Toutes mes relations

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

« Père saint, garde-les en ton nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un comme nous sommes un ». Quelle belle prière pour la Fête de pères… et pour chaque dimanche qui est la fête du Père. Que tous les enfants du Père soient un. Une idée rassembleuse, certes. Toutefois, si Jean met cette intention de prière dans la bouche de Jésus à plusieurs reprises en quelques versets – lisez Jean 17 au complet et vous verrez – c’est parce que faire un, n’est pas chose facile. La répétition a comme effet de souligner – comme on surligne en jaune une phrase importante dans un livre – un aspect fondamental, fondateur même, de la communauté chrétienne. Mais c’est quand même pas évident. Honnêtement, souvent faire un… fait peur…

Les premiers disciples de Jésus étaient tous juifs. À l’époque de Paul, des non-juifs commençaient à se joindre au mouvement chrétien – le corps constitué d’hommes et de femmes qui marchaient à la suite du Christ. Mais comment juifs et non-juifs pouvaient-ils « faire un » ? N’y avait-il pas un risque de perdre son identité propre, de ne plus être ce qu’ils ont toujours été ? Oui. Et à vrai dire, c’est exactement ce qui est arrivé. Les premiers disciples de Jésus, les premiers Chrétiens, Pierre, Jean, Jaques… et ensuite Paul…et tous les autres… trouveraient sûrement bien bizarre notre manière de rendre un culte au Dieu de Jésus Christ.

Chaque fois qu’on essaie d’inclure du neuf, du nouveau monde, de nouveaux cantiques, de nouvelles façons de faire Église, autant il y en a qui sont contents, autant, il y en a qui se sentent bousculés. En vérité, on ne peut pas incorporer du neuf sans changer. Impossible de « faire corps » avec notre prochain et rester pareil. L’accueil, quand il est authentique, est toujours transformateur.

« Père saint, garde-les en ton nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un comme nous sommes un ». Vous me l’avez entendu dire souvent au fil des ans, je crois ne crois pas que Jésus priait pour l’uniformité du corps du Christ, pour l’assimilation de toutes et tous à une seule culture d’Église dominante. Ce qui fait que nous sommes un en Christ, ce n’est pas un ensemble de caractéristiques qui demeureraient relativement statiques dans le temps. Nous sommes un parce qu’un même amour divin circule en nous et entre nous. Nous sommes unis par l’amour qui a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint du Christ.

« Père saint, garde-les en ton nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un comme nous sommes un ». Nous sommes un parce que nous portons toutes et tous le même nom que Dieu a donné à Jésus. Vous souvenez-vous ? Le jour où Jésus a été baptisé, une voix s’est fait entendre : « ‘Tu es mon fils bien-aimé ; en toi je trouve toute ma joie. » (Luc 3, 21-22). Nous sommes un non pas parce que nous sommes toutes et tous identiques… mais parce que nous portons toutes et tous le même nom : Enfant, fille, fils bien-aimé de Dieu. Nous sommes un parce que nous portons un même nom et nous appartenons à une même famille, nous avons une même identité.

Dans nos cultures nord-américaines, européennes, c’est notre prénom qui est le premier nom par lequel nous nous identifions. Dans d’autres cultures, celles d’Afrique par exemple, si je comprends bien, c’est le nom de famille qui prévaut. On s’identifie d’abord et avant tout par la famille à laquelle on appartient. Je me demande ce qui se passerait si je m’identifiais en disant : Bien-aimée de Dieu, Darla Sloan ? Et si on s’identifiait toutes et tous de la même manière « Bonjour, Bien-aimé-e de Dieu… » ?

« Je prie pour eux ; je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que tu m’as donnés : ils sont à toi, et tout ce qui est à moi est à toi, comme tout ce qui est à toi est à moi, et j’ai été glorifié en eux. » (Jean 17, 9-10). J’entends des voix qui se lèvent… « Mais comment ça ? Jean fait dire à Jésus qu’il ne prie pas pour le monde ? Comment ça ? Jésus se désintéresse-t-il du monde ? Je ne crois pas, non. Jean n’ouvre-t-il pas son Évangile en disant que tout a été créé par le Verbe qui s’est fait chair en Jésus ? (Jean 1, 1-3) Jean ne nous dit-il pas que Dieu a tant aimé le monde qu’il a envoyé Jésus pour que le monde soit sauvé par lui ? (Jean 3, 16-17) Non, Jésus ne se désintéresse pas du monde. Peut-être qu’il ne prie pas pour le monde parce que si tous les fils et filles bien-aimés de Dieu étaient vraiment un… le message du salut retentiraient à travers leurs vies interreliées et le monde, l’univers même, en serait transformé à tout jamais. (Notez que le mot grec que Jean utilise pour parler du monde est kosmos).

Jésus prie : « Je ne te demande pas de les ôter du monde, mais de les garder du Mauvais. » (v. 15). Le Mauvais, poneros, dans le grec, désigne ce qui est plein d’ennuis, de peine de difficultés. Jésus ne se désintéresse pas du monde. Le but de la vie en Christ n’est pas de nous sauver du monde mais que nous soyons sauvés avec le monde. Que notre union avec le Christ fasse de nous collaborateurs et collaboratrices à l’œuvre salvifique de Dieu dans le monde… le kosmos.

« Père saint, garde-les en ton nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un comme nous sommes un » Cette prière est bien traduite, me semble-t-il, par la phrase en Mohawk ajoutée à l’écusson en 2012 pour traduire « Que tous soient un », la devise de l’Église Unie du Canada. La phrase en Mohawk – que je ne saurais prononcer – donne en français « tous unis » ou, plus précisément, « toutes mes relations ». Cette phrase signifie que nous sommes unis parce nous faisons partie intégrante de la toile de la vie, ce système d’interrelations par lequel la création tout entière tient ensemble. C’est cette toile qui nous donne notre identité. Pour reprendre la confession de foi, trait identitaire de l’Église Unie : « Nous vivons dans le monde que Dieu a créé. Nous sommes appelés… à vivre avec respect dans la création, à aimer et servir les autres… »

Au début du culte, nous avons prié une adaptation du psaume 8 qui affirme que l’être humain a été créé « un peu inférieur à Dieu » et que tout a été mis sous ses pieds. Nous, les humains, avons dominé la terre en la surexploitant alors qu’on aurait dû nous comporter en intendants fidèles, attentifs aux cris de tout ce que nous piétinons. Mais la Bonne Nouvelle, c’est que, puisque nous sommes en Christ comme le Christ est en Dieu, au bout du compte, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu et des projets que Dieu a formés pour sa création. Par la foi, nous demeurons en Christ, lui qui, par la grâce de Dieu, rend justes toutes nos relations. Il travaille continuellement en nous et parmi nous pour réconcilier et renouveler… pour la gloire de Dieu, et le salut du monde. Amen.

LECTURES BIBLIQUES

Romains 5, 1-5

Jean 17, 9-17

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