Être compatissant, devenir prochain

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« Qui est mon prochain? »

Cette question-là que je vous ai lancée au début du culte, je vous la pose encore une fois. Ne répondez pas trop rapidement, toutefois! Laissez-là couler tout doucement en dedans de vous autres…

« Qui est mon prochain? »

Pour creuser un peu la question, je nous invite à revenir au début de l’année. Dans le Royaume d’à côté, 2025 a commencé avec une drôle de vibe, la politique et le christianisme identitaire ayant décidé de faire un seul ménage, ma foi, assez peu convaincant. Souvenez-vous comment, pour justifier son « programme d’expulsion des immigrants illégaux », le vice-président des États-Unis a sorti saint Augustin des boules à mites. À ceux et celles qui ont contesté son programme dont on voit déjà les dérives, monsieur le vice-président s’est improvisé théologien en se référant au père de l’Église et à son concept « Ordor Amoris », c’est-à-dire « l’amour ordonné. » Ordre non pas en tant qu’impératif, mais comme, semble-t-il, une suite de priorités dans l’amour. Il paraitrait que l’amour, pour monsieur le vice-président, suit un ordre de priorité logique dans le christianisme. Première fois que j’entends ça…

Je cite et traduis : « Il y a un concept dans le christianisme, dit monsieur Vance, qui veut que tu aimes ta famille et ensuite ton prochain, que tu aimes ta communauté puis celui qui a la même citoyenneté que toi et, par après, que tu priorises le reste du monde1 ».

Frères et sœurs dans le Christ, par où commencer si ce n’est pas pour dire qu’il est urgent de retourner aux fondements de l’Évangile.

« Qui est mon prochain ? »

Jamais question n’aura été aussi actuelle et nécessaire. Jamais question n’est autant revenu sur la table. Pour corriger le tir de notre ami de la maison blanche, je vous propose de nous pencher sur trois aspects de la parabole du bon Samaritain.

Dans un premier temps – et on ne le fait pas assez souvent à mon avis –, il importe d’aborder les personnages de la parabole de Jésus. Parce que, oui, il y en a pas deux, mais plusieurs. Nous avons des bandits, une victime laissée à moitié morte, mais aussi un prêtre, un lévite, un Samaritain ainsi qu’un aubergiste. Ils agissent selon leur fonction dans un contexte donné. Autour de la personne laissée à moitié morte gravitent ceux et celles considérés par la société comme justes et fréquentables ou bien impies et infréquentables.

La parabole de Jésus présente donc un monde divisé, recréant un microcosme social basé sur l’époque,mais qui n’est pas sans évoquer non plus le nôtre. Pour la majorité des personnages qui partagent la route et portent des divisions, le concept de « prochain » ne devait pas être clair du tout. Néanmoins, cette même division entre « castes » est mise à l’épreuve avec l’arrivée du bon Samaritain.

D’une manière plutôt subversive, ce n’est pas ni le prête ni le lévite qui se fait le prochain de la personne blessée, mais le Samaritain qui, considéré comme infréquentable, agit par bonté. Ceux qui étaient considérés comme proches politiquement et religieusement du blessé, n’en déplaise au vice-président, sont en fait les plus éloignés.

Au contraire du prêtre et du lévite, le samaritain n’agit pas selon des codes de pureté ou d’appartenance, mais selon ce qu’il ressent. Il s’est laissé prendre aux tripes par la pitié, la compassion pour autrui.

Vraiment, cette parabole-là est doublement subversive parcequ’elle va à l’encontre du sens commun qui voudrait que notre prochain soit quelqu’un qui partage notre statut. D’autre part, quoi de plus étonnant que d’entendre Jésus donner autant d’importance au ressenti du Samaritain qui réduit l’écart entre deux personnes qui ne devraient pas, de prime abord, devenir proches.

À la lumière de l’importance de la compassion qui rapproche et fait d’une personne le prochain de l’autre, la question n’est peut-être plus de savoir qui est mon prochain, mais bien de savoir comment devenons-nous le prochain de l’autre.

Antoine Nouis rappelle dans son commentaire de l’Évangile que plusieurs pères de l’Église ont interprété cette parabole comme une représentation du Christ qui, pris de pitié pour nous, vient au secours de l’humanité blessée. Ce n’est pas si étonnant, étant donné que Jean l’évangéliste et Paul nous rappellent sans cesse que Dieu a, par amour pour nous, envoyé son fils pour que nous ayons la vie.

On ne peut pas faire abstraction de cette information-là, car la parabole s’inscrit avant tout dans une invitation à être fidèle à la voie de l’amour et de la vie. Si Dieu a manifesté pour nous son amour à travers Jésus et si être chrétiens et chrétiennes consiste à nous revêtir et témoigner de cet amour-là, il est impératif que notre vie, nos relations avec autrui soient conformes à l’amour compatissant du Seigneur. Par conséquent, nous aussi, nous sommes appelés à venir au secours de l’humanité blessée en rompant les liens qui nous divisent en castes, en nationalités, en clans.

Que ça plaise ou pas au vice-président des États-Unis, dans le cœur amoureux de Dieu et dont nous avons hérité, il n’y a pas d’ordre de priorités. Aimer à la manière du Seigneur exige de nous un coeur ouvert et affranchi de toutes attaches politiques et culturelles. Je ne dis pas que c’est facile – l’Évangile ne l’a jamais été, entendons-nous bien –, mais c’est ce qui nous a été demandé pour vivre ici maintenant le Royaume de Dieu qui est conforme à son amour.

En sommes, Frères et sœurs, ne nous laissons pas embobiner par les raccourcies d’une politique qui n’a d’autres desseins que de se servir de l’Évangile pour arriver à ses propres fins. Puissions-nous, en posant notre regard sur le Christ compatissant, aimer notre prochain comme nous-mêmes, comme nous aimons Dieu et comme le Seigneur, notre père, notre mère nous aime.

Qu’il en soit ainsi selon notre foi.

Amen

LECTURES BIBLIQUES

Luc 10, 25-37

1 « There is a Christian concept that you love your family and then you love your neighbour, and then you love your community, and then you love your fellow citizens, and then after that, prioritize the rest of the world. » [https://www.christiantoday.com/news/the-battle-of-the-theological-politicians]

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