Photo : P.-A.G.

Une patrie spirituelle

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

Stéphane m’a confié un jour que c’est lors d’un culte du dimanche de la Réformation qu’il est entré une première fois à l’Église Unie Saint-Jean, à Montréal. Il s’est tout de suite senti chez lui et après son départ de Montréal, il s’est joint à nous l’an dernier à l’occasion de ce même dimanche. J’ai vécu un parcours analogue quand, devenu apatride dans ma recherche spirituelle et poussé par une certaine curiosité, je me suis retrouvé ici, au début de ma vie à Québec. Très rapidement, j’ai senti que j’avais trouvé ici ma patrie spirituelle. Et c’est un dimanche de la Réformation que j’ai fait ma profession de foi.

Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits.

Nous aurions tous et toutes une histoire à raconter, une histoire ponctuée de moments de recherche, de blessures, de déceptions, de soifs et de tâtonnement. De hasards, aussi. Et surtout de rencontres. Les chemins par lesquels nous sommes venus sont multiples et rarement rectilignes.

Un des traits qui caractérise notre paroisse, c’est en effet que l’ayons choisie. Personne n’y est, je pense, par tradition, familiale ou autre. Nous tous, nous avons appartenu à d’autres communautés, protestantes ou catholiques romaines, avant de nous retrouver ici à Saint-Pierre.

Et quelque chose de merveilleux ne cesse de s’opérer depuis plus de 30 ans : nous avons trouvé une communauté, mais par l’apport de chacun, de chacune, nous façonnons sans cesse une communauté. Elle ne croît pas en nombre, et pourtant elle ne cesse de se renouveler, de se modifier, avec les attentes, les questions et l’apport personnel de chacune, de chacun.

Dans cela, il faut reconnaître la grâce de Dieu à l’œuvre. La présence de l’Esprit de Jésus au milieu de nous.

Ce qui nous unit au-delà de nos nombreuses différences de cheminements, de sensibilités et de personnalités, c’est un ensemble d’aspirations et aussi de convictions que nous avons en commun et que nous éprouvons comme bonnes et désirables. En dépit de ses limites, notre vie d’Église nous fait du bien. Laissez-moi mettre des mots sur cette grâce dans laquelle nous baignons et que nous célébrons de façon spéciale en ce dimanche.

D’abord, nous ne sommes pas une paroisse de plusieurs centaines de personnes. Ici, chacun, chacune a un nom. Souvent surtout, un prénom. J’aime y voir le reflet d’une des principales convictions que nous partageons : pour Dieu, nous ne sommes pas une masse confuse et indistincte qui s’appellerait « l’humanité », nous ne sommes pas des numéros. C’est Ésaïe qui rend le mieux ce que nous sommes pour Dieu : « Je t’ai appelé-e par ton nom1. » « Je t’ai tatoué-e sur la paume de ma main2. »

La grâce de ce Dieu bienveillant dont nous nous réjouissons aujourd’hui, mais aussi à laquelle nous avons le devoir d’être fidèles, c’est celle d’être portés par une grande tradition spirituelle, la tradition chrétienne et, en son sein, la tradition de la Réforme.

Cette grâce qui nous nourrit, nous soutient et dirige nos vies, c’est d’abord celle de notre rapport aux Écritures. La Bible est la lumière qui nous éclaire. Elle est aussi la source à laquelle nous venons nous abreuver, nous rafraîchir et nous purifier. La Réforme est née du besoin de revenir à cette source, qui était devenue au fil des siècles obstruée, et parfois polluée, par des excès d’interprétation littérale, de momification, de codification légaliste. Les réformateurs faisaient leurs cette parole de Jésus que nous venons d’entendre : « Vous laissez de côté le commandement de Dieu et vous vous attachez à la tradition des hommes […] Vous annulez la parole de Dieu par la tradition que vous transmettez3. »

Deuxièmement, la grâce qui nous nourrit, nous soutient et dirige nos vies, c’est celle d’une confiance que nous voudrions inébranlable en un Dieu dont « l’amour a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné et qui prouve son amour pour nous en ce que Christ est mort pour nous alors que nous étions pécheurs », comme nous l’avons encore entendu tout à l’heure4. Pour le dire dans les mots de Calvin, « la foi chrétienne est une ferme et solide confiance du cœur, par laquelle nous nous arrêtons sûrement à la miséricorde de Dieu qui nous est promise par l’Évangile5. » C’est par cette confiance, cette foi, que nous avons l’assurance que notre vie ne peut être perdue, mais qu’elle est au contraire sauvée, c’est-à-dire menée à sa réussite, à son plein accomplisse-ment, malgré l’omniprésence du péché et de la mort.

