L’accueil du réfugié, de l’émigré et de l’étranger dans la Bible

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

La présence avec nous aujourd’hui d’un groupe chrétien porteur de la question des migrations nous incite à nous rappeler, en tant que communauté chrétienne, la part de nous-mêmes que nous devons au phénomène des migrations. C’est dans le contexte des événements qui feront l’objet de ce rappel que pour ma part, je me suis interrogé sur ce que Jésus, ses ancêtres dans la foi biblique et après lui, l’apôtre Paul ont à nous dire sur l’accueil de l’étranger et la coutume du sanctuaire ou droit d’asile que l’Église s’octroie à l’égard du réfugié, tant de l’intérieur du pays que de l’extérieur de celui-ci. J’y reviendrai en guise de conclusion ouverte sur l’inédit possible pour nous dans la suite du Christ Jésus et dans le présent contexte des grandes migrations et innombrables exils forcés.

Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits.

Même si cette réalité ne nous est pas constamment présente à l’esprit, il n’en demeure pas moins que les migrations ont façonné notre communauté. Parmi les antécédents qui ont rendu possible sa fondation, il faut se rappeler que ce sont des immigrants et immigrantes, de Suisse, de France et même de Grande-Bretagne, qui au dix-neuvième siècle, ont réintroduit le protestantisme francophone en ce coin de pays, après l’interdiction dont il avait été frappé à l’époque de la Nouvelle-France. Le pasteur qui dans les années 1980, a promu la fondation de Saint-Pierre, de l’intérieur de la paroisse anglophone Chalmers-Wesley, avec des membres francophiles de sa paroisse, était lui-même un Anglais d’immigration récente. Le premier pasteur de Saint-Pierre était un Suisse ordonné dans l’Église évangélique du Canton de Vaud. Le deuxième était de l’Église réformée de France, aujourd’hui Église protestante unie. Après un bref intérim par un Québécois de l’Église Anglicane, le suivant fut de nouveau un pasteur de l’Église réformée de France. J’ai été le premier pasteur né au Québec et ordonné dans l’Église Unie du Canada à être affecté à cette paroisse, de 1999 jusqu’à ma retraite en 2008. En réalité, je suis moi-même issu de l’immigration, pas la mienne, celle de mes ancêtres français du Poitou et de la Charente maritime, partis de La Rochelle au dix-septième siècle. J’aime m’imaginer qu’ils étaient peut-être des parpaillots contraints de taire leurs convictions pour survivre en terre d’immigration. Quoi qu’il en soit, quand je suis arrivé dans cette paroisse, la majorité des membres était issue des traditions protestantes de France, de Suisse ou d’Afrique francophone. Il faudra plusieurs années avant que les fidèles nés au Québec deviennent majoritaires. Or, un jour, cette paroisse, tissée sur la trame d’une rencontre de migrants de là-bas et de sédentaires d’ici, s’est vue confrontée à des défis qui l’ont forcée à réfléchir et agir consciemment son rapport aux migrations.

En 2000, la paroisse presbytérienne anglophone de cette ville nous a sollicités pour que nous accueillions deux familles francophones de leur confession. Elles étaient apparentées, frère et sœur avec leur famille respective, et réfugiées du Zaïre, aujourd’hui République démocratique du Congo. Ces familles avaient été sélectionnées dans un camp par le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Elles avaient dû fuir leur pays en raison de l’engagement d’un de leurs membres dans la promotion des droits humains par son Église. Saint-Pierre a répondu oui à la demande qui lui était adressée. La paroisse a accueilli et soutenu ces deux familles pendant deux ans, jusqu’à leur déménagement dans une autre ville, pour des raisons d’emploi. Ceux et celles qui étaient avec nous à l’époque se rappelleront le dynamisme que ces familles ont insufflé à la paroisse, grâce à leur assiduité et à la vitalité de leurs enfants et adolescents.

Si dramatique qu’ait été le motif de migration de cette famille, le défi suivant qui s’est présenté à nous s’est avéré une occasion encore plus directe de saisir le drame de beaucoup de migrations, en même temps que les exigences d’une solidarité avec les personnes qui le vivent. En 2004, un réfugié algérien sans statut qui avait épuisé tous ses recours légaux et était menacé de déportation dans son pays d’origine, au risque de sa vie, nous demandait le « droit d’asile dans l’église »; en réalité, une coutume ancienne plutôt qu’un droit, mais généralement respectée au Canada. Sa demande était appuyée par des recommandations de la Fédération internationale des droits de l’homme, Amnistie internationale et la Ligue des droits et libertés du Québec. Au vu des événements survenus au cours des années précédentes, on pouvait facilement comprendre qu’on lui faisait payer son rôle militant dans la défense de plus de 1,000 de ses compatriotes sans statut et la victoire qui s’en était suivie en leur faveur.

