En ce dernier dimanche du temps pascal, le lectionnaire nous propose un flashback, un retour à la nuit de la dernière cène, tout juste avant l’arrestation de Jésus. Jean nous dit un peu plus tôt que Jésus savait qu’on allait le trahir et qu’il en était troublé (Jean 13, 21). Et là, alors qu’il doit être saisi d’angoisse… Jésus prie. Pas pour lui-même… mais pour ses disciples qui, malgré toute la bonne volonté du monde (Jean 13, 36-38)… ne seront pas à la hauteur de leur vocation, ne tiendront pas leurs promesses, feront le mal qu’ils ne veulent pas faire plutôt que le bien auquel ils sont appelés. Dans la nuit où on le trahit, Jésus prie pour ses premiers disciples… et pour nous : « Je ne prie pas seulement pour eux, je prie aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi : que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi, qu’ils soient en nous eux aussi… » (Jean 17, 20-21).
« Que tous soient uns » est la devise donnée à notre Église par ses fondateurs, comme un souhait d’anniversaire à renouveler année après année. Et ce verset est souvent cité lors de célébrations et autres événements œcuméniques pour évoquer l’aspiration de l’unité chrétienne. Mais pour quelle unité Jésus prie-t-il ? Pour quelle unité devrions-nous prier au juste ?
Dans son commentaire sur le Nouveau Testament, le pasteur Antoine Nouis souligne qu’il s’agit moins de l’unité des chrétiens entre eux… et encore moins de l’uniformité dans leur façon de vivre leur foi… mais plutôt de l’unité avec Dieu et avec son Fils bien-aimé : « C’est cette union-là qui fonde le rapprochement entre les chrétiens selon l’image de la roue et de ses rayons. C’est en se rapprochant du centre que les rayons se rapprochent les uns des autres. »1 Notre unité trouve sa racine, se découvre et se consolide dans notre proximité avec le Christ. C’est dans cette unité que se découvre et se consolide notre identité et notre vocation comme frères et sœurs du Christ, fils et filles bien-aimés de Dieu.
« Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes un, moi en eux comme toi en moi, pour qu’ils parviennent à l’unité parfaite. » (vv. 22-23) (Ici, « parfait » vient du mot grec τελειόω qui signifie, « accompli, achevé, réalisé, amené au but proposé. En d’autres mots, Jésus prie pour qu’on parvienne à l’unité pour laquelle nous avons été créés dans la gloire du Christ. Souvenons-nous de ce que Paul-André a souligné dans sa prédication il y a deux semaines. Dans l’univers biblique, la notion de gloire trouve sa racine dans le mot hébreu kābôd, qu’on trouve entre autres dans l’extrait d’Ésaïe utilisé comme annonce de la grâce il y a quelques minutes. Dans l’univers biblique, univers dans lequel Jésus a été formé, kābôd, la gloire, évoque quelque chose qui a du poids, de la valeur, ce qui compte vraiment. Et cette gloire, c’est Dieu qui la donne à son peuple. À son peuple rebelle et infidèle, son peuple qui abandonne leur Sauveur, délaisse ses sentiers et trahit son alliance, Dieu dit : « Tu vaux cher à mes yeux… tu as du poids et moi je t’aime. … Parole du Seigneur (cf. Ésaïe 43, 4.7)
Le jour où Jésus a été baptisé, une voix s’est fait entendre : « « Tu es mon fils bien-aimé ; en toi je trouve toute ma joie. » (Luc 3, 21-22). La gloire que Dieu donne à Jésus et que Jésus nous donne, c’est l’amour. Jésus est l’incarnation de l’amour que Dieu donne. Il ne rend pas le mal pour le mal ou l’insulte pour l’insulte. Il n’est pas de parole trompeuse sur ses lèvres. En tout, il poursuit la paix, le shalom… la vie en abondance pour toutes et tous. Voilà sa gloire… et cette gloire, il nous la donne.
Je me souviens d’un membre de la paroisse en Ontario où j’ai fait l’un de mes stages. Elle est née la même année que l’Église Unie, a été née et était impliquée dans la vie de l’Église toute sa vie. Un jour elle me dit, « Darla, c’est évident que ton Dieu est le Dieu de l’amour. » Et moi de répondre : « Mais, Gerry, nous avons le même Dieu ! » Au fil des ans j’ai croisé beaucoup de Gerry dans ma vie de pasteure, des gens qui ont moins de difficulté à reconnaitre le mal qu’ils font qu’ils ont à saisir pleinement l’amour inconditionnel de Dieu pour tous ses enfants bien-aimés. Ah… si tout le monde se confiait pleinement à l’amour que Dieu donne, si tout le monde se laissait imbiber de la gloire de Dieu ! C’est la gloire de Dieu qui, par la grâce, nous donne d’être compatissants, miséricordieux, humbles et animés de l’amour… comme Jésus l’était. C’est la gloire de Dieu qui est notre plus grande bénédiction et qui nous donne d’être une bénédiction pour les autres.
Seigneur, si seulement tous tes enfants bien-aimés cessaient de chercher la gloire ailleurs… dans le pouvoir, les richesses, leurs accomplissements, l’adulation des autres. Si seulement on donnait tout son poids à ta Parole et accordait moins d’importance aux opinions, aux évaluations et au regard des autres. Cela apaiserait bien des angoisses et nous ferait avancer vers la paix sur la Terre. Notre gloire, la seule gloire qui compte vraiment : « Tu as du prix à mes yeux… et je t’aime. » Voilà la gloire qui unit et unifie, qui donne le sens et l’orientation de nos vies.
« Soyez tous dans de mêmes dispositions » (1Pierre 3,8). Selon moi, cela ne signifie pas qu’il faut tout le monde ait la même opinion ou vive leur foi de la même manière mais plutôt que nous soyons orientés par l’éclat de la gloire que le Christ a reçu de Dieu et qu’il nous donne. C’est ainsi que la prière de Jésus sera pleinement exaucée et que nous serons parfaitement un. Uni-e-s dans la gloire. Amen.
1 Nouis, Antoine, Le Nouveau Testament : commentaire intégral verset par verset, les quatres Évangiles, Olivétan/Salvator, 2018, p. 739
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