LECTURES BIBLIQUES : Psaumes 32 ; Jonas 2, 1-11 ; Actes 2, 31b-39
Frères et sœurs dans le Christ, ce n’est pas un secret pour qui que ce soit : le mois de novembre est pour plusieurs un mois d’épreuve de toutes sortes. Je reviens donc à ce que je vous ai mentionné au début du culte. Novembre, c’est entre autres le moment du déclin de la lumière qui cultive notre vitalité ainsi que, pour certains, l’apparition des symptômes de la dépression saisonnière. Novembre, c’est le moment où, plus fatigués que d’habitude, nous pouvons avoir l’impression que le temps glissa entre nos doigts ou, pire encore, que la mort se faufila dans nos vies.
Saviez-vous que, au Canada, le début du mois de novembre a été choisi pour être un moment de réflexion quant à la douleur? Et oui, en ce dimanche même, débute la semaine de sensibilisation envers la douleur physique et psychologique, chronique ou temporaire. Mine de rien, ce moment de sensibilisation constitue une occasion idéale pour tâter le pouls de notre santé individuelle, mais aussi collective.
C’est, bien sûr, sans parler des premières neiges qui viendront bientôt et qui annonceront la venue de l’hiver, des déplacements difficiles, du « frette » qui va nous rentrer dans les os. Alors, on sera davantage porté à rester au creux de notre maison, la petite laine sur les épaules. Peut-être même qu’on se surprendra dans les prochaines semaines à rêver déjà du printemps, de l’été et du beau temps. Voyez-vous, dans le jour qui décline, dans une douleur que nous portons peut-être aujourd’hui, on peut se sentir pris, comme Jonas, dans les entrailles du poisson.
Toutes ces spécificités du mois novembre nous rappellent à quel point les circonstances dans lesquelles nous sommes peuvent affecter notre vie de disciple. Tous les services rendus au Seigneur ne sont pas toujours faciles à accomplir. Parfois, ils peuvent nous déplaire selon leur orientation tantôt proposée, tantôt imposée. Là-dessus, Jonas en aurait long à faire.
Vous savez, le livre racontant le ministère de Jonas dans ses hauts et ses bas n’est composé en fait que de quatre petits, petits chapitres. Ceux-ci racontent au lecteur le cheminement d’un individu aussi normal que nous. Un disciple qui reçoit, se détourne, intègre et exerce finalement son appel, sa vocation à travers diverses péripéties tantôt joyeuses, tantôt tragiques.
Appelé par Dieu à se rendre à Ninive pour prêcher la conversion des cœurs et renverser le funeste avenir du peuple pécheur, Jonas décide plutôt d’aller à contre-courant, n’écoutant pas la parole du Seigneur. Dans un geste de fuite qui peut nous rappeler certaines de nos difficultés passées ou présentes, Jonas prend plutôt le cap vers Tarsis.
Vous vous rappelez peut-être de la suite et du célèbre choix du prophète qui pousse d’un cran son refus de se laisser convaincre par le Seigneur. En route vers Tarsis, une grande tempête se lève en mer et tout l’équipage, Jonas inclut, contemple leur propre disparition. Attribuant à ladite tempête une signification punitive pour son refus de prêcher à Ninive, Jonas demande aux marins de le jeter à la mer. Alors là, on passe de la fuite du disciple à ce qu’on pourrait qualifier de suicide. Il préfère en finir que de répondre à son appel. On peut concevoir que c’est un peu intense comme réaction. Quand il ne veut pas faire quelque chose ou qu’il se sent dérangé, Jonas peut aller très loin dans ses actes de sabotages.
On pourrait se poser les deux questions suivantes : « Pourquoi un tel refus? Pourquoi un tel entêtement chez Jonas qui en vient même à s’autodétruire ? » Bien honnêtement, l’auteur du texte ne l’explique pas clairement. Néanmoins, ces actions précipitées et pas vraiment réfléchies démontrent chez Jonas, à mon avis, une peur viscérale de l’inconnue et du changement. Qui d’entre nous aime plonger dans l’inconnu et changer ses perspectives? Qui choisirait facilement de braver la tempête hivernale – comme celle intérieure – pour répondre à un appel?
