Ne me retiens pas !

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Tout était fini. Il n’y avait rien à faire. Joseph d’Arimathée et Nicodème avaient déjà enveloppé le corps de bandelettes de lin avec des aromates comme on le fait ici. Nicodème avait apporté cent livres d’un mélange de myrrhe et d’aloès. Nous étions plusieurs à croire que Jésus était le messie mais je dois vous dire que ce n’était pas comme ça que j’imaginais qu’on allait l’oindre. Le messie oint après avoir été crucifié entre deux autres hommes ! Non, ce n’était pas du tout ce que nous avons imaginé. Et là, il n’y avait rien à faire.

Le lendemain matin, j’avais besoin d’être seule avec ma peine. Je me suis levée tôt. J’ai quitté la maison alors qu’il faisait encore sombre… dehors… comme dans mon cœur… les ténèbres et le vide. Je n’aurais jamais cru qu’il soit possible de sombrer plus profondément. Mais quand j’ai vu que la pierre avait été enlevée… du coup, c’était le néant le plus total.

Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits.

Je suis partie en courant. Je suis allée chercher deux frères. Ils sont venus. Ils ont vu. Ils ont cru. Et ils sont rentrés. Moi, je suis restée plantée là, figée devant l’horreur. Le procès inique, la torture, la mort ignoble. Ce n’était pas assez, tout ça ? Il fallait aller jusqu’à piller sa sépulture ! C’en était trop! Je n’ai pas pu me retenir. Le barrage a cédé. J’ai pleuré… j’ai pleuré. Des torrents de peine et d’amour fracassé. Au bout d’un certain temps, complètement vidée, je me suis penchée pour enfin voir de mes propres yeux. Le corps de mon maitre n’était vraiment plus là. Juste les bandelettes çà et là. Pas de cadavre. Pourtant, deux corps angéliques encadrent cette absence. « Femme, pourquoi pleures-tu ? » me demandent-ils. Dans le vide, il y a une parole… pas de réponses… mais une écoute. « Pourquoi je pleure ? Parce qu’on a enlevé mon Seigneur et on l’a mis je ne sais où !! » Et là je ressens une présence derrière moi. Je me retourne et je vois un homme que je prends pour le jardiner… il doit savoir ce qui s’est passé. Il doit avoir vu quelque chose. À son tour, il m’invite à mettre des mots sur ce que je vis. Au commencement, Dieu a dit seulement une parole et tout a été créé… en six jours. Vous rendez-vous compte? Dieu a recommencé six fois. N’est-ce pas vrai que, pour mettre de l’ordre dans le chaos de la vie, il faut dire notre peine, nos peurs, nos douleurs, nos soucis ? Et souvent il faut s’y prendre à plusieurs reprises. « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » « Seigneur, si tu l’as enlevé, dis-moi où tu l’as mis et j’irai le prendre. » Et là, il dit seulement une parole et la lumière fut! « Marie ». J’ai reconnu tout de suite Celui qui m’avait appelée par mon nom pour être à lui, pour que j’aie, avec lui, une vie radicalement nouvelle. C’était vraiment lui ! Vivant ! Pas réanimé… mais vraiment ressuscité ! « Rabbouni ! » ai-je dit. Je lui ai sauté dans les bras. J’aurais voulu ne jamais le relâcher, rester blottie contre lui pour toujours – telle une oeuvre d’art, un monument – pour témoigner de ma dévotion tout en glorifiant Celui qui m’avait fait renaitre à la vie. Et lui de me dire : « Ne me retiens pas car je ne suis pas encore monté vers mon Père. »

« Ne me retiens pas. » C’est vraiment lui, ça. Ayant reçu l’onction d’Esprit Saint et de puissance, le messie, le Christ, glisse entre nos doigts. Il nous échappe, comme Dieu nous échappe. Aucune étiquette ne lui colle à la peau. Il ne rentre dans aucune case, dépasse toutes les frontières qu’on essaie de lui imposer.  De son vivant, Jésus a été un juif à la fois très pratiquant et très critique des traditions qui donnent à notre peuple son identité. Il n’a pas abrogé la loi. Il l’a accomplie en la réinterprétant, en lui insufflant une vie nouvelle. Jésus avait une vie de prière était disciplinée mais il n’était pas rigoriste. Entre les lettres de la loi, il y a de l’espace. Par exemple, pour Jésus, il y avait de l’espace pour prendre ses distances par rapport à certains pharisiens hypocrites, comme il y avait de l’espace pour prendre un repas avec des pharisiens justes. Et que dire l’espace qu’il accordait aux femmes ?

Un jour, il prend la défense d’une femme adultère. Il ne débat pas de sa faute à elle, mais expose plutôt le péché de ses accusateurs (Jean 8, 1-11). Et la femme est sauvée. Ça n’a pas l’air de le déranger qu’on ait l’impression qu’une Cananéenne ait eu raison de lui un jour (Matthieu 15, 21-28), Marc 7, 24-30). Et il n’est pas du tout gêné quand Marie, la sœur de Lazarre, lui oint les pieds avant de les essuyer avec ses cheveux. (Jean 12, 1-11).

Il a souvent enseigné à des foules et sa parole nous donnait de croire à une terre nouvelle, un ciel nouveau. Mais, à quelques exceptions près, la plupart du temps, son œuvre transformait le monde… une vie à la fois. Il cherchait l’intimité avec nous toutes et tous, mais a toujours refusé d’être relégué à notre vie privée.

« Ne me retiens pas. Cesse de t’accrocher. Il n’y a pas qu’une façon de ressentir ma présence. Va trouver mes frères et sœurs. Dis-leur que je monte vers mon Père qui est aussi votre Père, vers mon Dieu qui est aussi votre Dieu. Lève la tête. Regarde au-delà de ce que tu as devant les yeux. » Et là j’ai enfin compris que ce que le Christ veut créer avec nous, ce n’est pas pas un monument… mais un mouvement. « Ne me retiens pas ! »

Je ne l’ai pas retenu. Il m’a envoyée. Je suis venue jusqu’ici vous raconter ce que j’ai vu, ce que le Seigneur m’a dit et ce que je crois. C’est en nous que sa vie prend corps maintenant. C’est en nous qu’on reconnaitra sa présence… non pas à l’odeur des huiles aromatiques dont on a enduit son corps, mais à l’essence de son Esprit dont nous avons été oints, nous aussi. L’Esprit qui a animé la vie de Jésus travaille aussi en nous et parmi nous pour réconcilier et renouveler le ciel et la terre… très souvent une vie à la fois. Le Christ est pour nous. Rien ne pourra nous arrêter. Même pas la mort. De grâce, ne rentrons pas comme si de rien n’était. Ce n’est pas le temps de nous retenir ! Allons auprès de nos frères et sœurs et que toute notre vie répande la bonne nouvelle : Christ est ressuscité. Il est vraiment ressuscité. Alléluia !

Dimanche de Pâques – Église Unie Saint-Pierre et Pinguet

 

LECTURES BIBLIQUES

Jean 20, 1-18

Actes 10, 34-44

 

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