La seule chose qui est nécessaire

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La semaine dernière, dans sa prédication sur la parabole du bon Samaritain, Denis a évoqué « l’autoroute des vacances » et les gens que nous croisons « en chemin ». Comme l’Évangile de ce matin suit immédiatement celui de la semaine dernière, et comme aujourd’hui marque officiellement le début des vacances de la construction, j’aimerais faire du pouce sur ce que disait Denis. S’il y en a qui prennent la route, il faut qu’il y en ait qui, comme Marthe et Marie, restent à la maison pour accueillir les gens de passage.

Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits.

Recevoir du monde, ça peut être l’fun. Mais c’est aussi exigeant… surtout si on habite une ville ou un village qui attire beaucoup de visiteurs. En Gaspésie, j’avais baptisé le presbytère que nous habitions Le C&C de D&D (Le « couette et café » – le gite – de Darla et Denis). Généralement, famille et amis se succédaient de la Fête des Patriotes en mai jusqu’à la fin de semaine de l’Action de grâce en octobre. C’était sympathique. Et comme dans la Bible, nos hôtes étaient souvent des anges, des messagers de Dieu.

Dans la première lecture d’aujourd’hui, un jour de grande chaleur, Abraham est en train de « prendre sa cool ». Il lève les yeux et voient trois hommes arriver à l’improviste. Abraham les accueille avec générosité. Bon, c’est sa femme Sarah et un jeune serviteur qui font tout le travail. Que voulez-vous ? C’était comme ça dans le temps. Avant de partir, Abraham entend une nouvelle qu’il n’espérait plus : sa femme lui donnera un fils. Pas rien, surtout dans ce temps-là. Résumant la Bonne Nouvelle de cette histoire, l’Épitre aux Hébreux nous le rappelle : « N’oubliez pas l’hospitalité, car, grâce à elle, certains, sans le savoir, ont accueilli des anges. » (Hébreux 13, 2). Offrir l’hospitalité, c’est l’un des fondements de la tradition judéo-chrétienne. Ça fait partie de notre tissue social, n’est-ce pas ? C’est essentiel à la vie. Combien de fois ai-je entendu les gens dire que le café après le culte, c’est aussi – sinon plus important- que la prédication ? L’affection, la sollicitude, la compassion coulent avec le café, n’est-ce pas ? N’est-il pas vrai que nos hôtes, les gens qu’on accueille avec générosité, deviennent souvent source de bénédictions et de réjouissances pour nous ?

Oui, c’est sympathique, accueillir des gens. Mais c’est aussi du sport! Ça aussi, on l’a connu en Gaspésie. Toute la logistique – qui allait coucher où ? Combien de temps ? Si on accueillait un tel, avait-on de la place pour tel autre ? Puis, il y avait le ménage, les repas, tout le kit. Si on ne faisait pas attention, on pouvait devenir tellement stressés qu’on ne profitait même pas de la visite. Je comprends donc Marthe ! Accueillir du monde avec générosité, c’est du sport ! Et sa sœur ne lève même pas le petit doigt pour l’aider ! Et ce, à une époque où on prend pour acquis que « toutes les femmes sont d’abord ménagères »… pour reprendre un slogan des groupes féministes québécois des années 1970 et 1980. Et Jésus, lui, ne fait rien pour (re)mettre Marie à sa place. Au contraire ! Ce n’est pas rien ça, non plus !

Vous rendez-vous compte ? Bien avant que les québécoises et les québécois se lèvent pour réclamer la reconnaissance du travail ménager, Jésus reconnait à Marie le droit d’avoir une part autre que celle du ménage. Il reconnait à Marie le droit d’aspirer à autre chose que le statut quo, le droit de choisir sa place, le droit de n’être limitée ni par son statut social, ni par les normes de sa culture, ni par les attentes des autres. La voie que nous ouvre le Christ est une voie vraiment libre. Libre à nous, toutes et tous, de choisir où et comment on se situe par rapport au Christ.

