Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite

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porte etroiteCe qui importe, aux yeux de Jésus, ce qu’il voudrait qu’il importe aux nôtres, ce n’est pas le salut individuel : c’est la venue du Règne de Dieu. Mais entrer dans cette manière de voir et de vivre qui était celle de Jésus, c’est tout un revirement quand on a été habitué à honorer Dieu essentiellement dans le culte et le respect des règles de la morale individuelle.

Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits.


Vous avez sûrement remarqué que Jésus ne répond pas à la question, sans doute curieuse, mais probablement plutôt angoissée, que quelqu’un vient de lui poser : « Seigneur, n’y aura-t-il que peu de gens qui seront sauvés? » Cette question, certains se la posaient aussi au temps où Luc et Matthieu ont rédigé leur évangile, et elle a agité, à toutes les époques, l’esprit de plus d’une personne inquiète. Jésus fait ici comme il en avait l’habitude quand il estimait qu’une question était à côté de la plaque, comme on dit. Ce n’est pas que la question l’embarrasse, c’est que pour lui, c’est une fausse question.

Tout l’évangile montre que la façon de voir de Jésus est totalement étrangère à ce type de questionnement. Aussi n’est-il pas surprenant qu’il invite une fois de plus ses auditeurs, et nous, les lecteurs de l’évangile, à se déplacer. À voir les choses autrement. Je dirais que pour lui, se préoccuper de son salut comme si le nombre de places était limité et qu’il fallait jouer du coude pour y entrer, ou multiplier les bonnes actions pour le mériter plus que d’autres, c’est être tombé dans un piège. Ce qui importe, aux yeux de Jésus, ce qu’il voudrait qu’il importe aux nôtres, ce n’est pas le salut individuel : c’est la venue du Règne de Dieu.

Si on replace la question dans le contexte du chapitre 13 de l’évangile de Luc où se trouve la scène que nous méditons, on observe que les versets qui la précèdent immédiatement reprennent les deux seules paraboles qui, dans cet évangile, concernent le Royaume de Dieu : celle du grain de moutarde, qui a été semé et qui pousse, et celle du levain, qu’une femme a mêlé à la farine et qui fera lever la pâte.

C’est comme si Jésus disait : Dieu a semé dans l’humanité le germe qui est sûrement en train de grandir; il a mis dans la farine de l’histoire le levain qui fait que la pâte est sûrement en train de lever. Jésus avait confiance en l’humanité parce qu’il avait confiance en Dieu. Les fruits de salut ne peuvent pas ne pas venir. Le Règne de Dieu, il est tout proche, il est en train d’arriver. Voilà ce qui, pour lui, importe. Cela fait écho à une autre de ses paroles, que Luc a placée au début du chapitre 12, que notre texte suit de près : « Cherchez le Royaume de Dieu et cela vous sera donné par surcroît. Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume » (12 21-32). Ne sois pas paralysé par la crainte qu’il n’y ait que peu de personnes qui soient sauvées. Le Royaume de Dieu, c’est donné, souligne-t-il deux fois. Il relève entièrement de ce que les chrétiens appellent la « grâce ».

Nous retrouvons bien ici l’homme passionné et ardent qui disait, dans le texte que nous avons médité la semaine dernière : « C’est un feu que je suis venu apporter ». Rappelez-vous : c’est dans sa fréquentation de l’Écriture que Jésus avait trouvé sa passion pour le Règne de Dieu, et c’est là qu’il l’alimentait. Il la trouvait dans des textes comme celui d’Ésaïe que nous avons entendu il y a un instant, où Dieu dit : « Je viens pour rassembler les nations de toutes les langues, qui n’ont jamais entendu parler de moi et n’ont jamais vu ma gloire […] Et il adviendra que de nouvelle lune en nouvelle lune et de sabbat en sabbat, toute chair viendra se prosterner devant moi » (66 18-19.23).

C’est cette promesse qui faisait vivre Jésus et qui l’animait. Celle d’une humanité transformée, unifiée, réconciliée, vivant comme une grande famille dans la reconnaissance d’un Père universel. La promesse d’un Dieu qui parle des « cieux nouveaux et une terre nouvelle que je suis en train de faire » (Ésaïe 66 22). Voilà ce qui, pour Jésus, était déjà en marche, ce qui était en train de pousser, ce qui était en train de lever. Voilà ce que Dieu faisait et auquel Jésus cherchait à collaborer, en nous invitant à faire de même.

