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L’espérance nouvelle en Jésus

LECTURES BIBLIQUES: 1 Thessaloniciens 3, 6-13Luc 21, 5-19

Je vous ai annoncé tout à l’heure et dans l’infolettre que le thème de notre culte est l’espérance. Mais comment parler d’espérance suite aux textes que nous venons d’entendre?

Du Temple, « il ne restera pas pierre sur pierre, tout sera détruit ». Cette phrase peut nous rappeler une autre destruction, celle des tours du World Trade Center qui se sont écroulées le11 septembre 2001. Probablement que chacun se souvient où il était à ce moment-là. Permettez que je vous relate mon souvenir.

En cette matinée de mardi, j’étais en classe avec un groupe d’élèves de quatrième secondaire. Pendant qu’ils travaillaient en équipes, je suis allé porter un document au secrétariat. Tout le personnel y écoutait les nouvelles avec un air atterré. De retour en classe, j’ai tout arrêté pour discuter de cette tragédie avec ces jeunes de 15 ans. Ça  n’a pas été long avant qu’ils me parlent « de guerres et de soulèvements », pour employer les mots de l’Évangile que nous venons de lire.  Comme nous tous, ces élèves sont devenus très inquiets et ils perdaient espoir.

Ici, il convient de bien faire la distinction entre l’espoir et l’espérance. L’espoir résulte d’un calcul. Pour prendre un exemple, j’ai des amis qui ont encore espoir de voir leurs Nordiques revenir à Québec. Mais rien n’est moins sûr! L’espérance, elle, résulte d’une promesse. Nous, pauvres humains, n’arrivons pas toujours à tenir nos promesses, mais il n’en est pas ainsi de Dieu. Lorsqu’il promet, Dieu le fait dans le cadre d’alliances indéfectibles. C’est cela qui fonde notre espérance.

Nous retrouvons ce genre de promesses divines dans plusieurs passages du Premier Testament, entre autres dans les psaumes appelés « chants du Règne » dont fait partie le no 98, que je vous invite à lire en alternance avec moi.

Psaume 98

1. Chantez au SEIGNEUR un chant nouveau, car il a fait des merveilles. Sa droite, son bras très saint l’ont rendu vainqueur.

2 Le SEIGNEUR a fait connaître sa victoire ; aux yeux des nations il a révélé sa justice.

3 Il s’est rappelé sa fidélité, sa loyauté, en faveur de la maison d’Israël. Jusqu’au bout de la terre, on a vu la victoire de notre Dieu.

4 Acclamez le SEIGNEUR, terre entière ; faites éclater vos chants de joie et vos musiques ;

5 jouez pour le SEIGNEUR sur la cithare, sur la cithare, au son des instruments.

6 Avec les trompettes, au son du cor, acclamez le roi, le SEIGNEUR

7 Que grondent la mer et ses richesses, le monde et ses habitants !

8 Que les fleuves battent des mains, qu’avec eux les montagnes crient de joie

9 devant le SEIGNEUR, car il vient pour gouverner la terre. Il gouvernera le monde avec justice et les peuples avec droiture.

Avec un tel psaume, nous avons une idée de l’espérance d’Israël. Reprenons-en quelques mots; « aux yeux des nations il a révélé sa justice»; «  Acclamez le SEIGNEUR, terre entière». Voilà l’espérance d’Israël. Même la création y prend part : « Que les fleuves battent des mains, qu’avec eux les montagnes crient de joie ».

Cette conception de l’espérance, les prophètes la partagent. Comme le souligne le bibliste Jean Duplacy, « Ils aspirent au jour où Israël sera rempli de la connaissance de Dieu (Es 11,9) parce que Dieu aura renouvelé les cœurs (Éz 36, 25ss) tandis que les nations se convertiront (Es 2,3) »i.

Ces mêmes prophètes ont cristalisé cette espérance dans l’annonce d’un messie. Or, à l’époque de Jésus sévissait une fièvre messianique en réaction à l’occupation romaine. On était dans l’attente d’un messie puissant qui allait restaurer le droit et la paix en Israël et partout ailleurs, un messie à la fois prêtre, roi, sage et prophète. David Neuhaus, supérieur des Jésuites en Terre Sainte souligne que ces titres correspondent aux grandes parties du Premier Testament : pentateuque pour le messie-prêtre, livres historiques pour le messie-roi, pour les livres de sagesse et les prophètes, cela va de soiii.

À entendre Jésus annoncer la ruine du Temple, de ce temple tout neuf dont Hérode le Grand avait achevé la construction vers 19 avant notre èreiii, les disciples ont dû voir leur espérance, l’espérance d’Israël, s’écrouler. Car ce messie-prêtre attendu avait besoin du Temple.

En annonçant la destruction du Temple, Jésus nous ouvre à une espérance nouvelle, celle de la résurrection. Parlant de son corps, il dira, « détruisez ce temple, et en trois jours, je le relèverai » (Jn 2, 19) . Par sa résurrection, Jésus rend plus que jamais à l’espérance d’Israël son caractère définitif et universel. Ce n’est plus à Jérusalem ou en Samarie qu’il faut adorer, dira-t-il à la Samaritaine, mais en esprit et en vérité. Plus besoin de Temple, donc, car nous sommes le temple de Dieu, et l’Esprit de Dieu habite en nous, écrira l’apôtre Paul (1Co 3,16).

