Christ, c’est pas juste !

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

Christ, c’est pas juste ! (La similitude entre ce cri du cœur et le juron familier au Québec est consciente et délibérée.) Qui n’a pas un jour formulé une prière semblable ? « Christ, c’est pas juste ! »  C’est pas juste que le nouveau propriétaire d’une résidence privée pour aînées ne respecte pas l’acte de vente et que les résidents doivent se battre en cour pour demeurer dans leur milieu de vie et préserver les services auxquels ils ont droit. C’est pas juste que des parents qui achètent une nouvelle maison – à 8,6 km de leur ancienne – perdent les services de l’infirmière auxiliaire qui veillent la nuit sur leur fille handicapée. Pas parce que l’infirmière veut pas les suivre dans leur nouvelle maison… mais à cause de la lourdeur administrative de notre système de santé. « Christ, c’est pas juste ! » Et là, il ne s’agit que de deux situations dans lesquelles se trouvent des gens que je connais. C’est pas juste non plus, ce qui arrive en Ukraine, en Haïti, en Iran, aux États-Unis. Et c’est pas juste que certaines personnes semblent l’avoir beaucoup plus dur dans la vie. Christ, c’est pas juste !

Non, c’est pas juste. Mais c’est pas une raison de baisser les bras, d’arrêter de lever la voix, de perdre complètement confiance en Dieu comme en l’humanité. C’est pas parce que les choses n’évoluent pas comme on l’aurait souhaité, c’est pas parce que c’est long, que c’est peine perdue ! C’est ce que je vois dans la parabole de ce matin.

Nous ne savons pas grand-chose sur la veuve dans la parabole de ce matin. Nous ne savons pas qui est son adversaire. Nous ne savons pas qui – ou quoi – lui fait obstacle. Parce que c’est ça un adversaire, n’est-ce pas ? Quelqu’un ou quelque chose qui bloque notre chemin, qui nous empêche d’avoir accès à notre juste part des biens et des services de la société afin de vivre dans la dignité. L’adversaire, c’est tout ce qui s’oppose à la volonté de Dieu : qu’on ait la vie toujours nouvelle et éternelle… et qu’on l’ait en partage. Revenons à la veuve. Quelle est la cause quelle plaide ? La parabole ne le précise pas. Aussi peut-elle représenter toute personne victime d’injustice. Tout ce que nous savons sur elle, c’est qu’elle est veuve – donc l’une des plus vulnérables dans une société où les femmes n’ont ni statut ni droits, ni filet social, en dehors de la maison paternelle ou des liens du mariage. Elle est parmi les plus démunis des démunis. Et elle affronte un juge – donc, quelqu’un qui du pouvoir et des privilèges. Ce juge n’a ni crainte de Dieu, ni respect de ces concitoyens. Donc, on peut s’imaginer que la veuve, elle, a toutes les raisons de se décourager. Tout semble perdu d’avance. Mais c’est peut-être justement parce qu’elle n’a absolument rien à perdre qu’elle ne lâche pas. Le seul outil qu’elle a, elle l’utilise : sa voix.  « Rends-moi justice contre mon adversaire ! Accorde-moi ma juste part des bénédictions de Dieu. Accorde-moi, ma juste place dans l’économie de Dieu. »

« C’est pas juste ! » Tous les parents, y compris Dieu, n’entendent-ils pas cette exclamation de la part de leurs enfants qui ont l’impression de ne pas avoir reçu ce qui leur est dû ? Pour ce qui est de Dieu, la vie de Jésus ne nous démontre-t-elle pas que la justice de Dieu n’a rien avoir avec ce que nous « méritons ». La justice de Dieu, c’est ce que Dieu nous accorde gratuitement, par la foi, c’est-à-dire, par notre confiance en Dieu.

La justice de Dieu, ce n’est pas un système de punitions et de récompenses dispensées selon nos actions plus ou moins bonnes. La justice de Dieu, c’est une relation à vivre. Une relation juste est une façon d’être qui est conforme à la volonté de Dieu pour nous et pour les autres. Et nous sommes justifiés, alignés sur la volonté de Dieu par la foi, notre confiance en Dieu, par la grâce seule.

Revenons à l’exemple de la vie de Jésus. Il n’a rien fait pour « mériter » la croix. Ce n’est pas ça la justice de Dieu. La justice de Dieu, c’est que même là, sur la croix, représentant toutes les victimes de l’injustice des humains, en Christ, Dieu est avec nous. Par la grâce seule, l’injustice des humains n’aura pas le dernier mot. Rien ne pourra nous séparer éternellement de la vie que Dieu nous donne en partage. Rien.

Vu sous cet angle, « Rends-moi justice contre mon adversaire ! » pourrait se traduire, me semble-t-il, par « Quelles que soient les circonstances dans lesquelles je me trouve, ne laisse rien, ni personne me séparer de Dieu. » Et là, même le plus inique des juges ne fait pas le poids de Dieu. En Jésus, Dieu ne nous laisse jamais seuls, même dans les moments les plus immérités de nos existences.

Voilà pourquoi il faut toujours persévérer dans la prière, et particulièrement dans notre prière des Écritures. Elles « ont le pouvoir de [nous] communiquer la sagesse qui conduit au salut par la foi qui est dans le Christ Jésus. Toute Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour réfuter, pour redresser, pour éduquer dans la justice » (2 Timothée 3, 14-17), afin qu’on soit équipés pour faire ce qui est juste à notre tour, en réponse au don de Dieu. C’est en persévérant dans la prière que nous arrivons à garder le cap, à garder le contact avec Dieu, à nous accrocher à Dieu. C’est la prière qui nous permet de vaincre les adversaires qui se mettent entre nous et Dieu, même quand nous aurions toutes les raisons d’être complètement découragés…

« Christ, c’est pas juste ! » Et à notre cri du cœur Jésus semble répondre à ses disciples d’hier et d’aujourd’hui : « C’est pas juste mais c’est pas parce que la vie n’est pas comme on l’avait imaginée, c’est long que ça veut dire que justice ne sera jamais rendue. La justice de Dieu l’emportera sur l’injustice des humains. »

Le juge inique finit par rendre justice à la veuve. Non, ses motivations ne sont pas altruistes… loin de là. Mais justice est quand même rendue. Même le pire des égoïstes mesquins peut finir par faire ce qui est juste. Vous rendez-vous compte ? On n’a pas à attendre que Dieu ait fini de changer le cœur de tous les humains pour que justice soit rendue. Voilà une raison d’espérer !

La veuve dans notre parabole a eu gain de cause. Il y a quelques jours, le juge qui entend la cause des aînées qui luttent pour sauvegarder leur milieu de vie leur a accordé six mois de sursis en disant aux avocats du nouveau propriétaire : « Je comprends que [pour votre client], c’est pour des raisons économiques, mais j’ai des humains qui sont là en face de moi. » Et la persévérance des parents et d’un journaliste de La Presse semblent faire bouger les choses pour qu’une petite fille handicapée retrouve bientôt son infirmière auxiliaire bien aimée. Tout n’est pas fini. Mais c’est pas parce que c’est long que c’est peine perdue.

Frères et sœurs dans la foi, persévérons dans la prière. Élevons nos voix pour crier jour et nuit « Christ, c’est pas juste ! » confiants que Dieu nous donnera raison et qu’un jour, par sa grâce, toutes et tous auront la vie en partage. Amen.

 

LECTURES BIBLIQUES

2 Timothée 3, 14 – 4,5

Luc 18, 1-8

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