C’est dans ce contexte que les paroles qui suivent dans l’évangile et qui nous semblent très dures doivent être situées : leur sévérité est à la mesure de l’illusion dans laquelle nous risquons tous de nous enfermer. Et cette illusion, Jésus veut nous y arracher. « Seigneur, nous avons mangé et bu devant toi et c’est sur nos places que tu as enseigné! » Nous avons fréquenté ton temple, pris part à ta Sainte Cène, nous avons écouté ta parole!

Quand Jésus dit, en Luc, que la porte étroite sera un jour fermée, il mentionne l’urgence de la conversion. C’est maintenant, c’est aujourd’hui, qu’il faut passer par la porte étroite. Avant que le moment du jugement survienne. Le contexte est presque le même que celui du chapitre 25 de l’évangile de Matthieu, où le juge dit : Vous, qui vous croyez justes, vous serez scandalisés de ce que des hommes et des femmes « qui n’ont jamais entendu parler de Dieu », pour reprendre les mots d’Ésaïe, venus de partout, de l’Orient aussi bien que de l’Occident, du nord et du sud, prennent part au festin dans le Royaume de Dieu. C’est que ce Royaume, ils l’ont rêvé, ils y ont cru et ils ont contribué à le faire advenir. Et comment? En combattant la faim et la soif dans le monde. En accordant aux pauvres vêtements et autres conditions de vie décentes. En accueillant les réfugiés et les exilés. En luttant contre l’isolement et le rejet qui affligent les malades, les personnes âgées ou les détenus dans toutes les prisons du monde (Matthieu 25 35-36).

Entrer dans cette manière de voir et de vivre qui était celle de Jésus, c’est tout un revirement quand on a été habitué à honorer Dieu essentiellement dans le culte et le respect des règles de la morale individuelle. C’est souffrant de renoncer à des manières de voir et de vivre qui nous ont toujours semblé évidentes, allant de soi. C’est particulièrement éprouvant, à notre époque, de cesser de se préoccuper de sa propre vie, de sa croissance et de son accomplissement personnel, et de son sort final.

La conversion est une véritable épreuve et Jésus a raison de la comparer au franchissement d’une porte étroite. C’est aussi ce dont nous parle l’auteur de la lettre aux Hébreux : N’ayez pas peur de cette exigeante correction de trajectoire que Dieu vous propose. C’est éprouvant, c’est contrariant, mais c’est une grâce qui vous est faite par un père qui aime et éduque son enfant. À l’heure des Olympiques, on pourrait suggérer encore la comparaison avec les consignes et la discipline auxquelles un entraîneur astreint les athlètes pour qui il ne veut qu’une chose : la victoire.

Ceci dit, je conviens qu’il existe encore dans le texte de l’évangile d’aujourd’hui des paroles que nous trouvons obscures ou qui nous heurtent. Prions pour que les questions qu’elles soulèvent, et qui sont légitimes, ne fassent pas écran et ne nous distraient pas de l’essentiel que nous venons d’essayer de dégager ensemble : Dieu est à l’œuvre dans le devenir tortueux et souvent erratique de l’humanité. Continuons de lutter courageusement avec Amnistie internationale pour la liberté des prisonniers d’opinion, avec l’ACAT pour l’abolition de la torture, avec les mouvements écologistes contre tout ce qui menace la biodiversité, la santé humaine ou l’épuisement des ressources de la planète, avec les groupes populaires ou même des partis politiques pour promouvoir des logements décents et abordables ou pour favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes, l’inclusion des minorités sexuelles ou l’intégration des réfugiés.

Devant l’ampleur des problèmes et la puissance indécente des forces adverses nourries par la cupidité, les préjugés ou l’inconscience, nous pourrions avoir mille raisons de baisser les bras. Voilà pourquoi notre fréquentation des Écritures et notre participation au culte constituent une discipline salutaire pour nous aider à continuer à nous « efforcer d’entrer par la porte étroite », et pour nous aider, comme nous le lisions dimanche dernier, à « courir avec endurance l’épreuve qui nous est proposée, les regards fixés sur celui qui est l’initiateur de la foi et qui la mène à son accomplissement, Jésus » (Hébreux 12 2). Amen.

Par Paul-André Giguère

 

TEXTES BIBLIQUES

Ésaïe 66 18-23

Hébreux 12 5-7.11-13

Luc 13 22-30

Paul-André plus petit

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