LECTURES BIBLIQUES: Luc 16,19-25 & 1 Timothée 6,6-11.17-19

Les quatre évangiles sont en fait des collages de paroles de Jésus, intercalées dans des narrations quant à ses gestes, ses enseignements et les circonstances de sa vie, le tout coloré par des interprétations propres au contexte des communautés chrétiennes où ils étaient lus. Au fil du temps ces interprétations vont se développer, comme l’attestent les lettres aux communautés conservées dans le nouveau testament, et deviendront une référence incontournable pour la compréhension du message évangélique. Il importe de se souvenir que c’est la vie quotidienne des individus et des communautés de jadis qui fait émerger, sous le souffle de l’Esprit sacré, toute la portée des dires et des actes de Jésus, lui qui nous révèle l’intention aimante du Père, l’Éternel Dieu. Or, n’en est-il pas encore de même ? Soyons attentifs aux prises de conscience que l’Esprit du Christ nous amène à vivre en lien avec notre situation propre. Tant les évènements de nos vies personnelles que les situations de l’actualité de notre société et de notre monde sont des invitations au discernement, en cherchant avec humilité, le dessein de Dieu en tout cela.

L’histoire de Lazare et de l’homme riche de l’évangile de Luc ressemble à un conte oriental et bien que cette parabole se situe dans la tradition juive (au côté d’Abraham¹) le thème abordé en est universel. Dans notre culture, ce serait l’histoire de Séraphin Poudrier², l’avare mythique des pays d’en haut³. La déclaration : tu as reçu ton bonheur durant ta vie, comme Lazare le malheur ; et maintenant il trouve ici la consolation, et toi la souffrance⁴, concerne la destinée dans l’au-delà des personnages du riche et de Lazare nom qui signifie « Dieu aide ». L’obscénité de l’abondance qui se vautre dans la gloutonnerie et, toute absorbée dans sa jouissance, se blinde d’indifférence face à la détresse d’autrui est un crime véritable contre l’humanité du point de vue divin. Le texte est une mise en garde implacable quant à la conception du bonheur que nous adoptons et un rappel de la portée cosmique autant de nos actes que de nos omissions. Abraham qualifie le riche de mon enfant, car dans la perspective du dessein de Dieu, l’alliance de grâce pour le monde, l’orientation de sa vie qui ignore le pauvre est un désaveu de cette filiation, qui l’amène corps et âme dans la souffrance, hors du salut offert à tous par la miséricorde divine.

Les extraits retenus de la 1^ère lettre à Timothée déballent en quelque sorte le message de la parabole de Lazare. C’est Dieu qui nous dispense tous les biens en abondance, pour que nous en jouissions. Il n’y a donc aucune raison de s’enorgueillir et ni de mettre espoir dans une richesse incertaine⁵. L’utilisation des ressources en harmonie avec le règne de Dieu passe par le prisme de la vie spirituelle, la piété, qui est dite d’un grand profit, pour qui se contente de ce qu’il a.⁶ Nous pouvons entendre ici une invitation bien actuelle à oser la simplicité volontaire, la sobriété dans la consommation et le souci de la répartition équitable des richesses et du partage des ressources. En effet, nous n’avons rien apporté dans le monde ; de même, nous n’en pouvons rien emporter. Si donc nous avons nourriture et vêtement, nous nous en contenterons⁷. Notre foi est en soi le choix d’un style de vie qui comble nos besoins les plus fondamentaux et nous met en garde face au repli égoïste des incitations constantes de la consommation, du divertissement, du prestige. Ceux qui veulent s’enrichir, tombent dans le piège de la tentation, dans de multiples désirs insensés et pernicieux, qui les plongent dans la ruine et la perdition,⁸

Nous avons ici un rappel que la grâce à bon marché, la religion d’apparat et qui s’absorbe dans le conformisme social, est une anesthésie insidieuse de la compassion qui étouffe l’engagement solidaire promu par l’Évangile; livrés à l’amour de l’argent certains se sont égarés loin de la foi et se sont transpercé l’âme de tourments multiples. Comment ce matin entendons-nous les exhortations de l’Écriture? Comment tentons-nous d’intégrer dans notre vie personnelle les valeurs évangéliques et de résister au piège des multiples désirs insensés et pernicieux? Comment agir socialement en ne mettant pas notre espoir dans une richesse incertaine mais dans le souci du partage avec les autres? À l’écoute du témoignage des disciples d’hier, que la Parole guide notre discernement dans l’aujourd’hui de notre contexte, par l’Esprit sacré qui demeure toujours l’authentique chemin d’avenir, la vie selon le règne de Dieu, la destinée de notre humanité. Amen.