Nous avons dit oui à la demande d’asile de ce réfugié et nous nous sommes trouvés engagés, avec des alliés de tous horizons, dans l’environnement citoyen de toutes les manœuvres politiques et juridiques qui peuvent présider à l’accueil ou au refus d’accueil de migrants qui arrivent dans un pays dans la condition de réfugiés sans statut. Une première au Canada : le « droit d’asile dans l’église » a été violé par l’Agence des services frontaliers et le réfugié a été déporté aux Etats-Unis par où il était entré au Canada. Il y a été détenu dans un centre spécialisé jusqu’à ce qu’il obtienne, croyez-le ou non, son statut de réfugié aux Etats-Unis. Après un enchaînement de péripéties qui ont duré cinq ans, il est rentré au Canada avec sa résidence permanente. À toutes les étapes de cette épreuve de longue durée, des membres de cette paroisse ont été partie prenante du réseau de solidarité qui a rendu ce dénouement possible. Nous avons relevé, à notre manière et dans les circonstances historiques qui sont les nôtres, un défi qui avait confronté nos ancêtres dans la foi des temps bibliques. Voyons comment ils le relevaient.

Pour mettre à l’abri de la vendetta tribale les auteurs d’homicide involontaire, le livre des Nombres demande au nom de Dieu que des villes de refuge soient instituées et qu’elles servent « de refuge aussi bien aux fils d’Israël qu’à l’émigré et à l’hôte de passage au milieu d’eux… » (Nb 35, 15). Le livre des Rois, pour sa part, nous fait découvrir que le droit d’asile dans le lieu de culte existait dès les temps bibliques. Pour se mettre sous la protection de Dieu, il fallait saisir les cornes de l’autel, celles que vous voyez sur l’illustration qui figure sur le feuillet qui annonce les lectures bibliques. À la manière d’aujourd’hui, les politiciens respectaient ou ne respectaient pas la protection du sanctuaire. Salomon laisse la vie sauve à Adonias (1 Rois 1, 50-53), mais fait assassiner Joab dans la Tente du Seigneur (1 Rois 2, 28-31). Dans un tout autre contexte et bien plus tard, l’apôtre Paul annoncera aux Éphésiens qui adhérent à la Voie spirituelle inaugurée en Jésus : « Ainsi, vous n’êtes plus des étrangers, ni des émigrés; vous êtes des concitoyens des saints (c’est-à-dire des disciples de Jésus), vous êtes de la famille de Dieu. » (Ep 2, 19). Avant lui, dans la parabole du jugement, Jésus, lui, n’avait précisé ni lieu, ni condition préalable, pour accueillir l’étranger. Il avait fait dire au Fils de l’homme : « Venez, les bénis de mon Père… j’étais un étranger et vous m’avez recueilli… » (Mt 25, 34-35).

Il nous laisse donc le soin d’exercer notre discernement dans notre engagement chrétien et notre engagement citoyen. Le défi est présentement, pour nous, plus facile à relever que ce que nous avons connu, alors que nous avons la joie d’accueillir des familles qui ont franchi toutes les étapes de la procédure d’immigration et ont la sécurité d’une résidence permanente, ouverte sur l’acquisition possible de la citoyenneté. Le défi se présente néanmoins à nous du dialogue interculturel dans le partage d’une foi commune, mais peut-être diversement exprimée. Aussi longtemps que nous resterons une communauté vivante et ouverte sur le monde, la question des migrations se posera à nous comme une question d’éthique chrétienne. Elle se posera diversement et à des degrés d’acuité variables, mais elle se posera inéluctablement. Dieu nous soit en aide. Que son Esprit inspire notre discernement. Amen.

Par Gérald Doré, pasteur bénévole associé

Église Unie Saint-Pierre

Culte avec Sainte Cène du dimanche 6 août 2017

À l’occasion de la visite d’un groupe de l’Église protestante de Genève en réflexion sur la question des migrations, dans le cadre du 500e anniversaire de la Réforme.

 

LECTURES BIBLIQUES

Nombres 35, 9-15

1 Rois 1, 50-53

1 Rois 2, 28-31

Éphésiens 2, 19-22

Matthieu 25, 34-40

2 commentaires

  1. Simon Hénaire says: · ·Répondre

    Gérald, je prends attentivement connaissance de ces réflexions. En tant qu’étudiant en science politique, je suis un peu forcé de réfléchir à la réalité de l’immigration au pays. Il est d’ailleurs paradoxal de constater qu’il faut consentir souvent avec réticence à la diversité alors que pourtant celle-ci est essentielle à la liberté de chacun. Merci de ton homélie, Gérald…

  2. Kristine Greenaway says: · ·Répondre

    Merci pour cette prédication tellement intéressante et tellement d’actualité.

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