LECTURES BIBLIQUES: Psaume 111; Jacques 2,14-17; Luc 17,11-19
Nous revoici en ce 2e dimanche d’octobre, fête de l’Action de grâce qui de nos jours reçoit un accueil très mitigé. À lire les billets d’opinion des journaux et écouter les commentaires (ça va tellement mal partout, faut être naïf ou décroché de la réalité pour parler de ça) je constate que bien des gens ne savent plus trop de quoi il s’agit, hormis d’un jour férié pour les travailleurs. Carrefour ressource humaine la présente ainsi : Décrétée comme congé national par une proclamation du Parlement canadien du 31 janvier 1957, l’Action de grâce (en anglais : Thanksgiving), est une tradition ancienne qui remonte à plus de 2000 ans. Elle commémore l’époque où on célébrait la fin des récoltes agricoles, et où on rendait grâce aux bonheurs reçus et vécus pendant l’année. L’occasion également pour les familles et les amis de festoyer autour d’un bon met traditionnellement composé d’une dinde et d’autres légumes d’automne. Une pub de la SAQ déclare : « votre action de grâce commence ici » en proposant des points de fidélité supplémentaires à l’achat de vin. La chroniqueuse d’un journal suggère de considérer l’action de grâce comme la fête des maraichers, en reconnaissance pour leur travail. Ça c’est pas mal! On mentionne rapidement au passage les racines de la célébration à l’accueil bienveillant que les premiers peuples ont fait aux immigrants européens, lors de repas constitués de denrées encore inconnues, une introduction festive à ce qui était pour eux un nouveau monde. Bref notre société sécularisée peine à trouver une manière d’exprimer la reconnaissance de façon convergente et unificatrice parmi ses citoyens.
Les textes de ce jour nous situent d’emblée dans un univers où le sacré et le profane ne sont pas séparés. Si les références géographiques (vers Jérusalem, à travers la Samarie et la Galilée1), ethniques (Samaritain, Juifs2), religieuses (Allez vous montrer aux prêtres, rendant gloire à Dieu3) et sociales (lépreux s’arrêtèrent à distance, cet étranger4) sont particulières au contexte du Moyen-Orient du 1er siècle, la typologie symbolique a une valeur constante qui vient nourrir notre réflexion, toucher notre cœur et relancer notre élan. Encore et toujours, demeurons attentifs et laissons l’Esprit divin utiliser l’Écriture pour dynamiser notre vie. Passer à travers la Galilée et la Samarie en route vers Jérusalem est un déplacement symbolique : nous sommes conviés à avancer par-delà nos identités sociales arbitraires, issues du hasard de notre naissance, de notre milieu social pour marcher délibérément dans notre vie vers la cité de paix/Jérusalem et, chemin faisant, nous approprier et dispenser autour de nous les valeurs du règne de paix.
Et ici, à mon tour je glorifie Dieu, et je veux rendre grâce, pour notre frère Paul-André dont les réflexions profondes sur l’évangile de ce jour ont guidé ma propre réflexion. Ce qui illustre d’ailleurs un enseignement pivot du texte de Luc. Jésus est dans son humanité, l’instrument, le médiateur de la guérison divine octroyée aux lépreux qui, à sa demande, s’en vont remplir l’exigence religieuse de se montrer aux prêtres5 alors que la guérison n’arrivera en fait que lorsqu’ils se sont mis en route. Le Samaritain guéri revint en rendant gloire à Dieu à pleine voix6 et se jette aux pieds de Jésus en lui rendant grâce7. Dieu agit à travers quelqu’un (ou quelque chose) pour notre bien. Rendre grâce à quelqu’un (ici Jésus), c’est revenir (se rappeler, se rendre compte du bienfait) pour ainsi donner gloire à Dieu. L’agent du bienfait, l’instrument de la guérison, est un être humain (ou une circonstance, une réalité matérielle particulières) mais c’est toujours le Sacré qui est à l’œuvre, l’énergie divine qui opère et qui est glorifiée.
La gloire de Dieu et l’agir humain engagé sont réellement indissociables. Nous sommes les intermédiaires de la bienveillance divine, ses distributeurs à l’instar de Jésus. C’est, il me semble, ce qui est mis en relief dans l’autre des Écritures de ce matin : la lettre de Jacques nous invite à réaliser combien nous sommes intimement impliqués dans l’agir de salut de Dieu. Les paroles, la théorie, ne sont aucunement la fin : la compréhension pour être complète débouche nécessairement dans les gestes. Une foi sans œuvre passe à côté du Christ, c’est-à-dire de la vérité profonde et entière de notre humanité8.
Relève-toi, va. Ta foi t’a sauvé9 dit Jésus au Samaritain et en prolongement à chacun.e de nous. En accueillant ce qui est fait pour lui/pour nous alors que nous sommes en chemin nous nous inscrivons à notre tour dans un mouvement continu de réciprocité. L’ouverture du cœur, la confiance, la foi en la Vie est le fondement sacré de la reconnaissance, de l’action de grâce. Aucun décret, aucun règlement ne peut obliger une attitude d’altruisme bienveillant. Davantage qu’une fête, l’action de grâce est une manière de vivre au monde.
« Si la seule prière que vous dites au cours de votre vie est ‘merci’, cela suffira ». Maître Eckhart (13e siècle).
1 Luc 17, 11
2 Luc 17, 16
3 Luc 17, 14.15a
4 Luc 17, 12b.18b
5 Luc 17, 14a
6 Luc 17, 15
7 Luc 17, 16
8 Jacques 2, 17
9 Luc 17, 19
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