Nous venons d’entendre deux récits qui ravivent ma confiance en l’humanité et mon espérance pour le monde. Si Saul et Pierre peuvent changer si radicalement de vie, amen, amen, je vous le dis, rien n’est impossible à Dieu !
Depuis toujours, les régimes totalitaires ont besoin de collaborateurs qui croient dur comme fer qu’il est juste de faire disparaitre toute opposition aux décrets des puissants de ce monde. Sans doute Saul croyait agir en bon Juif : Make Israël Great Again en faisant disparaitre tout nouveau venu perçu comme une menace pour le peuple choisi depuis des générations. Son voyage à Damas avait un seul objectif : « S’il trouvait là des adeptes de la Voie, hommes ou femmes, il les amènerait, enchaînés, à Jérusalem. » (v. 2) C’est à croire que rien n’a changé en plus de 2000 ans… sauf que… comme on vient de l’entendre… tout peut changer… en une fraction de seconde… alors qu’on s’y attend le moins.
Saul poursuit résolument son chemin quand soudain une lumière l’enveloppe et une voix l’appelle par son nom. Il tombe en bas de ces grands-chevaux… et toutes ses anciennes certitudes s’envolent en éclats : « Saoul, Saoul, pourquoi me persécuter ? » – « Qui es-tu, Seigneur ? » demanda-t-il. « Je suis Jésus, c’est moi que tu persécutes. » Souvenons-nous de ce détail important : ce n’est pas par un argumentaire théologique béton que la conversion s’opère. Tout est grâce, une initiative divine qui déclenche une expérience spirituelle de rencontre personnelle et qui est soutenue ensuite par une communauté. Après cette rencontre intime – car ses compagnons ne voient pas Jésus – Saul se relève de terre. En grec le verbe utilisé ici pour « se releva » est le même qui est utilisé pour évoquer la résurrection. Il est relevé à une vie radicalement différente de celle qu’il menait auparavant.
Mais sa conversion – comme toute conversion en fait – est un processus. Saul ne voit toujours pas. Celui à qui on avait donné le pouvoir de faire mourir les autres doit maintenant dépendre des autres. Il doit se faire conduire par ses compagnons de route. L’expérience de conversion est un lâcher-prise qui implique faire confiance à d’autres que soi, dépendre d’autrui. C’est en aveugle conduit par autrui que Saul arrive à Damas où il demeurera sans manger, ni boire pendant trois jours. Il passera trois jours dans une sorte de séjour des morts avant qu’Ananias vienne lui imposer les mains. Que serait devenu Saul – que seraient devenues les communautés qu’il a fondées ? – si Ananias n’avait pas choisi d’écouter son cœur, de prendre le risque de la confiance en Dieu comme en Saul (qu’Ananias finit par appeler son frère) ? Que serait devenu Saul, si d’autres gens ne l’avaient pas logé et nourri le temps qu’il ait les jambes assez solides pour marcher de lui-même dans la Voie ? Ça prend un village pour relever un vivant.
Je pense particulièrement ici à ces personnes judiciarisées que je côtoie à l’Aumônerie communautaire de Québec. Ces gens ont besoin de compagnons et de compagnes de route pour les guider. Pour refaire leurs forces et leur vie, ils ont besoin que nous risquions la confiance envers eux sur leur chemin de rétablissement.
Mais n’est-ce pas vrai pour nous toutes et tous ? Qui n’a pas péché ? Qui, tout en pensant viser juste, n’a pas manqué la cible ? Même les disciples les plus fervents, les plus désireux de marcher dans la Voie du Seigneur peuvent faire fausse route. Regardons Simon Pierre, par exemple. Il a beau professer que Jésus était le Christ (Matthieu 16, 15) ; il a beau jurer qu’il délaisserait sa vie pour son maître (Jean 13,37-38) ; la nuit de l’arrestation de Jésus, à trois reprises, Simon Pierre nie être l’un de ses disciples (Jean 18, 15-27).
Dans le monde d’aujourd’hui, si Simon Pierre et Saul étaient sur les réseaux sociaux, beaucoup de monde les aurait sans doute cancellés… bannis complètement ! Ces gars-là ne méritent pas d’être reconnus comme disciples. Certains iraient peut-être même jusqu’à dire qu’ils ne méritent pas de vivre. Les humains peuvent être si cruels parfois !
Le Ressuscité, lui, ne cancelle jamais personne. Il revient sans cesse à la charge invitant petits et grands pécheurs, comme Pierre et Saul, à devenir pêcheurs… pas des pêcheurs qui surexploitent des ressources pour l’appât du gain, ni des pêcheurs qui prennent des hommes et des femmes de force, les étouffant dans les filets de leurs doctrines et de leurs idéologies. Mais bien des pêcheurs qui travaillent pour rapporter de quoi faire vivre les multitudes par l’abondance des dons de Dieu. La vie de disciple est une vie de partage et de don de soi, pour le bien commun. Cela veut dire que, peu importe le travail que nous effectuons, rémunéré ou bénévole, nous sommes toutes et tous des pécheurs appelés à devenir pêcheurs.
C’est ce que Pierre et Saul vont devenir. Au cours des prochaines semaines, nous les verrons à l’œuvre. Pierre va apprendre à soigner et à conduire les brebis du Christ. Saul qui cherchait à faire disparaître les adeptes de la Voie, deviendra l’un des principaux instruments de sa croissance. Les deux hommes apprendront le lâcher-prise et le don de soi. Le chemin sera ardu, semé d’embuches et de souffrances mais ils n’abandonneront plus. Ils donneront le meilleur de leur vie pour le bien de tous ceux et celles que le Christ leur confiera. Et cela par amour pour le Ressuscité qui les a relevés, eux aussi.
Oui, je vous le dis, si Saul et Pierre peuvent changer si radicalement de vie, rien n’est impossible à Dieu ! Christ est ressuscité et Dieu peut relever même le plus récalcitrant de qui se croit vivant. Par la grâce seule, tous les pécheurs peuvent devenir pêcheurs ! Amen.
LECTURES BIBLIQUES
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