Comme au cinéma…

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

Qui de vous, cette semaine, a visionné un film? Écouté une dramatique? Regardé les informations ou un reportage à la télé? Une image vaut mille mots… Et tout est une question de perception et d’interprétation. Heureux, vos yeux parce qu’ils voient, et vos oreilles parce qu’elles entendent.[1] De 7 à 12 images par seconde, l’œil perçoit une succession de scènes; avec 24 images par seconde, le tableau capté par l’œil s’anime littéralement; le cerveau interprète alors cette séquence d’images de façon fluide, qui défilent les unes après les autres comme un mouvement continu. L’image statique prend vie. Si on rajoute le son on dirait bien qu’on y est. Bienvenue au cinéma dont la naissance remonte à un peu plus de cent ans.

Mille mots pour une image ? Au fil des siècles qui ont précédé cette apparition, les humains, agglutinés dans la chaleur d’un feu protecteur, rassemblés près de l’âtre où le repas cuisait en embaument la maisonnée, regroupés dans des temples de toutes sortes, dans des sanctuaires remplis de symboles d’un monde par-delà celui-ci, dans toutes les langues et les cultures, les humains donc ont prononcé des millions de mots pour partager des images, des intuitions, des rêves, des visions. Ces rassemblements étaient l’équivalent en quelque sorte du cinéma, où justement on projetait des représentations de la vie, du déroulement de l’histoire personnelle et collective, de la destinée appréhendée dans l’au-delà. La tradition orale racontait, répétait, encore et encore, jusqu’à ce que le tableau statique, l’image, bouge dans l’esprit de l’auditeur, s’anime dans la tête et vive de façon fluide dans le cœur des gens. Vois-tu…? demande-t-on à un interlocuteur après avoir expliqué, en long et en large, quelque chose?

La Bible radote si je peux me permettre cette affirmation un peu cavalière; pour une bonne part elle consigne dans un texte ce qui a été répété des centaines, des milliers, voire des millions de fois. Mais alors, combien de répétitions faut-il pour que quelqu’un comprenne? Et combien de fois pour que nos sociétés se réforment? Quand donc cela arrivera-t-il? Quel sera le signe que cela va avoir lieu?[2] Il y a 48 heures de cela nous soulignions le Jour du souvenir, le rappel des souffrances endurées et des vies perdues lors des conflits armés : coquelicots rouges, pour les milliers de soldats mutilés de corps et d’esprit, morts loin de leurs proches, disparus sans laisser de trace, répondant aux ordres; coquelicots blancs, pour les millions de victimes civiles qu’on prétend chaque fois vouloir épargner mais qui toujours se retrouvent affligées, spoliées, torturées et violées. Et ces horreurs n’ont de cesse; les images ont les a vues des milliers de fois et pourtant, on n’apprend pas. Mémoire sélective… Mémoire intempestive… Mémoire obsessive… Mémoire évaporée? L’Histoire se répète. Jusques à quand Seigneur…?

Durant cette semaine du souvenir, j’ai regardé À l’Ouest, rien de nouveau, la nouvelle adaptation cinématographique du roman classique d’Erich Maria Remarque paru 1929, qui décrit la Première Guerre mondiale vue par un jeune soldat volontaire allemand sur le front ouest. Le propos du poète et cinéaste Jean Cocteau m’est apparu encore plus incisif pour un tel film : « Le cinéma c’est la mort qui travaille à vingt-quatre images par seconde. »  Ce visionnement auquel je me suis contraint a été pour moi en quelque sorte un devoir de mémoire, un besoin de radoter. Devoir de mémoire comme nous le faisons ensemble lorsque, assemblés pour le culte, nous écoutons encore et encore, les textes de l’Écriture, que nous nous imprégnons du message des cantiques familiers, afin que les images prennent vie en nous, que nous vivions tel que Dieu nous appelle inlassablement à le faire.

Les signes de la fin abondent autour de nous mais ce ne sera pas aussitôt la fin[3]. Comment secouer la torpeur qui paralyse nos actions, en finir avec ce report constant de la transformation indispensable pour faire corps avec le projet divin de vie en plénitude? La finalité des signes c’est de nous inciter à risquer devenir dès maintenant le changement que nous voulons voir dans le monde[4]. Dans le dernier livre de la Bible hébraïque, Malachie le prophète pointe à cet avènement ultime qui aiguillonne notre cœur : Voici que vient le jour… tous les arrogants et les méchants ne seront que paillePour nous qui craignons son nom, le soleil de justice se lèvera portant la guérison dans ses rayons.[5] Encourageons nous mutuellement à discerner ce qui ad-vient en dessous des apparences, pour ne pas sombrer dans le désespoir. Car c’est par votre persévérance que vous gagnerez la vie.[6] C’est la promesse du Soleil de justice, Christ, qui porte la guérison pour nous, pour notre monde, pour l’univers entier, selon le dessein de Dieu, par le mouvement mystérieux autant qu’illimitable de l’Esprit. Amen.

Photo: Courtoisie A.C. Desforges, Montréal, novembre 2022

 

LECTURES BIBLIQUES

Malachie 3, 19-20a

Luc 21, 5-19

[1] Matthieu 13,16

[2] Luc 21,7

[3] Luc 21,9b

[4] https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/mahatma-gandhi-sois-le-changement-que-tu-veux-voir-dans-le-monde

[5] Malachie 3,19-20

[6] Luc 21,19

 

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