Un jour, alors que Jésus est en route pour Jérusalem, il arrête chez Marthe et Marie. Cette journée-là, Marie choisit de se placer aux pieds de Jésus, elle adopte la posture du disciple à l’écoute de son maître. Marthe fait un autre choix. Elle s’affaire à un service compliqué. (v. 40) Et Jésus lui dit : « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. » C’est bien de vouloir bien accueillir le monde. Mais combien de fois laissons-nous nos inquiétudes et notre agitation gâcher notre plaisir, nous empêcher de profiter de l’instant présent, nous enlever du temps de qualité avec les gens autour de nous ? Jésus ne reproche pas à Marthe de vouloir le servir, il l’invite simplement à déposer ses inquiétudes et son agitation. « Arrête de te compliquer la vie, Marthe. Marie a choisi la meilleure part. Fais comme elle et tu auras la vie en abondance. »

Qu’est-ce que Jésus avait à raconter cette journée-là ? On ne le saura jamais. Mais je vous gage qu’il ne parlait pas de la météo. Souvenez-vous, Jésus est en route pour Jérusalem. Il n’est pas en vacances. Il s’en va vers sa mort – une mort qu’il sent venir – et il arrête chez Marthe et Marie. A-t-il juste besoin de parler ? De partager son angoisse, sa détresse psychologique ? Veut-il rassurer les deux sœurs, leur dire que la mort n’aura pas raison de lui, que l’Amour et la Vie que Dieu nous donne sont plus forts que tout ? Leur dire qu’il ressuscitera et enverra son Esprit sur ses disciples afin qu’ils soient équipés pour poursuivre son œuvre dans le monde ? Jésus veut-il s’assurer qu’elles se souviennent de son enseignement pour qu’elles ne perdent pas courage aux heures les plus sombres ? Qu’est-ce que Marthe a manqué parce qu’elle était trop inquiète et agitée pour écouter ce que Jésus avait à lui dire cette journée-là ?

Je la vois en train de faire un repas à 7 services. Mais Jésus ne l’aurait pas aimée moins si elle avait choisi de lui offrir un bon pâté chinois suivi d’une pointe de tarte au sucre. Et elle, elle aurait peut-être été moins inquiète et moins agitée et peut-être qu’elle aurait été plus disponible et disposée à écouter son hôte.

Voilà la seule chose qui est nécessaire à ceux et celles qui veulent être disciples de Jésus. Dans la vie, nous pouvons faire beaucoup de choses… et de bonnes choses… mais une seule est nécessaire, une seule passe avant toutes les autres : écouter la Parole de celui que nous avons choisi comme maître, celui qui est notre chemin vers Dieu. Il y a plein d’individus et de groupes qui font beaucoup de bonnes choses, ce qui nous distingue, nous, disciples du Christ, c’est le temps que nous accordons à l’écoute de sa Parole. Nous ne sommes pas meilleurs que d’autres personnes de bonne volonté mais écouter la Parole du Christ, ça peut faire toute la différence, n’est-ce pas ? (Pour ma part, juste le fait d’avoir la conviction que je n’ai pas à sauver le monde parce que le Christ l’a déjà fait, ça m’enlève une énorme pression.)

Oui, il faut reconnaitre que l’Église est loin d’être parfaite. La communauté des disciples de Jésus n’a pas encore maitrisé l’art d’écouter sa Parole. Si on avait mieux écouté, peut-être que l’Église aurait fait moins de dégâts par le passé. Mais, par la grâce de Dieu, il n’est pas trop tard. Par son Esprit à l’œuvre en nous et parmi nous, Jésus est là, au milieu de nous. Aujourd’hui, en cette première journée du temps des vacances, il nous invite toutes et tous à « prendre ça cool », à déposer nos inquiétudes et notre agitation et à choisir la seule chose qui est nécessaire pour notre plus grand bien et la transformation du monde. Ainsi soit-il. Amen.

LECTURES BIBLIQUES

Genèse 18, 1-10a

Luc 10, 38-42

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