La loi… du minimum au maximum

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« Je ne suis pas venu abroger, mais accomplir ». Jésus parle ici de la Loi et des Prophètes. À son époque, cette  expression recouvrait essentiellement tout ce que nous appelons l’Ancien Testament. Jésus se présente ici  comme celui qui vient combler un dernier vide, il vient remplir, comme on le fait avec un récipient; il vient  achever quelque chose. C’est comme cela qu’il avait fini par comprendre le sens de sa mission : porter à son  achèvement la révélation amorcée avec Moïse et les prophètes. On pourrait dire : édifier le dernier étage de la  construction, le plus beau, le plus lumineux. Un peu à l’image du Créateur qui, ayant modelé l’être humain  avec la boue, achève son œuvre lui donnant vie par son Souffle (Genèse 2 7). 

 

Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits.

C’est à cette lumière, qu’il faut, me semble-t-il, lire ce qui vient ensuite, où Jésus parle de ceux qui transgressent et de ceux qui mettent en pratique « un seul de ces plus petits commandements ».

Mais qu’est-ce que la vie chrétienne a à voir avec les multiples préceptes bibliques? Saint Paul nous enseigne que si la Loi est bonne, puisqu’elle vient de Dieu (1 Timothée 1 8), elle ne sert en réalité qu’à révéler notre impuissance à nous sortir par nous-mêmes du péché qui enferme chaque personne et toute l’histoire humaine. Il l’écrit aux Romains : « la loi ne donne que la connaissance du péché » (3 20) « Je n’ai connu le péché que par la loi » (7 7). Et nous savons comment tout l’enseignement de Paul tourne autour de sa conviction que nous, les chrétiens, nous ne sommes plus sous la Loi, mais sous la grâce.

Faudrait-il donc choisir entre Paul et Jésus?

Paul, ou Jésus? Comment concilier les deux convictions formulées si clairement par l’un et par l’autre?

Je vous propose une réflexion articlée autour de quatre affirmations : 1. La loi est un plancher, 2. La loi est un tremplin, 3. La loi est une ouverture et 4. La loi est un chemin.

  1. La loi est un plancher. Toute loi concerne le vivre ensemble. Or, en ce qui concerne le vivre ensemble, les lois ne peuvent être que des planchers, pas des plafonds, sauf peut-être en ce qui concerne les limites de vitesse sur la route. Les lois peuvent fixer un salaire minimum, mais jamais imposer la générosité. Elles peuvent établir la contribution que les citoyens doivent verser pour le bien commun, le minimum auquel chacun doit être astreint, mais elles ne peuvent forcer personne à donner davantage. Les lois peuvent interdire les paroles haineuses et incitant à la violence, elles ne peuvent obliger à tenir des propos respectueux et pleins d’amour. Elles peuvent dire : « Tu ne tueras pas », elles ne peuvent pas dire « Tu aimeras ».

La loi est un plancher et, comme tout plancher, elle doit être solide. Et stable. Dure, parfois. La sagesse populaire le sait : Dura lex, sed lex. La loi est dure, mais c’est la loi. C’est dans la pierre qu’était gravée la loi de Moïse. La loi ne change pas à tout bout de champ, elle fixe les règles du jeu, elle rend le jeu possible. Et c’est ainsi que la loi est un aussi tremplin.

  1. Un tremplin, il faut que ce soit dur, mais aussi que ce soit souple. La loi nous est donnée pour que nous puissions nous élever au-dessus du minimum. Que serait une société, ou une communauté ecclésiale, qui s’en tiendrait au minimum requis ou prescrit? La loi n’est pas là pour qu’on s’y colle : « J’ai pas tué, j’ai pas volé… » Non, nous ne sommes pas faits pour rester sur le plancher. Nous ne sommes pas faits pour ramper. Une fonction de la loi, c’est de nous fournir un sol ferme sur lequel prendre notre élan. Et quel est cet élan? C’est un élan vers quoi? Un élan vers qui?

  1. La loi est une ouverture. Le respect de la loi devrait nous ouvrir à un attachement au vivre ensemble dans la société dans laquelle nous vivons. Nous ouvrir à une solidarité et à une appartenance. Nous ouvrir à la présence des autres et au respect de leurs droits. La loi divine aussi nous ouvre à nos frères et sœurs humains, mais aussi à Dieu, le législateur. Observons comment dans la Bible, la loi fait l’objet d’une continuelle méditation. L’exemple le plus éloquent en est le psaume 119, et nous pouvons y voir comment sa répétition ouvre en nous une brèche, crée une ouverture Pour cela, il convient de le lire très lentement, en laissant pénétrer en soi, à travers ses incessantes répétitions, chacun de ses thèmes.

