour une fois céder à ce que lui demandent ses disciples ; il claque la porte à la face de cette mère éplorée : circulez ! Ce n’est pas pour vous que je suis venu ! Vous n’avez pas le bon passeport ; vous n’êtes pas un membre du club. Désolé, ce que j’ai n’est pas pour vous !

Ce n’est vraiment pas du joli. Pourtant nous entendrons pire. Au silence méprisant, au refus et au rejet, voici que Jésus, oui Jésus, ajoute le dédain : il n’est pas bon de jeter la nourriture des enfants aux petits chiens ! Se faire traiter de chien n’est en général pas flatteur et c’est encore plus insultant lorsque c’est au féminin. Du temps de Jésus, tout comme dans le Moyen-Orient d’aujourd’hui, c’est la pire des injures que d’être ravalé au rang de ces animaux impurs, et à l’époque à peine tolérés en société. Notons que Jésus ne parle même pas de chiens, mais de « petits-chiens », de chiots. Et cela n’a rien de mignon ! C’est rapetissant. C’est blessant. C’est diminuant. C’est trop !

Notre brave mère ne cède ni à l’outrage, ni à l’humiliation ou la provocation. Elle n’entend rien, elle ne sent rien, elle ne voit rien d’autre que le bien-être de son enfant. Et elle prend cet homme, Jésus, à son propre jeu. Elle utilise l’affront et la brimade comme une combattante d’art martial (une judoka, par exemple) utilise l’énergie de son adversaire pour le déséquilibrer : on la pousse … elle tire ! On la tire … elle pousse !

Le résultat est époustouflant car Jésus semble avoir été pris au dépourvu, il n’a plus rien à répliquer sinon céder. Pour une fois, l’humain triomphe du divin par l’entreprise. C’est une femme, une mère, qui réalise cet exploit. Le divin le cède à l’humain et lui déclare : amen ! Que ta volonté soit faite !

J’imagine Jésus, le vrai Jésus, faire sa déclaration de capitulation d’un ton admiratif et plein d’affection, dans le silence et la stupeur des témoins de la joute. C’est un renversement total et radical de situation. Voici que la marginalisée et la rejetée se retrouve au centre de l’action à force de cran, de courage et d’amour maternel ; à force de foi  souligne Jésus lui-même !

Foi que l’amour et la miséricorde de Dieu triompheraient de toutes les catégories d’exclusion et de rejet ?

Foi que le vrai Jésus finirait par apparaître en le mettant en demeure de devenir qui il était véritablement !

Cette histoire peut être lue comme un récit de conversion et d’interpellation.

Nous sommes interpelés chaque fois que nous tournons le dos celui qui en a besoin, regardons dans l’autre direction ou le rejetons purement et simplement, avec ou sans injures et imprécations.

Nous sommes interpelés, appelés à choisir entre être ou demeurer des gardes-frontières et des surveillants, ou alors à être et devenir des distributeurs et des administrateurs de la grâce de Dieu, offrant la miséricorde, le pardon et l’amour à chacun de ses enfants, sans préjudice aucun.

Cela n’est pas évident.

Jésus encore plus que la femme cananéenne nous montre le chemin de la repentance et de la conversion. En cela, il ne s’est pas laissé damer le pion il s’est fait vraiment damer le pion. Ce qui n’est pas petit et ajoute encore de la profondeur à l’évangile de ce jour.

Parce qu’il a voulu prendre le risque d’écouter, Jésus, oui Jésus lui-même avec humilité et résolution, en fait, par intégrité avec qui il était par essence, a surement vécu une véritable expérience de transformation et de conversion.

Jésus a cheminé.

Il a cheminé d’une position étroite d’un membre de club à celle inconfortable et risqué, toujours dérangeante et quelquefois bousculée, de l’humain par excellence : une personne ouverte à la détresse de l’autre, une personne pour laquelle rien d’humain ne saurait être aliéné ou étranger.

C’est notre vocation, ici, à Saint-Pierre. Et nous sommes équipés pour l’être.

Ecoute qui a des oreilles. Amen !

Samuel Vauvert Dansokho

Eglise Unie St Pierre et Pinguet

Québec, le 17 août 2014

TEXTES BIBLIQUES

Esaie 56.1-7

1Ainsi parle le SEIGNEUR : Gardez le droit et pratiquez la justice, car mon salut est sur le point d’arriver et ma justice, de se dévoiler. 2Heureux l’homme qui fait cela, le fils d’Adam qui s’y tient, gardant le sabbat sans le déshonorer, gardant sa main de faire aucun mal. 3Qu’il n’aille pas dire, le fils de l’étranger qui s’est attaché au SEIGNEUR, qu’il n’aille pas dire : « Le SEIGNEUR va certainement me séparer de son peuple ! » et que l’eunuque n’aille pas dire : « Voici que je suis un arbre sec ! » 4Car ainsi parle le Seigneur : Aux eunuques qui gardent mes sabbats, qui choisissent de faire ce qui me plaît et qui se tiennent dans mon alliance, à ceux-là je réserverai dans ma Maison, dans mes murs, une stèle porteuse du nom ; ce sera mieux que des fils et des filles ; j’y mettrai un nom perpétuel, qui ne sera jamais retranché. 6Les fils de l’étranger qui s’attachent au SEIGNEUR pour assurer ses offices, pour aimer le nom du SEIGNEUR, pour être à lui comme serviteurs, tous ceux qui gardent le sabbat sans le déshonorer et qui se tiennent dans mon alliance, je les ferai venir à ma sainte montagne, je les ferai jubiler dans la Maison où l’on me prie ; leurs holocaustes et leurs sacrifices seront en faveur sur mon autel, car ma Maison sera appelée : « Maison de prière pour tous les peuples.

Matthieu 15.21-28

21Partant de là, Jésus se retira dans la région de Tyr et de Sidon. 22Et voici qu’une Cananéenne vint de là et elle se mit à crier : « Aie pitié de moi, Seigneur, Fils de David ! Ma fille est cruellement tourmentée par un démon. » 23Mais il ne lui répondit pas un mot. Ses disciples, s’approchant, lui firent cette demande : « Renvoie-la, car elle nous poursuit de ses cris. » 24Jésus répondit : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. » 25Mais la femme vint se prosterner devant lui : « Seigneur, dit-elle, viens à mon secours ! » 26Il répondit : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants pour le jeter aux petits chiens. » – 27« C’est vrai, Seigneur ! reprit-elle ; et justement les petits chiens mangent des miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. » 28Alors Jésus lui répondit : « Femme, ta foi est grande ! Qu’il t’arrive comme tu le veux ! » Et sa fille fut guérie dès cette heure-là.

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