La grâce qui nous nourrit, nous soutient et dirige nos vies, c’est encore celle de la gratuité absolue de cet amour divin. Paul vient de nous le rappeler : c’est alors que nous étions pécheurs, sans aucune rectitude à pouvoir faire valoir à ses yeux, que Dieu a pris, par pur amour et pure grâce, l’initiative de se révéler à nous dans sa Parole et dans son Fils. La grâce de Dieu n’est pas mesurée par nos pratiques généreuses ou nos pratiques de dévotion. Elle est et sera toujours pur don d’un amour et d’une miséricorde qui dépassent tout ce que nous pouvons imaginer.

La grâce qui nous nourrit, nous soutient et dirige nos vies, c’est encore celle d’avoir en Jésus, qui a donné sa vie et qui a été arraché à la mort, le lieu de notre rapport intime avec Dieu et de l’accès au meilleur de nous-mêmes. C’est dans notre relation à Jésus que se réalise la rencontre entre Dieu qui vient vers nous et nous qui allons vers Dieu. Il n’y a pas d’autre intermédiaire. Il existe, bien sûr, une institution qui s’appelle l’Église Unie du Canada avec ses conseils régionaux. Nous avons une pasteure, un conseil des anciennes et anciens et un conseil unifié : mais ce que je pourrais appeler ces structures n’ont d’autre fonction que de nous inspirer et de soutenir notre fidélité personnelle et communautaire à la grâce.

Enfin, la grâce qui nous nourrit, nous soutient et dirige nos vies, c’est la conviction que notre existence de tous les jours, collective aussi bien que personnelle, est destinée à rendre gloire à Dieu. Dans notre vie, dans nos amours, nos solidarités politiques et sociales, notre manière d’utiliser nos biens, nous cherchons à vivre en disciples de Jésus. Par tous les aspects de notre existence, nous ne nous recherchons pas nous-mêmes. L’Église elle-même ne cherche pas à se reproduire elle-même. Ce que nous recherchons, c’est rendre gloire à Dieu seul.

Quelle richesse spirituelle! Quel trésor! Et pourtant, nous savons bien que comme Paul l’écrit encore, « ce trésor, nous le portons dans des vases d’argile, pour que cette incroyable puissance soit de Dieu et non de nous6 ». Ici à Québec comme à Pinguet, nous formons une communauté vieillissante dans une société vieillissante. Notre avenir est loin d’être assuré, mais nous savons qu’il appartient à Dieu. Pour notre part, nous accueillons de nouveaux signes de sa grâce. Comme notre société, nous nous renouvelons en partie grâce à la présence de frères et de sœurs nouvellement venus d’ailleurs. Nous demeurons avec conviction une communauté inclusive, qui révèle à chacun, à chacune, qu’il ou elle est aimée de manière inconditionnelle par Dieu. Nous sommes une communauté qui cherche des formes de témoignage ajustées à nos capacités mais aussi à l’environnement de la ville de Québec. Par exemple, par une présence que nous voulons de plus en plus dynamique sur Internet.

Voilà la grâce de la Réformation pour laquelle nous voulons rendre grâce aujourd’hui, nous appuyant sur les cinq piliers que j’ai mentionnés : l’Écriture seule, la foi seule, la grâce seule, le Christ seul, la gloire de Dieu seule.

Amen.

 

LECTURES BIBLIQUES

Romains 5 1-11

Marc 7 1-15

1 Ésaïe 43 1.

2 Ésaïe 49 16.

3 Marc 7 8 et 13.

4 Lettre de Paul aux Romains, 5 5 et 8.

5 Brève instruction chrétienne III 4.

6 Deuxième Lettre aux Corinthiens 4 7.

2 commentaires

  1. Richard Guay says: · ·Répondre

    Belle prédication.
    Dommage que nous ayions manqué la Fête de la Réformation, mais avec les conditions météo et en pneus d’été, nous avons préféré être prudents.
    À bientôt
    Claire Fréchette et Richard Guay

    • Paul-André Giguère says: · ·Répondre

      Merci pour le commentaire. D’autres aussi ont joué de prudence, avec raison. Heureusement qu’il y a maintenant Internet!

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