Je vous invite à prendre le verset du psaume 119 qui vous a été remis avec la feuille de chant. Vous allez le lire, à voix haute, à tour de rôle, en allant de l’avant à l’arrière en commençant par la section du milieu. Après chaque verset, Gordon jouera quelques notes.

Lecture de versets du psaume 119

Vous aurez sûrement observé qu’une des caractéristiques frappantes de ce psaume, c’est qu’il parle à Dieu. À force de le lire ou de le dire, ce qui finit par ressortir, c’est le « ton commandement », le « ta parole », le « tes voies ». En un mot, c’est la relation. La loi se révèle ici ouverture sur la relation au législateur. Elle conduit à s’attacher à lui. Je crois que Jésus a beaucoup médité, habité et prié ce psaume. En effet, on trouve chez lui la même logique : « Celui qui a mes commandements et qui les observe, celui-là m’aime […] Si vous observez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme, en observant les commandements de mon Père, je demeure dans son amour » (Jean 14 21; 15 10). Le commandement de Jésus ouvre à tous et à toutes un chemin de vie.

  1. La loi est un chemin. Comme on est loin, ici, de l’obsession scrupuleuse de ce qui est permis et de ce qui est défendu, de ce qui est pur et de ce qui est impur, de ce qui est licite et de ce qui est interdit! On peut facilement observer comment, du début à la fin du psaume 119, les commandements et les décrets de Dieu sont tout aussi bien associés à aux chemins de Dieu. « Tes préceptes, je les méditerai et je contemplerai tes voies (15). Fais-moi discerner le chemin de tes préceptes (27). Conduis-moi sur le sentier de tes commandements, car je m’y plais (35). »

Ces voies et ces sentiers sont intérieurs. Les versets qui suivent notre texte dans le Sermon sur la montagne, et qui nous seront lus ces prochains dimanches, montreront clairement comment aux yeux de Jésus, ce qui importe, c’est de faire du commandement un point de départ vers autre chose. C’est en cela qu’il est un maître spirituel : il nous fait pénétrer plus avant. Plus loin. Il est écrit « Tu ne tueras pas »? Travaillez sur ce qui conduit au meurtre, comme la colère, la vengeance, le ressentiment. Il est écrit « Tu ne commettras pas d’adultère? » Travaillez sur ce qui y conduit, le désir, la convoitise et l’esprit de possession. Il est écrit d’éviter le parjure? Travaillez à dire toujours la vérité. Etc.

Pour nous, chrétiens, c’est un rôle pédagogique que joue la loi. Elle se révèle un chemin sur lequel on apprend à développer une délicatesse de conscience. Une intériorité. Un regard porté d’abord sur soi-même. « Qu’as-tu à regarder la paille qui est dans l’œil de ton frère? Et la poutre qui est dans le tien, tu ne la remarques pas? » (Matthieu 7 3)

En fait, le commentaire le plus sûr des enseignements de Jésus sur la loi, c’est lui-même qui nous le donne dans l’épisode de la femme adultère. « Maître, disent les accusateurs de la femme, cette femme a été prise en flagrant délit d’adultère. Dans la loi, Moïse nous a prescrit de lapider ces femmes-là. Et toi, qu’en dis-tu? » Nous connaissons la réponse de Jésus : « Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lui jette la première pierre » (Jean 8 5-7). Ici, Paul et Jésus se rejoignent. Le sens de la loi, c’est de révéler le péché pour faire entrer dans un mouvement de conversion et d’ouverture à la grâce. Les accusateurs de la femme ne voient que le péché de la femme, la paille, la loi ne les éclaire pas sur le leur, leur poutre. Quel drame! Mais pour qui, dans le miroir de la loi, reconnaît son incapacité à vivre parfaitement, s’ouvre alors la grâce gratuite qui achemine vers la vie nouvelle.

Une vie nouvelle est possible, à la lumière de la parole de Jésus : « Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres. Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres » (Jean 13 34), ce à quoi Paul fait écho : « La loi tout entière trouve son accomplissement dans cette unique parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Galates 5 14).

Amen.

Par Paul-André Giguère

 

LECTURES BIBLIQUES

Deutéronome 30, 15-20

Matthieu 5, 17-26

Paul-André plus petit

 

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