Force est de constater que le cheminent de Jonas peut évoquer notre propre cheminement de disciples. Nous aussi, dans nos frayeurs, dans nos doutes et nos colères, nous avons déjà dit « non ». Peut-être même qu’on s’est nous aussi un jour « sacré à l’eau ». C’est un fait, même, qu’il nous arrive encore d’aller en sens contraire du vent de l’Esprit, refusant de reconnaître les signes avant-coureurs d’un naufrage à venir. Vous savez, la peur et l’empressement peuvent nous amener, comme Jonas, à prendre des décisions peu réfléchies et peu adaptées à notre situation.
Dans la peur et le refus, Jonas se tire à l’eau. Toutefois, voilà que le Seigneur dépêche un gros poisson pour engloutir son disciple. Dans les entrailles de la bête, seul avec lui-même, Jonas débute un moment de discernement qui durera trois jours et trois nuits. Il y aurait bien sûr beaucoup à dire de ce fameux passage de Jonas au « séjour des morts » et qui rappelle bien entendu les trois jours et trois nuits de Jésus au tombeau.
La première chose qu’on peut remarquer, c’est à quel point les entrailles du poisson constituent un lieu de paradoxes. Je ne parle pas ici d’une invraisemblance dans le récit, mais d’un sens qui renvoie à plusieurs aspects qui ont l’air de prime abord contradictoires. Voyez-vous, les entrailles du poisson correspondent à la fois à un lieu de mort, mais aussi celui que Dieu choisit pour préserver et cultiver la vie.
Quand on s’imagine le ventre du poisson, le séjour des morts, ça peut nous paraître comme un lieu qui inspire la frayeur. Toutefois, ce serait oublier que c’est aussi dans ce lieu-là qu’on retrouve le silence et la non-distraction. J’irais même jusqu’à dire que c’est un lieu de paix dans lequel il nous est donné d’exercer notre discernement. Du moins, c’est celui qui incite Jonas à réfléchir aux tournants de sa propre vie et, à travers un moment de prière fécond, à s’en remettre complètement au Seigneur. On peut aussi s’imaginer autrement le ventre du poisson : un cimetière inspirant dans lequel on pourrait se promener, un monastère de briques dans lequel prier ou encore, même, une maison ou une église engloutit par la neige et dans laquelle nous examinons par la fenêtre les détours de notre propre vie en attente du printemps.
Dans l’hiver, dans nos épreuves, dans ce qui nous apparaît être le « séjour des morts », il nous est donné de vivre en fait un temps de gestation qui est aussi, paradoxalement, la prémisse d’une résurrection.
Jonas se trouve dans une situation très ambiguë. Une situation inconfortable qui le garde à la frontière de la vie et de la mort. Toutefois, dans cet inconfort qui peut être aussi le nôtre, à nous qui traversons des épreuves, Dieu n’a pas fini de se révéler. Comme le Christ jaillissant de son tombeau, Jonas finira par sortir des entrailles du poisson afin d’accomplir son appel envers le peuple. L’histoire nous démontrera que Jonas aura encore beaucoup de chemin à faire dans l’intégration de sa vocation, mais elle nous montrera aussi à quel point la grâce de Dieu surabonde pour ses enfants, pour son peuple.
Bien-aimés dans le Christ, la situation de Jonas est, ultimement, celle d’une gestation qui, au moment désigné par le Seigneur, fera jaillir la vie en nous et parmi nous. La saison des épreuves, de la lassitude et de la peur est ce qu’elle est, c’est-à-dire simplement un « temps » qui passe. C’est une occasion à saisir pour prier, réfléchir, faire vérité pour que, une fois le printemps revenu, nous soyons prêts à nous rendre là où nous sommes appelés à être.
Le Seigneur garde nos âmes; sa grâce, même au « séjour des morts », ne tarit jamais.
Amen
Auteur de l’image : Daniil Onischenko
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