Une fois que nous avons dit tout cela, la question se pose de savoir comment vivre notre espérance. D’abord, certainement pas à la manière des Thessaloniciens qui, croyant imminent le retour de Jésus, avaient cessé de travailler. Il s’agit là d’une dérive qui a vu naître des sectes. Vivre l’espérance chrétienne, ce n’est pas avoir la tête dans les nuages en attendant la béatitude promise.

Notre foi a beau nous rendre « étrangers et voyageurs sur la terre » (Hé 11,13), c’est en ayant les deux pieds sur terre que nous marchons à la suite du Christ. C’est pourquoi Paul écrit a aux Thessaloniciens: « ayez à coeur de vivre dans le calme, de vous occuper de vos propres affaires, et de travailler de vos mains, comme nous vous l’avons ordonné ». Il faut croire qu’il a été entendu, car lors de la collecte pour les chrétiens de Jérusalem, Paul a souligné leur générosité, comme le signale Antoine Nouis.

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Alors, comment vivre l’espérance?

Le début de l’espérance, c’est la confiance : « Quand vous entendrez parler de guerres et de soulèvements, ne soyez pas effrayés » (v.9). Pour citer le commentaire d’Antoine Nouis sur ce verset, « cette parole et ses dérivés : « N’ayez pas peur, ne craignez pas, ne vous inquiétez pas » est le commandement le plus souvent répété par Jésus dans les évangiles » ». Ayons confiance. Voilà pour ce qu’on pourrait décrire comme le début de l’espérance.

Lors du dernier conseil unifié, notre sœur Michelle Langelier a proposé trois pas sur le chemin de l’espérance : faire silence, lâcher-prise et remplir nos yeux et nos pensées de ce qui est beau.

Mais vivre l’espérance, c’est plus que cela. C’est aussi s’insuger, s’indigner et « résister au mal », comme dit notre confession de foi.

J’ai lu il y a plusieurs années l’autobiographie du Père Pedro, dont le titre est « Combattant de l’espérance » et le sous-titre « Autobiographie d’un insurgé ». Ce prêtre argentin d’origine slovène a fait un petit miracle sur l’immense décharche de Tananarive, à Madagascar. Arrivé sur le site en 1989, il a d’abord dû convaincre les familles qui vivaient sur ces immondices qu’un autre monde était possible pour elles. « Entouré au fil des ans d’une équipe de 460 cadres malgaches », il a pu scolariser 14 000 enfants, faire bâtir 3 000 maisons et 12 institutions d’enseignements, de la crèche au lycéeiv. Bien sûr, personne de nous n’aspire à établir une telle œuvre, qui a valu au Père Pedro d’être nomminé six fois pour le Prix Nobel de la Paix depuis 2013v. Mais c’est son espérance que nous partageons!

Mon ami de longue date Roger Boisvert, dont certains ont lu l’ouvrage « Pour la suite de l’humanité », analyse d’un point de vue original et agnostique ce que sont la foi, l’espérance et l’amour. Pour lui, « l’espérance a besoin d’une vision de l’avenir pour nous porter vers l’avant »vi , vers une poursuite de l’aventure humaine qui nécessite une recherche du bien commun, laquelle appelle plusieurs chantiers qu’il énumère, dont ceux-ci :

  • Miser sur « une éducation qui a pour but de vaincre la peur de l’autre », afin de favoriser l’entente entre les peuples et l’accueil des migrants
  • Dans le domaine environnemental, se préoccuper de la transition vers des sources d’énergies renouvelables.
  • Favoriser un partage équitable des ressources alimentaires, minières ou autres.
  • Prendre garde à la surconsommation.
  • Réduire notre consommation de viande au profit d’aliments d’origine végétale.

Tout cela permet de constater que l’espérance chrétienne est un combat de tous les jours pour l’avancement du Royaume de Dieu.

Les versets finaux de l’Évangile d’aujourd’hui, où Jésus annonce des persécutions, devraient nous inciter à prier pour ces quelque 327 millions de chrétiensvii dans le monde qui vivent à la dure ce combat de l’espérance, qui sont « attaqués, arrêtés, emprisonnés, torturés et, dans les cas les plus extrêmes, tués, uniquement en raison de leur foi ». Cette foi que nous partageons avec eux; cette foi qui est « une manière de posséder déjà ce qu’on espère » (Hé 11,1).

Puisse Dieu nous maintenir dans l’espérance et la persévérance jusqu’à la fin de notre course ici-bas!

AMEN

 

iJean Duplacy, article « espérance » du Vocabulaire de théologie biblique, sous la direction de Xavier Léon-Dufour, éd du Cerf, 1962

iiiTOB, édition intégrale, Luc 21, 5, note w

ivPedro Opeka, article Wikipédia

vibidem

viRoger Boisvert, Pour la suite de l’humanité. Une lecture agnostique des vertus théologales. éd Carte Blanche, p. 169

viiAide à l’Église en détresse https://acn-canada.org/wp-content/uploads/2025/09/Texte-general-sur-la-persecution-religieuse-2025-VF.pdf. « On estime également que 75 % des violences à motivation religieuse visent les chrétiens, ce qui en ferait possiblement le groupe religieux le plus persécuté au monde ».

Photo: Pixabay

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